lundi 16 septembre 2019

MEMOIRE D’AUDIENCE Pour Pierre Jacques Cornil Desmyttere, avocat au cidevant Parlement de Flandre, demeurant à Cassel contre le sieur Vanderborgh (1812)


MEMOIRE D’AUDIENCE
Pour Pierre Jacques Cornil Desmyttere, avocat au cidevant Parlement de Flandre, demeurant à Cassel contre le sieur Vanderborgh
1812

MEMOIRE D’AUDIENCE
 
Pour Pierre-Jacques-Cornil DESMYTTERE, Avocat au ci-devant parlement de Flandre, demeurant à Cassel, en sa qualité d’héritier légal maternel de Dame Marie-Catherine Rommelaere, sa cousine germaine, décédée épouse du Sieur Charles-Benoit Vanderborgh à Bollezeele, le 4 octobre 1812, signifié d’une part,
 
CONTRE
 
Ledit sieur VANDERBORGH, soi-disant légataire universel de ladite Dame Rommelaere, son épouse, demandeur par exploit d’assignation du 27 mars dernier, d’autre part.

Pardevant Messieurs les Président et Juges du Tribunal civil, séant à Dunkerque

Le demandeur pourrait bien dire comme disait le Précepteur de Charles IX, à qui le Prince reprocha le désir insatiable d’accumuler des bénéfices, que le goût vient en mangeant, sacra auri fames ; non content d’avoir extorqué son épouse, depuis une vingtaine d’années, par des obsessions, suggestions, démarches caresses un peu lourdes, etc. successivement quatre à cinq testamens en sa faveur, il ose maintenant se dire légataire universel et conclure contre les héritiers à ce qu’ils soient condamnés à le reconnaître comme propriétaire, le tout avec menace de prendre des conclusions plus amples, ce qui annonce son extravagance.
 
Le signifié sait que sa parente avait la libre disposition de ses biens, son intention n’a jamais été, elle ne l’est pas encore et elle ne sera jamais de contrevenir à sa dernière volonté, mais le demendeur est dans le cas de faire conster et faire conster par un acte valable, et conforme au prescrit de la loi, comme quoi il est légataire universel.
 
Le signifié est héritier légal maternel, il a la loi pour lui, il est aussi appelé par la défunte pour lui succéder, si tant est qu’on peut dire que le prétendu testament est son ouvrage, voilà sa dernière volonté qui ne peut se tenir avec un legs universel, ne pouvant à la fois tout donner à Jean et appeler Pierre pour le partager, elle n’a donc fait un legs universel et si elle en aurait fait un il est censé révoqué par la clause finale qui suit la clause révocatoire ; un Testateur n’a besoin de se servir de termes ambigües ni des sens à double et triple attente, sa volonté clairement expliquée fait la loi, le reste s’interprête contre lui et in voit que l’intention du demandeur n’a été autre que de se donner le mobilier, conquêts et vers et secs catheux et de s’assurer par ce don une stipulation contradictoire qui détruit tout l’ouvrage, mentita est iniquitas sibi et nimia proecautio dolus.
 
Un véritable légataire universel est saisi de plein droit, sans être tenu de demander quelque délivrance, on voit du prétendu acte produit que son objet n’a point été de donner la propriété générale, mais seulement de donner quelque chose de plus que ce qu’avait été donné par les actes précédens, l’exécution dépend du fait et de la volonté des héritiers, qui auront la nue propriété de tous les biens de famille pour l’approuver, et les démarches postérieures du demandeur donnent à connaître que lui-même n’a point envisagé son legs comme un legs universel en propriété.
 
Le quatre novembre, il a fait signifier l’acte aux héritiers avec déclaration qu’il prend et prendra leur silence pour aveu et approbation, il donc reconnu leur droit à la propriété, et à le prendre autrement, la disposition est contradictoire et indéchiffrable.
 
Toute disposition doit être pure et simple, dépendre uniquement de la volonté du disposant sans pouvoir dépendre en quelque façon du fait d’un tiers ; de semblables clauses ne sont que des entraves pour les héritiers, sur la volonté desquels le disposant n’a aucun empire, et c’est en quoi consiste la vraie liberté ! Comme les clauses pénales, elles sont contraires aux lois et nulles, et comme clauses privatives elles ne sont regardées que comme comminatoires et n’empêchent qu’on puisse s’en pourvoir contre la disposition qu’on prétend contester. Mr Pollet, part.3, art.124, en rapporte deux arrêts du parlement de flandre, voyez aussi Stockmans, décis 17, Chrystin vol.4 décis 39, n°6 et Voet, ed ff. lib 34, tit. 6, n°3.
 
Commençant à sentir cette vérité, le demandeur voudroit bien revenir sur ses pas et faire supprimer la moitié de la stipulation qui bride la prétendue disposition universelle, mais il doit savoir que ce n’est point à lui de diviser la stipulation, qu’elle doit être prise ou rejetée en son entier, et qu’au cas de doute, elle devrait être interprétée contre le stipulant « contra eum legem non dixit apertius », tel est aussi la disposition de l’art. 1162 du Code Napoléon.
 
Le jour de l’enterrement de son épouse, avant le service, le demandeur a déclaré à quelques parens que quelque chose était faite en leur faveur, le Notaire Lippens chantait de son côté que tout était réglé comme en l’année 1790. Il déclara au signifié, à table, que jamais il n’avait vu de meilleur accord entre homme et femme, qu’il était convenu que Vanderborgh devait payer les dettes, même l’enregistrement pour les héritiers, qu’il n’avait point écrit cela dans l’acte, mais que Vanderborgh ne savait pas autrement, et qu’il ne manquerait point de faire le payement, et il a fini par ne pouvoir lire son ouvrage.
 
De pareilles démarches de sa part annoncent une reconnaissance formelle des droits des héritiers, reconnaissance qu’il ne peut plus rétracter sans être en contradiction avec soi-même, reconnaissance qui est relative à une stipulation universelle et qui ne saurait être annullée sans annuller l’acte.
 
Le demandeur, qui veut faire annuler partie d’un acte qu’il a déjà approuver, ne peut trouver mauvais que le signifié, sans vouloir contredire la dernière volonté de la défunte, fasse voir que le même acte est nul tant au fond qu’à la forme, qu’il est l’ouvrage du demandeur, qu’il ne représente qu’une espèce de vol manifeste et qu’il ne contient que des absurdités et des contradictions.
 
C’est de la loi civile que l’homme tient de privilège de tester, ce n’est qu’en se conformant au prescrit de la loi qu’il peut mettre ce privilège en exercice et la moindre contravention emporte nullité « proescripta a lege forma ne quidem expartium concensu omitti potest, ideoque quoties forma in actur per leges desiderata neglegitur actus ipse de jure nullus est ; forma dat esse rei et ad substantiam refertur. Tuldenus in jurisp. Extemp cap. 14 Wamesisus cent 1 con. 76 n°5, gail lib.2, obs 19 n°15 et 16.
 
Testamentum est voluntatis nostroe justa sententia de eo quod quis post mortem suam fieri velit I 1 ff qui test. fac. pos opertet ut fiat uno eomdemque tempore ac contextu, fine nullo diverticulo ad actum aliquem extraneum hoc est nullum actum alienum testamento intermiscere, I. 21 parg. 3 eod. »
 
L’instrument dont on se prévaut contient deux actes incompatibles et contradictoires, il commence par une espèce de disposition universelle, vinculée et dépendante de la volonté des héritiers, et il finit par un appel à la succession selon les lois anciennes : si la disposition universelle est valable, il n’y a point de succession, et y ayant ouverture et appel à succession, il n’y a point de disposition universelle, voilà deux actes étrangers dont l’un détruit l’autre et annullent le testament.
 
La forme des testamens était réglée dans la flandre par les coutumes, et où les coutumes ne prescrivaient pas la forme par l’édit de 1611, les formalités devaient être observées par ordre à peine de nullité, les témoins devaient être interrogés et répondre devant le Juge au cas requis, ils devaient être requis et interpellés par le Testateur, et le Notaire devait faire mention expresse de tout, ainsi que de l’endroit où le Testament avait été passé, le tout aussi à peine de nullité, voyez Anselmo dans son commentaire sur les art. 11, 12, 13 et 14 du même édit, n°4, 13, 22 et 92. [note manuscrite : l’Edit de Charles V du 4e 8bre 1540]
 
Ces formalités n’ont pas été abrogées par l’ordonnance du mois d’août 1735, il est dit dans le préambule que le législateur, voulant bien se prêter au préjugé naturel qu’à chaque peuple pour les usages dans lesquels il est né, a laissé à chaque province ses lois et ses coutumes particulières, et s’est contenté de réformer ce qui était défectueux, de fixer ce qui était douteux et incertain et de retrancher ce qui n’était pas marqué au coin du bien public.
 
L’art. 47 porte, toutes les dispositions de la présente ordonnance, qui concernent la date et la forme des testamens, codicilles et autresactes de dernière volonté et des qualités des témoins, seront exécutées sous peine de nullité, sans préjudice des autres moyens tirés des dispositions des lois ou des coutumes, ou de la suggestion ou captation desdits actes, lesquelles pourront être alléguées sans qu’il soit nécessaire de s’inscrire en faux à cet effet pour y avoir par nos Juges tel égard qu’il appartiendra.
Il n’est pas ici seulement question de suggestion, toujours difficile à découvrir et de mettre au grand jour les traces qu’elle laisse après elle ; elle n’agit, dit Mr Cochin, que par des routes obscures et pour ainsi dire, souterraines, elle se masque avec art, non-seulement aux yeux du public mais même aux yeux de celui qu’elle enchaine et opprime, elle n’est donc seulement point une fraude  mais la plus déliée et la plus adroite de toutes les fraudes : de là naît presque touours la difficulté de la démontrer parfaitement, et c’est cette difficulté même qui rend la loi plus indulgente sur la nature et le genre des preuves qu’indique la suggestion.
 
Selon les règles de droit et le sens commun, dit Coquille sur l’art. 40 du chap. 4 de la coutume du Nivernois, la fraude ne saurait être prouvée que par des conjectures, et elle ne serait pas fraude si elle n’était occulte, Dumoulin établit la même chose sur l’art. 33 de l’ancienne coutume de Paris, gl. 2 n°23, et il montre en même temps la route qui conduit à la découverte de la fraude. Il faut, dit-il, commencer par une discussion exacte de tous les faits, quod constitit in circonstantiis, et la meilleure règle est de considérer ce qui a précédé et suivi les actes argués de fraude, in primis quoe precedunt vel quoe sequuntur sunt spectanda.
 
La défunte est née en 1748, le survivant vers l’an 1758, le mariage a été contracté au mois de Juillet 1780, sous l’empire de la coutume de Cassel qui ne permet à la femme de disposer entre vifs ni à cause de mort, sans l’autorisation de son mari, et qui défend en même temps aux gens mariés de s’avantager pendant mariage, sinon que par acte réciproque à défaut d’enfant.  art 266 et 268.
 
La loi du 17 Nivôse an deux a maintenu tous les avantages contractuels et coutumiers entre gens mariés, et par là elle a implicitement défendu d’en faire d’autres, aussi le code n’est il censé que d’avoir autorisé les dons entre homme et femme pour les mariages postérieurs à sa promulgation, car tout mariage antérieur a été contracté sous la foi de la loi existante, et les deux familles sont intéressées à ce qu’elle reçoit son exécution.
 
Le dernier enfant décédé vers 1794 ou 1795, il a desuite été question du ravestissement autorisé par la coutume de Cassel, le survivant sait par voies et menées il y est parvenu, il était dès lors question des verds et secs catheux, quoique la coutume ne le permettait, à quoi la défunte a toujours fortement résistée, le sieur Jean Vanhaecke de Roubrouck, pourrait à cet effet rendre un parfait témoignage, y ayant été appelé dans le temps par la défunte pour écouter les plaintes qu’elle avait à faire, lui disant que jamais elle ne passerait quelque acte sinon qu’en sa présence.
 
Ne pouvant déterminer son épouse, ni le sieur Vanhaecke pour l’aider à donner les verds et secs catheux, il n’a plus été question de lui, le demandeur a continué son manège, différens actes ont successivement été passés pardevant les Notaires Pierens, Vankempen et Carpentier, et selon la rumeur publique, il n’a jamais pu obtenir lesdits catheux.
 
Pendant le mois de Juillet 1811, le demandeur, étant attaqué par la goutte, fit appeler chez lui le signifié par exprès afin de pouvoir conférer avec lui touchant une affaire sérieuse, la défunte étant affligée d’un mal de jambe depuis  un grand nombre d’années, ne pouvant sortir de sa maison ni se bouger, charmée de voir son germain elle se fit porter sur le bras comme un enfant pour diner avec lui et le sieur Vanhaecke, qui y survient par hasard, voilà la première et dernière entrevue que le signifié a eu avec sa parente. 
 
Après table, et en présence seulement du demandeur, du Sieur vanhaecke, du signifié et de sa fille aînée, la défunte a déclaré qu’elle avait accordé le revenu de ses biens à son mari, en demandant au signifié comment la propriété devait être partagée après son décès, qui lui répondit que jusqu’à présent notre tante utérine âgée de 88 ans, moribonde, à l’extrémité  et décédée les premiers jours de Septembre suivant, était son héritière unique et maternelle, et qu’après notre tante, que j’étais son unique héritier, cependant qu’il ne me serait point agréable d’exclure cousin Vanhaecke présent, petit fils de notre tante germaine avec les autres descendans, qu’elle pouvoit y remédier, que cela dépendait de sa seule volonté, qu’au cas qu’elle était de cette intention, elle n’avait qu’à déclarer à cousin Vanhaecke, qui avait occasion de la voir de temps à autre, lequel m’aurait fait la déclaration, que j’aurais moi-même rédigé son intention par écrit pour la lui transmettre par le même canal afin qu’elle n’aurait qu’à faire appeler un Notaire pour consommer l’ouvrage, il fut en même temps raisonné touchant ses héritiers paternels qu’elle ne connaissait pas, ne sachant d’aucun le degré de parenté, il fut arrêté qu’elle prendrait quelques éclaircissemens à cet égard, qu’elle communiquerait son intention à cousin Vanhaecke qui ferait le rapport au signifié.
 
A-t-elle voulu le faire, ou n’a-t-elle pu le faire, le signifié l’ignore, mais il sait que rien n’a été fait, et qu’on fait courir le bruit qu’il a sollicité un testament en sa faveur du vivant de sa tante, c’est une véritable calomnie, il n’y a point d’exemple que de la vie il ait sollicité quelque chose pour lui et la représentation du fils d’une tante germaine, qui représente les deux lignes mater-paternelle et mater-maternelle, ne saurait être blâmée.
 
Il semble que c’est ici que le demandeur a recommencé à jouer son rôle et que, ne pouvant obtenir rien de plus par la suggestion et séduction, il a eu recours au dol et à la fraude. 
 
Voyant que son épouse diminuait de jour à autre, qu’elle était à l’extrémité, et qu’elle ne pouvait plus survivre, il s’est avisé de faire de lui-même un modèle de testament, à quel effet il a séjourné en la ville de Cassel, accompagné du sieur Verrons, une journée entière, depuis huit heures du matin jusqu’à huit heures du soir, avec lequel modèle il s’était adressé près feu le Notaire Charle qui, voyant de quoi il était question, a refusé de prêter son ministère.
 
L’objet était de s’approprier les verds et secs catheux, les conquêts et tout le mobilier, qu’il n’avait pu obtenir par les actes précédens, conduite indigne pour un homme qui, de son côté, a de quoi vivre et qui n’a pour apparens héritiers qu’une sœur aînée célibataire et un frère aîné sans prospérité : le Notaire Carpentier était mort et il n’y avait plus que le Notaire Lippens qui a empris la besogne.
 
Avant de se mettre à l’ouvrage il a envoyé le sieur Deknuyt de Volckerinckhove, par reprises à Cassel chez le rédacteur du modèle pour prendre langue et encore n’a-t-il du appliquer son modèle ni le faire cadrer aux circonstances. 
 
Tout véritable Testateur commence par recommander son âme, régler ses funérailles et par quelques legs pieux, eu égard  à sa fortune, ici il n’est question de rien de semblable.
 
On parle des lois anciennes et modernes, de l’ordre de la représentation, de souches, de ce qu’avait lieu en 1790, etc. et la défunte n’a jamais su ni ouir parler de rien de semblable, aussi ne savait elle la langue française, tout est désordre et contradiction, le contenu entier n’est point intelligible et il n’est pas possible de l’appliquer à ce qu’on a voulu insinuer.
 
L’objet n’était autre que de donner au survivant le mobilier et les conquêts, verds et secs catheux ; pourquoi n’a-t-on fini avec les premières lignes ? JE DONNE L’UNIVERSALITE DE MES BIENS EN PROPRIETE. En approuvant par les héritiers la disposition qu’elle en est l’étendue ? L’approbation ne valide point l’acte et n’ajoute rien selon le principe, qui confirmat nihil dat. Le demandeur doit-il avoir le mobilier, verds et secs catheux et les conquêts, ou doit-il avoir la propriété de tous les biens comme il ose prétendre à présent ? On voit au contraire que la propriété doit être aux héritiers et au lieu de pouvoir diviser la stipulation et la supprimer en partie, elle doit être rejetée en entier selon la doctrine de Papinien, L 77 ff de div. reg. jur. « Actus legitimi qui recipiunt diem vel conditionem in totum vitiantur pertemporis vel conditionis adjectionem », voyez aussi le docteur dantoine en ses règles judiciaires sur le droit canon et le droit civil, reg. 50, il ne reste donc qu’à débouter le demandeur de ses conclusions prises ce qu’il a déjà reconnu le droit de propriété des héritiers.
 
La seule clause intelligible qu’on rencontre, est celle par laquelle on révoque tous les Testamens antérieurs, qui effectivement ne sont que le fruit de la suggestion, et pour cette révocation, il ne fait qu’un simple acte devant Notaire, portant déclaration de changement de volonté, article 1035 du code.
 
La volonté de l’homme est ambulatoire de jour à autre et minute à minute jusqu’au dernier soupir, la prétendue disposition universelle est antérieure à la révocation, voilà le changement de volonté ; et la prétendue Testatrice poursuit ainsi « je veux finalement que mes héritiers naturels viennent à ma succession par représentation et par souches selon les lois anciennes ». Voilà sa dernière volonté clairement expliquée et déterminée, cette dernière volonté n’est point compatible avec une disposition antérieure et universelle qui se trouve révoquée si elle a existée, posteriora derogant prioribus.
 
Tout acte, tel qu’il puisse être, doit contenir la preuve que les formalités requises ont été observées, sans qu’il soit permis de recourir après coup à des conjectures ou autres preuves ; or, le prétendu acte ne contient rien de semblable, il est dit « pardevant moi Jean-Baptiste Lippens, en présence des … demeurans à Bollezeele, en personne Dame Marie-Catherine ROMMELAERE, épouse de Charles-Benoit Vanderborgh, vivant de ses biens audit Bollezeele, laquelle comparante, saine d’esprit, voulant faire son Testament, elle a dicté et nous avons écrit ainsi qu’il suit » : qui est la prétendue comparante ? Il ne dit pas que la défunte a comparue pardevant lui ni qu’il l’a été trouver quelque part ou que par elle il a été appelé, one voit point où elle était, l’acte constate seulement qu’elle était épouse de Vanderborgh, vivant de ses biens à Bollezeele, qui lui a déclaré qu’elle voulait faire un testament, l’acte ne le constate, c’est donc une invention de sa part qui a la vraisemblance d’un faux, car il n’est pas présumable qu’une personne qui a fait autant de testamens, viendra dire qu’elle est d’intention de faire son Testament ; elle a dicté et nous avons écrit ainsi qu’il suit, qui est-ce qui a dicté ? Et qu’est-ce qui a été dicté ? Qu’est-ce qu’il a écrit ? Si c’est le Testament qui a été dicté, il aurait dû écrire elle l’a dicté et point elle a dicté, et en effet au lieu de dispositions sages et testamentaires ce sont des bêtises et contradictions qu’il a écrit.
 
Le Testament public est et doit être un acte notarial, et acte notarié est soumis à deux espèces de formalités, aux formalités requises pour l’acte en général, et aux formalités nécessaires pour l’acte en particulier, telle est aujourd’hui la jurisprudence, fixée par l’arrêt de la Cour de Cassation du 1er Octobre 1810, jour. du barr. 2e partie tom. 6, pag. 3.
 
L’acte dont est question doit donc valoir 1e comme contrat notarié et 2e comme testament.
 
L’article 12 de la loi du 25 ventôse an 11 dit qu’on doit énoncer le lieu, le jour et l’année où les contrats sont passés, art. 13, qu’ils seront écrits en un seul et même contexte et sans lacune, art.14, qu’ils doivent être signés par les parties et le notaire et que tout mention doit être faite à la fin de l’acte à peine de nullité prononcée par l’art. 68.
 
On ne voit pas que l’acte a été écrit en un seul et même contexte et sans lacune, en quel jour et en quel lieu et année, au contraire, on ne voit qu’il ne contient que des stipulations incompatibles et contradictoires, de différente nature, comme dispositions, appel à succession, révocation de testament, etc. et qu’il y a eu des paroles ajoutées après la fin de l’acte, après la mention des signatures. 
 
L’arrêt du 9 Novembre 1809, rendu au tribunal d’appel de Douai, a jugé qu’après la mention des signatures on ne peut rien ajouter. Journal des Notaires ou répertoire général, tom. 3, art. 405, pag. 51. L’acte est donc nul comme acte notarié aux termes de la loi du 25 Ventôse an 11.
 
Les paroles ajoutées, après la mention des signatures, après la fin de l’acte sont « à la maison de la Testatrice audit Bollezeele le 30 Septembre 1812, à onze heures et demi du matin » sans cette expression ajoutée, l’acte ne contient l’énoncé de jour, ni de l’an, ni du lieu, et le lieu n’est point encore déterminé, vu que la défunte avait différentes maisons à Bollezeele et qu’elle ne se trouvait dans aucune maison à elle le 30 Septembre, mais en la maison de son mari.
 
Audit Bollezeele, ne peut être relatif qu’à énoncer la demeure du demandeur et des témoins, il n’en est point autrement parlé dans l’acte et il n’est nulle part dit que la défunte résidait à Bollezeele, ou que l’acte a été rédigé à Bollezeele.
 
Est-il valable comme Testament ? Non ; l’édit de 1611 et Enselme, commentateur célèbre du même édit, déclarent que les formalités doivent exactement observées par ordre et à la lettre, que les témoins instrumentaires ne rendent qu’un témoignage privé, qu’ils doivent comparaître devant le Juge étant requis pour être interrogés sous serment sur toutes les circonstances, qu’ils doivent être requis par le testateur, et que le lieu où le testament est passé, doit être inserré dans l’acte, le tout à peine de nullité ; l’ordonnance du mois d’août 1735, a laissé à chaque province ses lois, ses coutumes particulières et ses usages, et le code n’a rien abrogé, mais ordonné art. 972, que le testament soit dicté par le testateur et écrit par le Notaire tel qu’il a été dicté, qu’il lu en entier au Testateur en présence des témoins et que tout mention expresse soit faite à peine de nullité.
 
Le Législateur veut être certifié de deux choses, 1°. Que le Testateur a dicté son testament, 2°. Qu’il a été écrit que le Notaire tel qu’il a été dicté, et comment veut-il être certorié ? Par une mention expresse dans l’acte, cette disposition législative n’est relative qu’à ceux qui font un testament dans leur idiome et qui sont en état de le dicter, et ceux qui ne peuvent pas le dicter ne sont pas capables de faire un testament public.
 
Les Testamens, et tous les autres actes de la jurisdiction volontaire ont toujours été rédigés en flamand, l’arrêté du gouvernement qui vient d’ordonner de les rédiger en français n’a point dispensé ni pu dispenser ceux, qui ne savent le français et veuillent faire un testament public de le dicter, ni autorisé ni pu autoriser les Notaires pour faire le tout en leur nom, sans faire aucune mention ; l’homme n’est pas toujours juste et intègre, il est sujet  à corruption, nitimur in ventitum ; or, les Notaires sont hommes : la défunte ne savait le français, le Notaire Lippens n’a pu en même temps être Testateur et rédacteur de l’acte sans être à ce autorisé par une loi, sur tout encore dans le cas qu’il n’a point été du choix de la défunte mais du choix du demandeur.
 
Les Testament n’est point un acte nécessaire et auquel l’homme soit tenu, au contraire ce n’est qu’un privilège qu’il tient de la loi et en se conformant au prescrit d’icelle, ne pouvant faire un Testament public, à défaut de le pouvoir dicter en français, la défunte aurait pu faire un Testament mystiqe ou olographe ou prendre un interprète pour expliquer sa volonté, de tout quoi le Notaire aurait dû faire mention dans son instrument, ou rédiger, à l’exemple de ses confrères, l’acte en deux colonnes, en flamand et en français.
 
On pourrait ici au besoin prendre la voie d’inscription e faux, mais la preuve qu’on pourrait induire de l’acte n’exclue point la preuve contraire qui résulte de la notoriété que la défunte ne savait le français et n’entendait point le contenu de la pièce en langue flamande, de sorte qu’il devient évident que jamais elle n’a dicté le contenu de ladite pièce et qu’elle n’a pu le dicter en flamand, le tout étant le résultat d’un modèle rédigé à la requête du demandeur, et dont le rédacteur, à l’exemple d’un droguiste ou d’un serrurier, aurait dû être plus sage et prévoir l’abus qu’on pouvait faire de son ouvrage ! il y a des lois  à observer, des formalités à remplir, et ce n’est point de la sorte que le législateur a exposé les fortunes particulières à la rapine et au pillage, le morceau est ici appétissant et vaut la peine.
 
Le Notaire Lippens ne fait point mention que la défunte a dicté son testament et qu’il l’é écrit tel qu’il a été dicté, mais il fait seulement mention qu’elle a dicté, sans dire quoi elle a dicté, et qu’il a écrit ainsi qu’il suit.
 
Dicter sans dire ce qu’on dicte, et écrire ainsi que suit n’est point équipollent ni synonime avec dicter un Testament et l’écrire ainsi qu’il a été dicté, il a de ce chef contravention à la loi et nullité.
 
On ne fera croire à personne que dicter et écrire ainsi qu’il suit, veut dire dicter un Testament et l’écrire ainsi qu’il a été dicté, il n’y a en ce ni equipollence, et ce n’est point à des subterfuges et des raisonnemens déplacés que le Législateur a abandonné le sort des dispositions.
 
Au journal du barr. 2e. part. tom. 1, pag.  264 on voit un arrêt de Juillet 1808, il dit «  que la loi veut que le Notaire qui reçoit un testament y fasse mention qu’il l’écrit tel qu’il lui a été dicté et pag. 156, un autre arrêt de la Cour de Cassation du 18 janvier 1809, qui prononce la même chose.
 
Dans le journal des Notaires, tome Ir . art. 173, pag. 339, il est dit « Que plusieurs Cours d’appel et la Cour de cassation, ont par des arrêts, rapportés dans le guide des Notaires, consacré le principe que l’intention du Législateur n’était pas que la validité ou l’invalidité des testamens dépendit des diverses argumentations qu’on pourrait faire naître, qu’il a, au contraire, impérieusement exigé l’accomplissement des formes auxquelles ces actes sont textuellement assujetis par le code ». Page 76, arrêt de la Cour de cassation par rapport aux termes équipollens en matière de testamens, et dire qu’il n’y a d’expressions equipollentes que celles qui sont synonimes et identiques avec celles exigées par la loi ». au tome 3, art. 553, pag. 280 l’on ne saurait trop répéter combien il est important en cette matière de suivre littéralement les expressions de la loi et de ne pas se réduire à la nécessité d’invoquer des équipollences ». Tome 4.  Article 650. page 80, arrêt de la Cour de Cassation du 10 juin 1811,  il est dit dans le texte « que la preuve doit résider dans la mention expresse que prescrit la loi, que le Législateur n’a point abandonné le sort des testamens aux argumentations et aux conjectures, qu’il a donné pour garantie de la volonté du disposant l’accomplissement des formes auxquelles les actes qui la contiennent sont textuellement assujetis » Tome 2, art. 347, pag. 298, arrêt du Tribunal de cassation su 13 Septembre 1809 ». Les juges d’appel, a dit Mr Pons, substitut du procureur général ont pensé que la mention de la lecture, faite à la Testatrice en présence des témoins, se trouvait dans le testament par équipollence : ces expressions, lecture faite à la Testatrice et aux témoins leur ayant paru remplir le vœu de la loi. S’il est vrai que la mention qu’une lecture du testament faite au Testateur et aux témoins ne soit pas la même chose que la lecture faite à l’un en présence de l’autre, s’il est possible qu’on a lû le Testament à la Testatrice et aux témoins séparement, il est par conséquent que la Cour d’appel s’est écarté de la lettre et de l’esprit de la loi : quand la loi prescrit une mention expresse, elle ne se contente pas d’une mention équipollente car ces mots expresse et équipollente, loin d’être synonimes, sont tout le contraire.
 
Il faut, a ajouté ce Magistrat, assurer au code sa pleine et entière exécution et empêcher que par des interprétations arbitraires, on ne se jete dans le vague des équipollences, il n’est pas d’écart en ce genre qu’on ne puisse excuser par des raisonnemens, mais on ne doit raisonner ni pour ni contre, si sur la loi, on doit l’exécuter telle qu’elle est et s’attacher rigoureusement à son texte ».
 
Nous ne sommes pas réduits à dire avec Mr Pons, qu’il est possible que le Notaire Lippens a écrit autrement qu’il n’a été dcité, mais nous pouvons dire avec vérité qu’il a écrit autre chose, que rien ne lui a été dicté, que la prétendue Testatrice n’était point capable de dicter ni en français ni en flamand ce qu’il a écrit, et qu’il suffit qu’il n’a fait aucune mention d’avoir écrit ainsi qu’il a été dicté, il n’a fait que servilement copier ou défigurer un modèle qui lui a été remis par le demandeur, et ce qu’il a écrit est insignifiant, inexplicable, contradictoire, et ne tend qu’à semer le trouble dans différentes familles qui croyent, mal à propos, par lui avoir été appelées à la succession que le demandeur prétend présentement s’approprier en vertu du même ouvrage, et après avoir de son côté chanté à différens parens que quelque chose était fait en leur faveur.
 
Son instrument ne fait aucune mention que la défunte a comparu pardevant lui, ni qu’il a été appelé près d’elle, ni du jour, ni de l’an, ni du lieu, ni par quelle fatalité ou occasion ils se sont trouvés ensemble, ni qu’elle lui aurait déclaré vouloir faire un Testament, ni si c’est dans son lit, dans la cuisine ou bien dans quelque chambre qu’il l’a trouvée, ni qu’elle lui a dicté son Testament et qu’il l’aurait écrit ainsi qu’il a été dicté, sans dire que c’est son Testament et qu’il a écrit ainsi que suit, en quoi on ne voit que jullité et contravention à la loi ;
 
N’étant point juge de l’état du Testateur, ce que dit le Notaire à cet égard n’est que style et la preuve du contraire est admissible sans inscription de faux, telle est la jurisprudence ancienne et moderne constatée par la arrêt du Tribunal de cassation du 19 décembre 1810, journal du barr. 2e partie, tome 6, page 135, su la disposition ne contient rien de sage, c’est à celui qui l’attaque à prouver que le Testateur n’était pas sain d’esprit, et à celui qui en profite à prouver que le Testateur était sain d’esprit, si la disposition est déraisonnable.
 
L’acte est radicalement nul comme Testament, aux termes des art. 972 et 1001 du code, à défaut de mention expresse que la défunte a dicté son Testament et qu’il a été écrit ainsi qu’il a été dicté.
 
Si cette assertion se trouvoit, le signifié pourrait au besoin prendre la voie de l’inscription en faux contre icelle et même contre tout le contenu de l’acte, qui était déjà rédigé avant que le Notaire Lippens a trouvé la défunte avec quatre témoins, en présence desquels rien ‘a été dicté ni écrit, elle était moribonde et non saine d’esprit, exténuée de toutes ses qualités morales et physiques, par une maladie de consomption depuis plusieurs années, elle est éteinte comme une chandelle sans aucun secours, ni assistance spirituelle, y étant déjà plus d’un an qu’elle ne pouvait plus prendre du bouillon, ainsi qu’a rapporté au signifié le sieur Verrons, qui lui est venu annoncer sa mort de la part du demandeur, le quatre Octobre vers les neuf heures du matin ; elle n’a été visible par personne, ni parent ni prêtre ne la vue non-obstant qu’elle demeurait la maison attenante au cimetière, personne n’a été prévenu ni averti, et il ne fallait rien d’autre que suspendre sa signature, si tant est qu’elle n’est point supposée, c’est un vol manifeste qu’on a tenté de faire, et pour la consommation duquel le Notaire a coopéré comme complice, par le contenu de l’acte, qui n’a point de sens commun quoique malicieusement concerté, a deux objets, 1° de donner au survivant tout le mobilier avec les conquêts, vers et secs catheux, 2° de semer le trouble entre les parens pour le partage des propres.
 
La première stipulation est très-mal conçue, elle commence par une espèce de disposition universelle et elle finit par un partage entre le survivant et les héritiers ; on ne voit pas que le survivant prétendait autre chose que ce partage avant de faire dresser l’acte, on voit qu’en après il n’a voulu que le même partage, et en voulant à présent détruire partie l’acte pour avoir toute la propriété, il autorise le signifié à conclure pour la nullité de l’acte entier qui est nul tant au fond qu’à la forme.
 
Cette stipulation indivisible de sa nature est anéantie en entier, non seulement par la clause révocatoire de tous testamens, mais encore par le règlement de succession qui suit immédiatement après. « Je veux finalement que mes héritiers viennent à ma succession, etc. » voilà la dernière volonté et qui seule doit sortir effet, si tant est qu’on pouvait attribuer l’ouvrage à la défunte.
 
Ce ne sont pas les parens et ceux qui avaient le droit de succèder selon les lois anciennes qu’on appele à la succession, mais ce sont les héritiers qu’on appele pour succéder par représentation et par souches selon les lois en vigueur en 1790 ; le demandeur et le Notaire Lippens ont tort de dire qu’ils ont appelé les parens, si leur volonté a été telle, pour semer le trouble, ils doivent l’imputer à leur ignorance, et il n’était point en leur pouvoir de disposer de la fortune d’autrui.
 
Si la défunte avait voulu appeler les arrières descendans de deux autres tantes maternelles, elle aurait fait sa déclaration au sieur Vanhaecke ainsi qu’il a été proposé à la conférence du mois de Juillet 1811, ne l’ayant point fait, elle est censée ne point avoir voulu le faire, ou le sieur Vanhaecke a négligé de prendre ou de solliciter ses ordres. Elle pouvait, par leur nom ou par leur descendance appeler tels parens qu’elle voulait et les égaler au signifié ou leur donner tels bien qu’elle jugeait à propos, mais elle ne pouvait ordonner, au mépris de la loi régnante, de partager sa succession selon les lois anciennes, l’ordre de succession est de droit public, privatorum pactis jurispublico non derogatur, et il n’est pas plus permis à l’homme de faire opérer une loi abolie que de faire revivre un homme mort.
 
Il y a une différence totale entre héritier et parent, tout héritier est parent mais tout parent n’est point héritier, celui qui appele ses héritiers n’appele que ceux que la loi reconnait pour tels, et la défunte n’a jamais été instruite de l’ancien ni du nouvel ordre de succession, s’il y a de la différence et si la législation est changée avant ou après l’année 1790. Tout est dans le fait du Notaire et du demandeur qui par là donne à connaître qu’il n’est et ne peut être légataire universel, il ne connaissait point les parens hormis le signifié puisqu’il a envoyé chez le sieur Vanhaecke pour avoir une liste afin de les inviter aux funérailles, il n’est donc point surprenant qu’il ne les a pu appeler par leur nom ou leur descendance dans son prétendu testament.
 
Aux termes de l’art. 972 du code, le Testament public ne doit pas seulement être dicté par le Testateur et écrit par le Notaire ainsi qu’il a été dicté, mais la lecture doit être donnée et de tout doit être fait mention expresse ;
 
Le Notaire Lippens ne fait pas mention qu’il a donné lecture du Testament, mais il fit finalement après lecture faire, sans de quoi il a fait lecture, si c’est des prières de l’agonie ou de la gazette, à ladite Testatrice déclarée avoir compris le tout et être de sa dernière volonté : à qui a-t-il fait lecture ? Qui est la prétendue Testatrice ? De quoi a-t-il fait lecture ? Rien n’est mentionné dans son acte : on ne voit pas que la défunte a fait un Testament, encore moins qu’elle aurait dicté un Testament qui par lui aurait été écrit comme il a été dicté, on ne voit point qu’elle a comparue pardevant lui ou qu’elle l’aurait appelé ou fait appeler près d’elle, on ne voit point qui est la prétendue comparante et on ne voit de plus que cette supposée comparante aurait dicté un Testament par lui ainsi écrit ainsi qu’il a été dicté mais on voit seulement que cette comparante idéale a dictée, sans dire quoi elle a dictée et qu’il a écrit ainsi que suit ?
 
L’acte produit est en français, la défunte, ne sachant point le français, n’a pu répondre avoir compris le contenu, su tant est que le Notaire a fait lecture du même acte, d’ailleurs toute lecture soit être entière et la moindre omission ou la moindre addition, après la mention de lecture, emporte nullité, arrêté de la Cour de cassation du 13 Septembre et 7 Novembre 1809, jour. du barr. 2e partie, tome 4, pag. 103 et tom. 5 pag. 157. Pour le même défaut le Testament de la Dame Lysensoone a été déclaré nul au Tribunal d’appel à Douai, vers le mois de mai 1812, plaidans les sieurs Pierens et Boogaert.
 
De quoi a-t-on fait lecture et de quoi a-t-on pu faire lecture ?
 
Dans ce qui regarde la forme, il faut exactement observer l’ordre ! La lecture et la mention des signatures est et doit être la fin de tout acte, le Notaire Lippens n’a et il n’a pu donner lecture de ce que précède cette mention de lecture, finit par ces mots, EN MIL SEPT CENT QUATRE-VINGT-DIX, jusqu’à là on ne voit aucune trace du jour, de l’an et du lieu que l’acte aurait été passé, il est donc nul et ce serait d’une pièce nulle dont on aurait fait lecture.
 
Il n’a pu écrire, APRES LECTURE FAITE, d’avoir donné lecture et autrement il aurait écrit un faux ; n’ayant pu l’écrire qu’après la lecture faite, il est évident qu’il n’a pu donner lecture du passage qui suit cette mention de lecture, par conséquent, l’acte n’a point été lu en entier et du même chef il est nul.
 
L’acte contient trois parties 1° ce qui est avant la mention de lecture, 2° la mention de lecture et 3° ce qui suit cette mention « à la maison de ladite Testatrice audit Bollezeele le trente Septembre 1812, à onze heures et demi du matin.
 
La première partie a pu être lue et la troisième n’a point été lue et elle n’a pu être lue, vu qu’elle n’existait pas encore lors de la mention de lecture.  Cependant sans son existence, il n’y a point d’acte valable, on ne voit point quand cette partie a été ajoutée mais il est toujours évident qu’elle n’existait pas encore lorsqu’on a fait lecture, que de ce chef l’acte n’a point de valeur n’ayant été rédigé dans un seul et même contexte, elle n’a pas pu être ajoutée qu’après la surprise de la signature et ne conste point encore du lieu où le prétendu acte aurait été passé, attendu que la défunte avait différentes maisons à Bollezeele et que la maison, dans laquelle elle se trouvait, n’est point à elle, de sorte qu’on peut avec raison douter de sa signature, le prétendu acte ayant été rédigé d’avance, à quel égard les témoins pourront donner quelques éclaircissemens étant interrogés devant le Juge ; le public jugera en même-temps, si le demandeur a mérité d’avoir la propriété générale, s’il mérite d’avoir la jouissance et s’il a mérité de jouir si long-temps d’une revenu si considérable et d’un pareil mobilier que possédait la défunte ?
 
Enfin, le signifié espère avoir établi que les fortunes particulières ne sont point exposées à la rapine et au pillage ; que le Testament n’est point un acte nécessaire mais un acte volontaire ; que l’homme tient le privilège de pouvoir tester de la loi civile et en se conformant au prescrit d’icelle, que les formalités requises doivent être observées par ordre : que le Testament public doit se passer pardevant Notaire et témoins; que  le Notaire et témoins doivent être du choix du Testateur, que le lieu où l’acte se passe, doit être inserré, qu’il doit être fait sans intervalle, d’un seul contexte et sans entremêler quelque affaire étrangère, que le Testament doit être dicté par le Testateur, que l’ordonnance du mois d’Août 1735 a maintenu toutes ces formalités et permis de faire valoir toutes sortes de moyens de nullité et de suggestion sans recours à la voie d’inscription de faux ; que les témoins testamentaires ne rendent qu’un témoignage privé, qu’ils doivent comparaître et répondre devant le Juge, sous la religion du serment, sur toutes les circonstances qui sont de leur connaissance étant requis, que le code civil n’a rien abrogé mais ordonné au surplus que le Testament public doit valoir comme acte notarié et comme testament, qu’il doit être dicté par le Testateur et écrit par le Notaire ainsi qu’il a été dicté, que lecture doit être donnée au Testateur du testament en entier et que mention expresse doit être faite, que l’acte produit est nul comme acte notarié et comme Testament, que celui qui ne connait la langue française, ne peu passer un Testament public à défaut de le pouvoir dicter, qu’aucune loi n’a dispensé de cette formalité essentielle, qu’aucun Notaire ne peut avoir à la fois deux qualités incompatibles, celle de Testateur et celle de rédacteur ; que la défunte ne se savait la langue française, que le Notaire Lippens ni les témoins n’ont été de son choix : qu’elle ne l’a point fait appelé ni fait appeler près d’elle, et qu’auparavant elle ne l’a jamais vu ni parlé, que rien n’est du fait de la défunte ; que c’est une spoliation de sa fortune, un vol manifeste ; que le demandeur a fait dresser lui-même en la ville de Cassel un modèle de Testament ; que feu le Notaire Charle n’a voulu se prêter pour surprendre une signature, que le Notaire Lippens a empris la besogne, que par reprises, il a envoyé le sieur Deknuydt de Volckerinckhove chez le rédactuer du modèle, que ni lui ni ledit rédacteur n’a jamais vu ni parlé à la défunte, que son acte était déjà rédigé, et contenait la clause que la prétendue Testatrice était saine d’esprit, avant qu’il s’est présenté près d’elle, qu’il n’a rien écrit en sa présence, et que ce n’est après coup, peut-être après le décès, qu’il a ajouté le dernier passage sans lequel son ouvrage ne ressemble à un acte notarié ni à un Testament ; que le tout a dû se consommer d’une manière précipitée ; que la défunte était moribonde, exténuée d’une longue maladie, qu’il y avait plus d’un an qu’elle ne savait plus prendre du bouillon : qu’elle n’avait vue ni par médecin, chirurgien, parent ou prêtre et qu’on l’a laissée éteindre comme un chandelle sans aucune assistance ni secours spirituel, de crainte de découvrir le mistère, que le demandeur a reconnu le droit de propriété des héritiers en faisant dresser le prétendu Testament, qu’il a reconnu le même droit en après par ses démarches, qu’il vient trop tard pour prétendre lui-même la propriété et faire annuler partie de son acte, qu’il doit être débouté de ses conclusions prises à cet égard avec dépens, dommages et intérêts, que contrevenant lui-même à son ouvrage, il a autorisé les héritiers pour se défendre et pouvoir soutenir que ledit ouvrage est nul, sans contrevenir de leur part à la volonté de la défunte qui ne les a pas exclus de sa succession, que l’acte contesté est valable comme un acte révocatoire de toutes dispositions antérieures aux termes des articles 1035 et 1037 du code, qui pour ce ne doit être revêtu d’aucunes formalités, suffisant d’être l’ouvrage du demandeur et rédigé par un Notaire, et qu’en conséquence il ne reste qu’à déclarer ledit demandeur déchu de tous avantages contractuels et coutumiers tels que douaire et autres, avec ordonnance d’entrer ne partage des biens de la communauté, le tout avec pareille condamnation aux dépens, dommages, intérêts, c’est à quoi le signifié conclut sous les implorations ordinaires.

Signé Desmyttere
TESTAMENT
PARDEVANT NOUS Jean-Baptiste Lippens, Notaire Impérial de la résidence de Volkerenkhove, canton de Wormhoudt, premier arrondissement du département du Nord, en présence des sieurs Antoine Quesnelle, marchand épicier ; Jacques Laurent, marchand ; François Saison, serrurier et Pierre Bloeme, jeune homme majeur, demeurans tous quatre à Bollezeele, témoins à ce requis et interpellés en personne dame Marie Catherine ROMMELAERE, épouse du sieur Charles-Benoît Vanderborgh, vivant de ses biens, demeurant audit Bollezeele ; laquelle comparante était saine d’esprit, mémoire et entendement ainsi qu’il est apparu à nous notaires et témoins, par ses paroles et discours, et voulant faire son Testament et ordonnance de dernière volonté, elle a dictée à nous notaire, présents lesdits témoins, et que nous notaire l’avons écrit en présence des mêmes témoins, ainsi qu’il suit :

Je donne et lègue à Charles-Benoit VANDERBORGH, mon mari, l’universalité de mes biens, tant meubles qu’immeubles en pleine propriété, si cependant tous mes héritiers naturels et légitimes sans exception d’un seul approuvant unanimement le présent mon Testament dans les six semaines à compter du jour de mes funérailles, auquel jour il leur en sera donné connaissance, je veux et l’entends que dans ce cas ils auront seulement la nue propriété de mes fonds de terre propres autres que les conquêts, attendu que j’en lègue l’usufruit à mondit époux avec les catheux tant verts que secs en pleine propriété, de manière que mesdits héritiers naturels et légitimes n’auront la pleine propriété de mesdits fonds de terre propres nus au dépouilles de tout catheux, qu’au décès de mondit époux qui demeurera seul et sans répétition ni recours ; je déclare au surplus de révoquer tous les Testamens que je pourrais avoir fait jusqu’à ce jour ; je veux finalement que mes héritiers naturels viennent à ma succession par représentation et par souche, non suivant le nouvel ordre de choses réglé par le code Napoléon, mais de la manière que cela avait lieu dans ces contrées en mil sept cent quatre-vingt-dix ; après lecture faite par nous notaire à la dite testatrice en présence desdits quatre témoins, ladite testatrice a déclarée avoir compris le tout et être de sa dernière volonté, et ont lesdits témoins signé avec nous à la maison de ladite testatrice audit Bollezeele le trente Septembre mil huit cent douze, à onze heures et demi du matin.

Signé M.C. Rommelaere, P.F. Saison, A. Quenelle, jacques Laurent, P. Blomme, et J.B. Lippens

Enregistré à Wormhoudt, le 5 Octobre mil huit cent douze ?

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A Hazebrouck, de l’imprimerie de Debaecker Itzweire.

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