jeudi 28 mai 2020

l'autre Faidherbe


In Alain Gérard – « 100 figures d’Antan du nord de la France », éditions Voix du Nord, Lille, 2002, 103 pages, p.75

Que le lecteur ne se méprenne pas sur le sens de ce titre : nous ne prétendons nullement que le général statufié au centre de Lille, où il est né rue Saint-André, le 3 juin 1818, soit méconnu de ses concitoyens.
 
Mais si son action militaire est présente à la mémoire de beaucoup, son rôle comme pacificateur et administrateur efficace de vastes territoires africains est moins bien situé et enfin son œuvre d’érudit est à peu près totalement oubliée.
 
C’est ce dernier point que nous souhaitons tirer de l’ombre.
 
Ses recherches savantes se partagent en trois secteurs. Le premier concerne le Soudan, le Sahara et le Sénégal où Faidherbe accomplit une part essentielle de sa carrière. Il publie de nombreux travaux relatifs à la géographie physique, économique et à l’ethnographie de ces régions. Après son élection, par acclamations, à la présidence d’honneur de la Société de géographie de Lille, en juin 1880, il enverra régulièrement des notes prouvant la constance de son intérêt pour les pays où sa carrière avait débuté.
 
Son état de santé l’ayant fait affecter en Algérie, il poursuit des travaux historiques centrés sur les Carthaginois, Hannibal et les migrations transsahariennes. Il explore et décrit plusieurs centres archéologiques importants, en particulier des sites mégalithiques. Ces travaux, tout à fait originaux à l’époque sont rapportés à l’académie d’Hippone (ancienne ville numide) qu’il préside avec grande autorité. Ses publications retiennent l’attention des milieux spécialisés et accroissent sa notoriété.
 
Les travaux auxquels il tient le plus, et où il est probablement le plus original, sont consacrés à la linguistique et aux inscriptions gravées, peintes, etc. relevées en Afrique du Nord. Sa collection complète des inscriptions numidiques, publiée par la Société des sciences de Lille en 1870 fait l’objet d’une superbe édition réalisée par son condisciple et ami, l’imprimeur L. Danel. Faidherbe, membre correspondant de la société depuis 1855, l’honore de nombreuses publications originales : il est élu membre titulaire à l’unanimité, en mai 1872.
 
L’originalité des travaux qu’il poursuit dans le domaine de l’épigraphie et des langues berbères le font élire à l’Institut en 1884. Son œuvre savante, à défaut d’autres titres, eût été suffisante pour sauver sa mémoire de l’oubli.

lundi 25 mai 2020

l'unique casemate rotative au monde, la batterie Waldam du Fort Vert (62)


La batterie Waldam semble perdue dans un océan de verdure. Pour y accéder, un chemin mal carrossé, le « Digue taaf » qui met les amortisseurs à rude épreuve part de la batterie Oldenburg de Calais. Inutile d’aller plus loin au croisement avec le chemin de Waldam, il est en sens interdit. Bien que sur le territoire de Marck, il faudra revenir sur ses pas en repassant par Calais.
 

Le chemin de Waldam mène à un poste de garde plus loin vers la mer, une guérite en béton signale l’entrée de la position en faisant face à un poste de garde. En plusieurs endroits des tétraèdres émergent des broussailles et servent souvent de limite aux chemins, permettant de barrer les accès avec des chaines.
 

Il faut encore faire attention et choisir ses dates pour visiter les lieux. Des panneaux avertissent de ne pas sortir des chemins en raison de piégeages. Soit…  Cela interdit donc pour l’heure de tenter de visiter les casemates autres que le M 270 qui bordent le chemin. C’est qu’en cours du cheminement vers la tourelle M 305 que l’on s’aperçoit que plusieurs installations allemandes ont été reconverties en huttes de chasse, surtout autour des étangs entre la batterie et l’estran. La position reste néanmoins une de celles qu’il faut absolument visiter en raison de l’unicité de la casemate rotative.
 
Avant-guerre, les Français avaient établi une batterie d’artillerie au Fort-Vert pour défendre Calais, occupée et rééquipée par les Allemands après la prise de la ville.
 
La batterie « Waldam » est créée en juillet 1940 pour la protection orientale du port de Calais. Codée Küsten-Batterie MI, elle est constituée de trois pièces de 17cm SKL/40 placés à ciel ouvert. Au début de l’année 1942, la batterie passée à la Kriegsmarine, commandée par un Leitstand SK rehaussé par un troisième niveau, est remplacée par trois canons de 15 cm SKC/28 qui sont installés sur les emplacements initiaux. Chaque canon monté sur sellette repose sur une plateforme encadrée par deux soutes à munitions. En arrière, le personnel loge dans des abris de type SK/Kriegsmarine ; des locaux en béton ou mi-brique mi-béton servent à la logistique du site (abri cuisine, garages, abri infirmerie, abri usine, latrine, etc.) dont plusieurs portent des inscriptions nominatives. 
 
un des garages de la batterie

En 1943, la batterie est rattachée à la MAA 244 de Calais en tant que première batterie puis est codifiée en Stützpunkt 15. Ses effectifs sont alors de 3 officiers, 23 sous-officiers et 123 marins.
 
En août de la même année survient un second changement en profondeur. Deux casemates de type M 270 vont accueillir deux des trois matériels de 15 cm alors que la troisième pièce est prévue pour une installation sous une casemate expérimentale, de type M 305, dont le prototype a été confectionnée au Pio-Park de Gennevilliers sur ordre du Generalmajor der Marin Pionier Franz Habich, dans l’espoir de palier à l’inconvénient du manque de débattement des casemates fixes. 
 
 casemate M 270
casemates M 270 et M 305 et le Leitstand

Dans cet esprit, la casemate en béton de près de 700 tonnes montée sur sa soute à munitions est orientable grâce à un chemin de roulements par galets, prélevé sur le cuirassé français Provence. Pendant le tir du canon de 15 cm SK/28, la casemate pivote pour présenter son embrasure vers la mer. Après celui-ci, elle lui oppose son dos dont l’épaisseur de béton armé est prévue pour être plus résistante qu’un blindage. Néanmoins, la casemate présente un défaut majeur : le roulement de galets est fragile, c’est pour cette raison que le chemin de roulement est normalement protégé par le débordement de la tourelle et que l’espace dédié aux galets est réduit au strict minimum.  Cela n’empêche cependant pas un éclat de pénétrer par cet interstice lors de l’attaque canadienne de septembre 1944, grippant l’ensemble et figeant la tourelle dos à la mer.
 

casemate rotative M 305

Dans un premier temps, la défense du site repose sur un canon antichars de 2,5 cm PAK 11, plusieurs pièces de Flak et quelques canons de petits calibres. Après plusieurs changements, en juin 1944, la défense est assurée finalement par 4 pièces de 4 cm Flak, un projecteur de 150 cm et deux canons de 7,62 cm… 

 le Leitstand
A la fin de septembre 1944, la batterie est enlevée par la 3e division d’infanterie canadienne et les pièces neutralisées.

la batterie Oldenburg de Calais


La Batterie Oldenburg, à Calais, se situe désormais dans un environnement où la présence humaine se veut la plus discrète possible. Longtemps adossée au centre aéré Jules Ferry, un démantèlement de cette structure avait été entamé pour restaurer une zone naturelle qui devait compenser l’extension du port calaisien. Les travaux prirent un retard conséquent avec la crise migratoire puisque la « jungle » s’y installé plusieurs années. Les bâtiments et constructions provisoires rasées, place nette est faire pour une zone de nidification balisée et protégée.
 




Implantée dès 1941 au lieu-dit du Moulin Rouge, à l’est de Calais, ma MKB Oldenburg est élevée en deux phases distinctes. Lors de la première, ce sont deux encuvements circulaires qui sont construits à 400 mètres du bord de mer, encadrées chacun par deux soutes à munitions distances de trente mètres permettant le stockage des obus, fusées et gargousses et reliées par un chemin de fer Decauville.
 
En 1942, le site prend une nouvelle ampleur avec la deuxième phase car chaque position est incorporée en une seule casemate par l’ajout de locaux supplémentaires comportant les chambrées, les locaux techniques pour la ventilation, le groupe électrogène, la réserve d’eau, les sanitaires, etc.). De par la phase de construction initiale, chacune des casemates « Turm West » et « Turm Ost » est construite sur deux niveaux, possède sa propre structure et son organisation. La « Turm West » est édifiée toute en longueur alors que la « Turm Ost » est plus ramassée et a une extension sur l’arrière. 
 




La chambre de tir, au centre de chaque casemate, reçoit un canon de 24 cm SKL/50 protégé par un bouclier frontal. Les pièces ont une portée de 28,3 km et proviennent d’ex-pièces russes de 254 mm capturées en 1915 et réusinées par Krupp en 24 cm. En outre, la batterie dispose dans un premier temps de quelques abris légers, d’un radar Seetakt pour la détection nocturne, d’un mirador en bois surmonté par un télémètre pour la direction de tir. 

Rapidement, le site s’accroit d’un casernement de plusieurs abris pour le personnel de deux types différents, de plusieurs positions pour de nouveaux canons de plus petits calibres, et d’une tour de direction de tir qui ne sera jamais achevée. Seule la partie inférieure est alors opérationnelle et sert d’abri sanitaire.  En personnel, la batterie compte 3 officiers, 34 sous-officiers et 138 marins. La position est en outre défendue par de nombreuses pièces anti-aériennes. En 1944, les embrasures des deux casemates reçoivent des filets en mailles d’acier pour protéger les servants des pièves contre les éclats d’obus de l’extérieur.


 Elle fut prise par la 3e division d’infanterie canadienne le 1er octobre 1944.