vendredi 29 avril 2016

Dunkerque: une ville ruinée en 1945,

Le bulletin N°2 de l'Amicale des Anciens de Marine-Dunkerque dresse le panorama de la ville entre la reddition allemande et le retour des habitants.. Il n'y a pas deux mois que la ville a été libérée et l'ampleur de la reconstruction est à peine appréhendée par les visiteurs...

Dunkerque… 5 ans après !
Bulletin mensuel de l’Amicale des Anciens de Marine-Dunkerque, n°2 Juillet-août 1945, 6 pages, pp 4-5

« Après le dernier siège de 8 mois, au cours duquel 400.000 obus furent tirés sur l’agglomération dunkerquoise, la désolation et le chaos le plus complet règnent sur la cité. Les ruines du siège de 1940 ont disparu depuis longtemps et ont fait place aux herbes folles. L’aspect n’en est que plus impressionnant.
 
DUNKERQUE, un mois et demi après sa libération ne compte guère plus d’un millier d’habitants. Il est vrai qu’il n’y a que quelques douzaines d’immeubles habitables.
 
La Basse Ville qui n’avait presque pas souffert des bombardements de 1940 a été copieusement arrosée d’obus pendant le dernier siège. Pas un immeuble n’est intact. L’Eglise Saint-Martin est très endommagée.
 
Le quartier du Mail a également beaucoup souffert du dernier siège. La rue de Calais est rasée ainsi que le quai de saint-Omer. La rue du Jeu de Mail, très dévastée est barricadée par un tas de meubles et un corbillard renversé. Rue des Passerelles, tous les immeubles sont debouts mais pas un n’est habitable.
 
Dans le quartier de la gare, les rues du Four-à-chaux, de la gare, du chemin de fer sont des champs incultes, tandis que sur la place de la gare, tous les immeubles sont debouts de même que rue de Saint-Pol, quai de Mardyck, avenue Guynemer et rue de l’écluse de Bergues ; mais dans quel état, pas un n’est habitable ! Rue Belle-Vue, un immense blockhaus a remplacé les maisons détruites en 1940.
 
Le monument des fusiliers marins a reçu une bombe de plein fouet et est à moitié démoli. La sous-préfecture est intacte mais l’annexe a reçu une bombe. Les Bains et la piscine ont été dévastés par les obus. La rue Thiers subsiste, mais tous les immeubles partant du coin de la place de la République jusqu’à l’Hôtel Métropole sont rasés. Le Palais de Justice est très endommagé.
 
La partie de la ville comprise entre la place de la République et le canal de Furnes a gardé, à peu de choses près, son aspect de 1940. Relativement peu de destructions totales dans ce secteur, mais très peu d’immeubles habitables pourtant, tous ayant été plus ou moins endommagés par les obus.
 
Le centre commercial et la partie Nord de la ville ne sont plus qu’un désert. En parcourant ses rues, pour la plupart dépavées et défoncées, on se remémore les bombardements massifs du siège de 1940 qui furent la cause de ce désastre.
 
Sur la place de la République ne se dresse plus que le monument aux morts de la guerre de 1870, derrière lequel un mur édifié par les « occupants » porte l’inscription « Soldaten Kino – Palais Jean Bart ».
 
Place Jeanne d’Arc, les quelques immeubles survivants de 1940 ont été détruits par les obus et par les bombes. Que de souvenirs évoque pour nous, anciens marins, cette place ? hélas, l’Hôtel de la marine, siège de « Marine-Dunkerque » a disparu pour laisser pousser l’herbe et aussi faire place à un immense fossé antichars en béton, profond de plusieurs mètres. En face, des monceaux de briques et poutres enchevêtrées rappellent l’emplacement de l’Intendance Maritime. Le Parc de la Marine est méconnaissable : les arbres ont été abattus pour laisser le champ libre à la construction d’un immense blockhaus.
 
Le « boulevard » (rue Alexandre III) est également envahi par l’herbe sous  laquelle on peut distinguer des rails du tramway. Sur la place Jean-Bart, qui est dépavée et transformée en steeple, notre corsaire se dresse toujours « paré à aborder ». ce brave a reçu un éclat sur la joue gauche et a eu son sabre ébréché par un autre. Son socle mutilé rappelle les grosses bombes tombées sur la place en 1940. Les trois immeubles restés debouts à cette époque sont toujours là (le fameux « canard » local) et l’immeuble néo-style d’à-côté.
 
L’église Saint-Eloi est en ruines et en face se dresse toujours le vieux beffroi qui a été criblé d’obus. Pour aller rue de l’Amiral Ronarc’h, il nous fait passer sur deux passerelles en bois, le beffroi est entouré d’un fossé antichars en béton, garni de pieux et barbelés, celui-ci à l’exterieur d’un gros mur percé de meurtrières.
 
Les Halles aux poissons ne sont plus qu’un amas de ferraille. L’église Saint-Jean-Baptiste existe encore, mais est très endommagée. Enfin c’est la caserne Ronarc’h qui se trouve dans le même état qu’en 1940., c’est-à-dire réduite à l’état de pans de murs. Elle est reliée au Parc de la Marine par deux grandes grilles qui barrent complètement la rue des Fusiliers marins.
 
Quai des Hollandais, les hangars 13 et 14, siège du service auto de « Marine-Dunkerque » ont disparu et il est impossible d’en connaître l’emplacement, les herbes ayant envahi entièrement le quai.
 
L’Hôtel de Ville est en ruines, mais son beffroi de 75 mètres s’élève toujours aussi fièrement vers le ciel. Il a fallu la guerre pour mettre ce superbe édifice en valeur. La Vieille Bourse et le collège Jean-Bart ont disparu. Rue Clemenceau, trois immeubles délabrés persistent à tenir debout.
 
Place du Minck, on cherche en vain la statue de J.-B. Trystram. Le Minck est resté dans le même état qu’en 1940, sa charpente métallique pendant dans le vide ! A côté, la tour du Leughenaer est toujours debout, mais cette fois, bien dégagée, sa base entourée d’une ceinture de béton.
 
Au bout de la rue Carnot, la Colonne de la Victoire est toujours debout. La caserne Guilleminot a complétement disparu. Dans ce quartier, l’église anglicane et la Prison « occupée » par les Allemands, existent encore.
 
Parmi les bâtiments importants qui subsistent encore dans le centre de la ville, citons : la Poste (très démolie), le collège Lamartine (sans toiture), l’Ecole de Navigation et l’Ecole de Commerce et d’Industrie, dont les ateliers ne forment plus qu’un amas de ferrailles, le Musée Municipal, ou plutôt ses murs. De l’Hôpital Militaire, il n’y a plus trace. Quelques pierres rappellent l’existence du Théâtre. Par contre, la Bibliothèque est apparemment intacte, bien que de loin ce bâtiment semble avoir été détruit par l’incendie. De près on s’aperçoit que ce n’est qu’une illusion d’optique, due à un savant camouflage. 
 
Dans la fameuse des casernes de la Marine, il « reste » la maison n°15. (Avis, comme dirait le S/Maître saco de service). Le n°5 de la rue de Rosendaël est encore là également. Les deux grands châteaux d’eau sont également debouts, « camouflés » et endommagés par les obus. La caserne Veruel  est en assez bon état (c’est dommage). De la caserne Jean Bart, il ne reste que les murs. L’arsenal est très endommagé.
 
Quai des Jardins, la caserne Pagezy est en bon état et abrite bon nombre de prisonniers allemands. A côté, la salle Jeanne-d’Arc, siège de la « réserve générale » de Marine-Dunkerque, semble intacte.
 
En somme, la plupart des destructions remontent à 1940 et sont l’œuvre des bombardiers de la « Luftwaffe ». les Allemands, durant leur occupation de cinq ans n’ont opéré aucune destruction d’immeubles, mais ils ont fait sauter de nombreux ponts en septembre 1944 (plus de 20), en particulier les sept grands ponts métalliques sur le canal exutoire et le grand pont du chemin de fer sur le canal de jonction.
 
Quoi qu’il en soit, la ville de Dunkerque est détruite dans une proportion d’environ 90%.
 
Que dire des villes de la banlieue ? Celles-ci ont payé un très lourd tribut au dernier siège. Seule la ville de Malo-les-Bains a très peu souffert des bombardements d’artillerie. Certes, un tiers environ de la ville est rasée, mais ces destructions remontent à 1940. Dans les rues de Malo, on y rencontre les objets les plus inattendus : ici, c’est une locomotive, plus loin une batteuse, enfin, près de la place Turenne, c’est un tas d’énormes obus en bois et en tôle qui attire l’attention. Ces derniers servirent au parachutage de vivres, courriers, etc. pendant le dernier siège.
 
L’Hôtel du Casino a été rasé par les Allemands et remplacé par un formidable blockhaus qui servait de PC à l’amiral Frisius. Le quartier du Kursaal n’est qu’un désert. La digue est envahie par le sable et la plage transformée en un immense champ d’asperges (pieux Rommel) et de barbelés. Disparus nos glorieux navires Adroit, Jaguar et Chasseur-9. Même le Floride a fondu sous les chalumeaux allemands ! La vue se perd sur l’immensité glauque de la Mer du Nord sans rien rencontrer à l’horizon ; pas une « voile en vue », c’est le cas de le dire.
 
Rosendaël, qui avait beaucoup souffert des bombardements de 1940 a encore eu plusieurs centaines d’immeubles détruits dans le dernier siège. Le quartier de la gare et le faubourg de la Tente Verte, en particulier, sont en ruines. L’église saint-Zéphirin est anéantie, tandis que l’église du Notre-Dame-du-Sacré-Cœur, il ne reste que le clocher. Néanmoins, certains quartiers ont été épargnés et ont gardé  leur physionomie d’autrefois, tel le quartier du stade et celui de l’hôpital, qui n’ont reçu que quelques obus.
Sur le canal de Furnes, tous les pont sont détruits.
 
Coudekerque-Branche, qui avait été relativement épargnée en 1940, a eu un millier d’immeubles détruits et un autre millier gravement endommagés au cours du dernier siège. En outre, de nombreuses maisons sont minées. Toutefois, certains quartiers ont peu souffert, en particulier le boulevard Jean-Jaurès et toutes les rues de part et d’autres de ce boulevard. Sur le canal de Bergues, les ponts sont sautés, sauf le pont Saint-Georges, qui est intact.
 
Saint-Pol-sur-Mer, qui avait un peu souffert en 1940, compte également beaucoup de destructions dues aux obus. Très peu de maisons sont intactes et il y a beaucoup de mines et de pièges de toutes sortes. Les ponts sur le canal de Mardyck subsistent, mais ceux sur le canal de raccordement sont détruits.
 
Petite-Synthe, pratiquement intacte avant le dernier siège, compte plus de 700 maisons détruites et plusieurs centaines d’autres gravement endommagées. Une église sur deux est démolie.
 
Les villes de la banlieue comptent environ une dizaine de milliers d’habitants actuellement et je pense que le chiffre de 40.000 pourrait être atteint vers la fin de l’été.
 
A mon avis, le nombre d’immeubles détruits dans Dunkerque et sa banlieue peut-être évalué à environ 8.000, soit 50% (dont 3.000 pour Dunkerque même).
 
Dans le domaine industriel, les dégâts sont considérables. Presque toutes les usines sont détruites ou gravement endommagées, en particulier les filatures et les tissages de jute, les huileries et les usines métallurgiques. Une seule usine est en état de fonctionner (conserves alimentaires) sur plusieurs douzaines. A signaler, l’usine des Dunes a eu ses 14 cheminées rasées ! Par ailleurs, une demi-douzaine de brasseries (sur deux douzaines) pourront reprendre leur fabrication d’ici quelques mois »
 
HAYOT, secrétaire de la Section Nord

L'importance des ports de la Mer du Nord dans l'offensive allemande de 1914



In. Winston CHURCHILL, « mémoires de la Grande Guerre, 1911-1915 », tome 1, collection Texto, éditions Tallandier, Paris, 2016, 719 pages, pp 289-294

« A partir du moment où les espoirs allemands de détruire les armées françaises par une bataille générale et leur désir de finir la guerre d’un seul coup se furent définitivement évanouis, tous les objectifs secondaires qu’ils avaient jusqu’ici écartés avec raison acquirent une importance immense. A mesure que les passions humaines perdaient de leurs forces, les choses matérielles reprenaient leur valeur. La lutte des armées et des nations n’étant pas parvenue à emporter la décision, les lieux retrouvaient leur signification, et ce fut la géographie, plutôt que la psychologie, qui commença à dicter les grandes lignes de la guerre. Paris était maintenant hors d’atteinte, mais les ports de la Manche : Dunkerque, Calais et Boulogne – encore sans défense – ainsi qu’Anvers émergeaient dans le champ des valeurs essentielles, comme des rochers réapparaissent au moment où la marée se retire.
 
La seconde phase de la guerre s’ouvrait désormais. Les Français avaient repoussé les Allemands de la Marne jusqu’à l’Aisne, mais ils se trouvaient incapables de les refouler plus loin par des attaques frontales ; ils étendaient donc leur aile gauche de plus en plus loin dans l’espoir de déborder leur adversaire. La course à la mer commençait. Les Français se mirent à faire passer leurs troupes de leur droite à leur gauche. L’armée de Castelnau, partie de Nancy, marcha derrière le front, se jeta dans la bataille de Picardie, essaya de tourner la droite allemande, et fut elle-même débroée sur sa gauche. l'armée de Foch, corps d’armée après corps d’armée, se précipita sur la route et par chemin de fer pour prolonger le front de combat en Artois ; mais sa gauche fut-elle-même dépassée par les nombreuses divisions de cavalerie allemande de von der Marwitz – attaque et contre-attaque. De part et d’autre, chaque homme, chaque canon, était dès son arrivée jeté dans la mêlée, et la canonnade incessante poussait toujours davantage vers le nord et l’ouest – vers la mer.
 
A quel endroit la confrontation des armées allait atteindre la mer ? A quel point de la côte ? Lequel de ces deux lutteurs allait contourner le flanc de l’autre ? Serait-ce au nord ou au sud de Dunkerque ? Ou bien à Gravelines ou à Calais ou à Boulogne ? Plus au sud, pouvait-elle-même atteindre Abbeville ? Tout était livré au choc d’une bataille toujours mouvante. Mais le seul flanc sûr et inexpugnable, l’objectif suprême pour les Alliés, la position la plus avancée, la plus précieuse, la plus audacieuse – qui à elle seule valait tout le reste, car elle était la clé de tout le reste –, c’était Anvers : si seulement Anvers, qui brillait de tous ses feux, là-bas, au loin, pouvait tenir.
 
Anvers n’était pas seulement l’unique forteresse de la nation belge ; elle était également le véritable flanc gauche du front allié à l’ouest. Elle gardait toute la ligne des ports de la Manche. Elle menaçait les flancs et l’arrière des armées allemandes en France. C’était la grande porte où l’armée britannique pouvait à tout moment fondre sur leurs communications importantes et même vitales. Aucune avance allemande vers la côte, sur Ostende, sur Dunkerque, sur Calais et Boulogne, ne paraissait possible tant qu’Anvers n’était point conquise.
 
A partir du moment où le Grand Quartier général allemand eut dégagé et réformé ses armées après l’échec de la Marne, c’est-à-dire vers le milieu de septembre, la prise d’Anvers se fit plus pressante pour lui. En conséquence, comme on le sait désormais, l’empereur d’Allemagne fut conduit à donner l’ordre de capture de la ville dans l’après-midi du 9 septembre. Rien de cela ne transpira chez les Alliés avant le 28. Les troupes belges et allemandes restaient en contact le long de la ligne fortifiée sans la moindre tentative de siège ni d’opérations offensives. Mais le 28, les Allemands ouvrirent le feu sur les forts des lignes extérieures d’Anvers, avec des obusiers de 430 qui lançaient des projectiles de plus d’une tonne.
Presque immédiatement, le gouvernement belge donna des signes d’alarme justifiés. Les bulletins du renseignement anglais indiquaient que les Allemands avaient entrepris sérieusement le siège d’Anvers, que leur opération n’avait pas pour simple but une démonstration destinée à fixer les troupes belges ou à protéger les lignes de communication. Un renseignement venu de Bruxelles annonçait que l’empereur avait donné l’ordre de la prise de la ville, que cela pourrait coûter des milliers de vies humaines, mais qu’il devait être exécuté. Des rapports faisaient état de larges contingents de réserves allemandes qui se rassemblaient dans les environs de Liège. Au vu de ces rapports, il devenait évident que le rôle de notre petite force britannique composée de fusiliers marins, d’autobus, d’automobiles blindées, d’aéroplanes, etc. qui opéraient depuis Dunkerque était achevé. Il ne s’agissait plus maintenant de patrouilles d’uhlans ou de coups de main de l’ennemi. C’était de grandes masses ennemies qui s’approchaient de la zone côtière, et la supercherie qui nous avait permis de rester en possession de Lille et de Tournai ne pouvait plus durer plus longtemps. (…)

Mon impression à ce moment était que la situation d’Anvers était sérieuse, mais pas critique dans l’immédiat : la place pourrait certainement tenir une quinzaine de jours de plus, et pendant ce temps, les efforts de Lord Kitchener ou l’influence de la bataille principale en France dégagerait la ville. J’en étais tellement persuadé que je prévoyais de m’absenter de l’Amirauté pour dix-huit heures environ les 2 et 3 octobre.
 
J’avais formé le projet de visiter Dunkerque pour régler des questions relatives à la brigade d’infanterie de marine et autres détachements envoyés à la requête du général Joffre. A 23 heures le soir du 2, j’étais à une trentaine de kilomètres de Londres en route pour Douvres quand le train spécial dans lequel je me trouvais s’arrêta et, sans explication, retourna à la gare Victoria. A l’arrivée, on me dit de me rendre immédiatement chez Lord Kitchener à Carlton Gardens. J’y trouvais, peu avant minuit, outre Lord Kitchener, Sir Edward Grey le Premier lord naval et Sir William Tyrrell, du Foreign Office. Ils me montrèrent le télégramme de notre ministre, Sir francis Villiers, envoyé d’Anvers à 20h20 et reçu à Londres à 22 heures le 2 octobre : 

« Le gouvernement belge a décidé de partir demain pour Ostende. Il agit conformément à l’avis unanime donné par le Conseil supérieur de guerre en présence du roi le roi se repliera demain avec l’armée de campagne, en commençant par les postes avancés, dans la direction de Gand afin de protéger la ligne côtière, pour ensuite, on l’espère, coopérer avec les armées alliées. La reine partira aussi. La ville tiendra, dit-on, 5 ou 6 jours, mais il parait peu vraisemblable que lorsque la cour et le Gouvernement en seront partis, la résistance se prolonge aussi longtemps.
La décision prise très soudainement cet après-midi est le résultat d’une situation qui devient de plus en plus critique. J’ai vu le Premier ministre et le ministre des Affaires étrangères, il prétendent qu’il n’y avait pas d’autre décision possible étant donné le danger que le Gouvernement royal et l’armée de campagne courraient d’être capturés ici. »

un aspect méconnu de l'opération Dynamo: la bataille aérienne




Nombreux sont les témoignages rapportant que l'aviation anglaise avait été terriblement absente des cieux dunkerquois pendant l'opération Dynamo... Ce n'est qu'une idée fausse parce que les combats ne se déroulaient que rarement au dessus des plages et que la DCA à terre, par panique ou manque de formation, tirait sur tous les appareils survolant le dispositif, avions amis compris..

In Hervé CRAS, « Dunkerque », éditions France-Empire, 1960 , 538 pages, pp310-312

« Voici, pour fixer les idées, quelques précisions relevées sous la plume de l’historiographe officiel de la R.A.F. [note : Denis Richards] :
 
« Chaque jour, une cinquantaine de Blenheim partaient à l’attaque des forces ennemies engagées contre les B.E.F. Chaque nuit, un même nombre de bombardiers « lourds » du Bomber Command opéraient contre les routes convergeant vers le secteur de Dunkerque, tandis qu’un nombre bien plus considérable encore, en liaison avec l’Advanced air Striking Force, attaquaient plus loin les lignes de communication ennemies. A peu près rien de ce travail ne pouvait être évidemment observé par les forces terrestres… »
Et pour la désastreuse journée du 27 mai :
 
« … Onze Spitfire de l’escadrille n°74, par exemple, durent livrer bataille à trente Dornier 17 et Messerschmitt 109 ; cinq Hurricane de l’escadrille 145 se lancèrent à l’attaque de la section arrière d’une formation de Dornier 17, pour se trouver environnés eux-mêmes par vingt ou trente Messerschmitt 110 ; vingt Hurricane ou Spitfire des escadrilles 65 et 610, courant après un Heinkel isolé, tombèrent sur trente ou quarante Messerschmitt 110… Mais si nos chasseurs ne purent empêcher l’ennemi de réduire en cendres la ville et les docks de Dunkerque, du moins surent-ils le détourner des objectifs beaucoup plus importants encore : les navires et les quais d’embarquement. »
 
Le point culminant de cette bataille fut sans doute la journée du 1er juin au cours de laquelle la Luftwaffe parut vouloir pulvériser ses records du 27 mai. On en verra les conséquences à la mer, mais voici en attendant l’histoire reconstituée dans le ciel.
 
« A Dunkerque, l’aube du 1er juin se leva sous un voile de brumes et de nuages bas qui ne se dissipèrent qu’après le lever du soleil. Jamais cette fraîche splendeur qu’un petit matin d’été n’avait été moins appréciée par les hommes rassemblés sur les plages. Il y avait bien eu pendant la nuit quelques raids sporadiques et inefficaces, mais maintenant la bagarre commençait sérieusement et la première patrouille du groupe N°11 tomba en plein milieu des bombardiers ennemis. Puis il y eut un moment de répit pendant que notre seconde patrouille était en l’air. Mais à peine avait-elle fait demi-tour pour rentrer au terrain, et avant que la troisième ait gagné le champ de bataille, commencèrent une série d’attaques particulièrement pernicieuses. Trente à quarante Ju.87 profitèrent de l’absence de la chasse « pour descendre, en toute liberté, et dans tous les sens de ce mot » sur les bâtiments qui se trouvaient près de terre, pour attaquer tout ce qui se débattait à la surface de l’eau. Il fallut l’arrivée de notre troisième patrouille pour renvoyer ces intrus à leurs bases. De furieux combats marquèrent le reste de la matinée. On put compter à un moment vingt-huit Hurricane aux prises avec cinquante ou soixante Messerschmitt 109 et 110. Après quoi, pour la seconde fois, l’ennemi parvint à mener une attaque massive dans l’intervalle de deux de nos patrouilles. Des nuages généreux s’amoncelèrent enfin, l’attaque aérienne allemande décrut progressivement et finit par s’éteindre. En attendant dix navires avaient été coulés, dont trois destroyers et plusieurs autres avaient subi de sérieux dégâts. »
Notons aussi que cet effort – comme celui de la Royal Navy – se poursuivit encore à notre total bénéfice après le départ du dernier Anglais. Au total, pendant les neuf jours de l’opération Dynamo, la Royal air Force avait assuré :
-       -   651 missions de bombardiers,
-       -   171 missions de reconnaissance,
-       -   2.739 missions de chasse,
directement en rapport avec les opérations d’évacuation pour ne rien dire de ses autres préoccupations.
On a pu lui reconnaître, après coup, 262 appareils ennemis abattus, auxquels il en faut ajouter 35 sûrs et 21 probables, victimes de la D.C.A. de la Flotte. »