lundi 20 mars 2017

Le siège de Bergues - 1940



In R. BETHEGNIES « La Défense de Dunkerque », ed. Desmailly, Lille, 1950, 412 p, pp278-280

Histoire simple et courte que celle de ce siège. Pas d’assauts meurtriers d’infanterie contre des murailles « à la vue imprenables » et bordées d’un large fossé rempli d’eau sur presque tout le pourtour. Les assaillants savent que, même avec de faibles moyens matériels, des défenseurs décidés peuvent les tenir longtemps en respect.
 
Mais nous ne sommes plus à l’époque de la couleuvrine, de l’arbalète et de l’huile bouillante. L’artillerie puissante et l’aviation moderne dont dispose l’ennemi sont entrées en action.
 
Les bombardements, commencés le 27 mai, se sont poursuivis par intermittence les jours suivants, et même de nuit, avec une intensité accrue à partir du 31. Batteries de 77, 105 et 150, minenwerfers, Stukas, ont systématiquement pilonné la ville, les fortifications et les environs du cimetière. Résultats tragiques : nombreuses victimes parmi les troupes britanniques et la population civile (une quinzaine de personnes tuées rien que dans une casemate effondrée) ; destruction de maints immeubles, incendie de l’hospice et de l’admirable et vieux beffroi. Mais les résultats sans profit pour l’infanterie allemande, dont deux tentatives d’approche du Sud-Est ont d’ailleurs échoué devant les feux des cavaliers du DCI commandés par le capitaine D’Halluin. Echec aussi à l’Ouest de la place où plusieurs chars adverses, accompagnés de fantassins, se sont avancés sur la route de Bierne jusqu’au pont tournant du canal, devant le point d’appui de Cie 4/271 (lieutenant Courcou) ; après un vif engagement d’une heure avec la section de l’aspirant Landais, l’ennemi s’est retiré en laissant sur le terrain des blessés que des blindés sont ensuite venus chercher.
 

Dans Bergues même, des coups de feu ont été tirés sur nos troupes, des patrouilles effectués par le DCI ont permis de découvrir dans une maison une mitrailleuse lourde Maxim sur affût en parfait état, avec deux caisses de bandes de 500 cartouches ; quant aux tireurs, aucune trace…
 
Le Ier juin, le bombardement par artillerie devient très violent. Au début de l’après-midi, nouvelles attaques aériennes en piqué. Pertes assez sensibles parmi la garnison. Les Britanniques sont partis vers Dunkerque sans prévenir personne, abandonnant la Porte de Cassel qu’ils tenaient jusque là. Sur ordre du chef de bataillon Martin, le DCI doit alors prendre à son compte la défense de cette porte ; mais au cours d’une reconnaissance de la position avec le capitaine D’Halluin et le lieutenant Wallaërt, un obus tombe à quelques mètres du petit groupe d’officiers, blessant grièvement le commandant à la tête (œil crevé par un éclat) et le lieutenant à la cuisse, tandis que le capitaine s’en sort avec de simples contusions. C’est finalement le 15e RTT (Cie du Capitaine Moffroid) qui desserre ses rangs pour remplacer les Anglais. Le capitaine Labart-Camy, cdt de la Cie 174/2, prend le commandement de la place.
 
Dans la soirée, les Allemands progressent jusqu’au chemin joignant le faubourg de Cassel à la route de Rexpoëde. A la faveur du bombardement et des hautes broussailles qui couvrent le glacis sud-est des fortifications, ils s’infiltrent dans celles-ci devant les positions du DCI, où le profond fossé entourant les demi-lunes et contre-gardes étaient à sec. Faute de grenades et de mortiers, les défenseurs ne peuvent réagir efficacement. Nos cavaliers n’ont d’ailleurs plus que deux F.M. et une mitrailleuse en état de fonctionnement.
 
Nous voici le dimanche 2, dernier jour du siège de Bergues. La ville est étroitement investie, sauf au Nord. Mais de ce côté le Génie a fait sauter les ponts, isolant ainsi la garnison dont le moral est quelque peu ébranlé depuis le départ des Britanniques. Déjà un drapeau blanc a été hissé sur un mât à l’insu du capitaine Labat-Camy, qui l’a fait enlever.
 
Toute la matinée, l’artillerie adverse poursuit ses tirs de destruction. Vers 11h30, le 15e RTT disperse un important groupe d’Allemands aux abords de la porte de Cassel, lui infligeant des pertes par un feu précis. Tapies dans le fossé Sud-est des remparts, abritées des projectiles par les ouvrages extérieurs, des sections d’assaut sont prêtes à bondir dans la première brèche qui sera pratiquée dans la muraille par des pionniers chargés de leur ouvrir l’accès de la place.
 
A 14 heures se déclenche une violente attaque aérienne par Stukas, sans que l’artillerie ralentisse son action. Toutes les positions sont littéralement pilonnées. Nos guetteurs ne peuvent que très difficilement observer les mouvements ennemis, tant est dense la fumée des explosions.
 
Vers 15h 30, une torpille tombe sur le haut de la muraille près de la Plaine, y creusant une grande brèche, tandis que les débris de maçonnerie s’accumulent au pied. Le travail des pionniers boches est ainsi simplifié. Sans attendre la fin du bombardement, les assaillants armés de lance-flammes, se précipitent dans Bergues. Et avant même que les défenseurs reviennent de leur surprise, ils sont pris à revers et faits prisonniers avec leur commandant blessé.

Au confluent des canaux de Bergues et de la Haute-Comme, la Cie 4/271 RI, maintenant en pointe, est aussitôt attaquée à l’Est et au Sud. Un combat sévère est ici engagé et qui durera deux heures.
Installés sur les remparts, les Allemands dominent le point d’appui du cimetière dont ils ne sont séparés que par la largueur de la voie navigable. C’est presque à bout portant qu’ils tirent sur nos fantassins mal abrités dans des trous. Leurs mortiers de campagne bombardent la position. Puis une attaque à la grenade se déclenche.
 
Les stigmates de la dernière guerre, pas encore effacés en 1961

Les fusiliers-voltigeurs des Iere et 2eme sections, stimulés par le lieutenant Hoog qui fait lui-même le coup de feu, résistent avec courage. Un douanier qui s’était spontanément joint à eux est tué. Plusieurs blessés, dont le caporal Boré, continuent néanmoins à tirer. Un F.M. s’est enrayé après quelques rafales ; le second est mis hors d’usage par un projectile de mortier. Nos hommes n’ont plus que leurs fusils pour se défendre contre un adversaire supérieurement armé et qui reçoit sans cesse des renforts.
 
Vers 17h45, des avions mitraillent toute la position, pendant que des éléments ennemis franchissent  le canal au nord du cimetière sur une péniche malencontreusement coulée en travers par des obus. Prises à revers, dépourvues de munitions, les deux sections aux ordres du lieutenant Hoog sont faites prisonnières. Quelques minutes plus tard, la 3e section de l’aspirant Landais, et une partie et une partie de la 2e Cie du 341 RI subissent le même sort. Le lieutenant Courcou, qui a échappé de justesse à ce « coup de filet », se retranche avec ses derniers éléments à l’Ouest de la voie ferrée ; mitraillés par des avions et menacés d’encerclement vers 19 heures. Ils tentent de se replier, mais sont à leur tour capturés.
 
La route de Dunkerque est complétement libre jusqu’aux Sept Planètes où l’ennemi va se heurter à un solide barrage.



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