vendredi 13 mai 2016

la Flandre... avant la Flandre...



In E. Coornaert, « La Flandre Française de langue flamande », 
Les éditions ouvrières, Paris,  p, pp 17-19


Ses débuts se clarifient peu à peu. Au temps de Jules César, le pays était occupé par les Morins (de la mer, mor, ou des Moëres), qu’on a pu apparenter – d’ailleurs avec prudence – à la race de Cro-Magnon. De quelle manière subirent-ils l’ascendant des Celtes ? Le fait est qu’ils parlent une langue celtique. Virgile les appelait extremi hominum, les hommes du bout du monde. Malgré de durs efforts, César ne les vainquit pas : serrés de près, ils se refugiés dans leurs bois et leurs marais, inaugurant la vocation de marche de leur pays. La région ne fut soumise que sous Auguste ; elle commença d’être romanisée sous Claude.
 
A la fin du Ier siècle de notre ère, les Ménapes ou Ménapiens, venus des bords du Rhin, occupèrent la majeure partie de la Flandre actuelle. Les limites entre Morins et Ménapiens prêtent à contestation : encore au Moyen Age, on écrivit parfois Balliolum in terra Moriensi ; Cassel, capitale, fut appelée castellum tantôt Morunorum, tantôt Menapiorum. Dans ces confins éloignés, l’occupation romaine resta superficielle. Mais, pliés par l’accoutumance aux fatalités de leur temps, Morins et Ménapiens formèrent dans la suite, sous leur propre nom des légions de l’armée romaine.
 
Ni les uns ni les autres n’avaient de villes : « ils passaient leur temps dans des cabanes ». Ils foulaient un sol tourbeux, peut-être recouvert de sable (la tourbe affleure encore en certains points au-delà de la frontière actuelle). La plaine était protégé contre la mer par un cordon de dunes dites « anciennes », formées plus de deux mille ans avant J.-C. et dont il reste un vestige entre Ghyvelde et Adinkerke. César appelait le pays des Morins continentes silvas, des forêts continues ; « le pays des Ménapiens mérit(ait) à peine le nom de terre », tellement il était imbibé d’eau. Les uns et les autres faisaient de l’élevage : des moutons, des oies, des porcs (ils envoyaient à Rome des jambons très appréciés des gourmets) ; ils trouvaient des ressources dans la récolte du sel et dans la pêche : les huitres ménapiennes furent célèbres. Morins et Ménapes exportaient des produits textiles, nommés birri, dont un édit de Dioclétien fixa le prix. Ils fabriquaient des produits dont il est resté des témoins assez nombreux. On a trouvé çà et là des monnaies et des restes de céramiques de l’époque romaine, par exemple à Drincham et à Killem. Mais il ne semble plus subsister que peu de ces vestiges en Flandre française, alors que la région de Saint-Omer en aurait gardé beaucoup au XIe siècle, et que le littoral belge a révélé des sites très intéressants de monnaies et de poteries au détour des XIXe et XXe siècles, à deux cents mètres au-delà de la frontière entre Bray-Dunes et la Panne.
 
A partir du IIIe siècle, les Francs Saliens, peu à peu plus nombreux dans les rangs des légions, colonisèrent le pays jusque dans le Calaisis et le Boulonnais. Quelle fut la proportion de ces envahisseurs par rapport aux populations déjà en place ? Au IVe siècle, sur la côte entre l’embouchure de l’Escaut et celle de l’Aa – côte qui allait devenir très incertaine – s’établirent des Saxons : ils furent appelés Flamwandras, errants dans les marais, d’où leur est venu le nom de Vlaanderen. Au VIIe et VIIIe siècles, des Frisons les supplantèrent sur certains points. L’établissement de Germains dans le pays, par familles, par groupes, est certain ; mais, d’après les savants les plus autorisés, les indications procurées par la toponymie sur leur nombre sont moins claires et moins décisives qu’on ne l’a répété.
Au cours du IVe siècle eurent lieu des changements importants de nature diverse. Cassel céda la place comme capitale à Tournai (de même que Bavai à Cambrai chez les Nerviens). Les Morins se fondirent dans le pagus Mempiscus, qui ne fut sans doute pas une circonscription administrative et dont le nom, d’abord réservé à l’ouest, s’étendit à tout le territoire de la Flandre.
 
Sous le règne de Clovis, un roitelet établi à Thérouanne fit alliance avec lui. Dans la suite, compris dans la Francia occidentalis, le pays fit partie de la Neustrie fortement tournée vers l’ouest et le sud. L’histoire particulière du pays sous les Mérovingiens et le premiers carolingiens se débrouille, mais est encore mal éclaircie.

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