Le Monument aux Bourgeois de Calais, une des oeuvres les plus célèbres d'Auguste Rodin est un groupe statuaire commandé par la Ville de Calais où a été inauguré le premier exemplaire en bronze en 1895. Le plâtre original achevé en 1889 a été édité en onze autres exemplaires en bronze dans le courant du XXe siècle. De manière définitive, il existe ainsi douze éditions originales en bronze des Bourgeois de Calais.
Ce groupe en bronze représente six habitants de Calais (Eustache de Saint Pierre, Jacques et Pierre de Wissant, Jean de Fiennes, Andrieu d'Andres et Jean d'Aire), victimes d'un marché imaginé par le roi d'Angleterre Édouard III en août 1347 :
le sacrifice de ces six hommes pour laisser la vie sauve à l’ensemble
des habitants de la ville sur le point d'être conquise par les Anglais.
Cet épisode de la guerre de Cent Ans, le siège de Calais de 1346-1347 durant la chevauchée d’Édouard III au cours de cette année-là, est établi sur la foi du récit du chroniqueur médiéval Jean Froissart dans l’ouvrage Les Chroniques de France. Il rapporte les faits au moment où il est écrivain royal à la cour du roi d’Angleterre. Il est aussi ami de Philippa de Hainaut, épouse d’Édouard III et reine d’Angleterre originaire de Valenciennes,
comme Froissart. C’est donc une vision française favorable au roi
d’Angleterre Edouard III qui est restituée dans ce texte. Néanmoins, sa
crédibilité à ce sujet a été fortement remise en question lorsque des
actes d'Édouard III concernant Eustache de Saint-Pierre ont été
découverts par Bréquigny, à Londres, à la fin du XVIIIe siècle :
ils mentionnaient qu'Eustache de Saint-Pierre, prétendu « bourgeois
héroïque » s'étant sacrifié pour sa ville, vivait toujours à Calais, et
avait même les faveurs d'Édouard III.
En septembre 1346, Édouard met le siège devant la ville de Calais dont la garnison commandée par le chevalier Jean de Vienne
résiste héroïquement à l'armée du roi d’Angleterre. Après onze mois de
siège, la cité affamée négocie sa reddition. Édouard III, fatigué et
énervé par la longue résistance calaisienne, accepte que six bourgeois
lui soient livrés afin d'être exécutés. C'est à ce prix qu'il laissera
la vie aux habitants toutefois contraints de déserter leur ville une
fois les Anglais arrivés. Son épouse Philippa de Hainaut parvient
cependant à le persuader d'épargner la vie de ces six malheureux,
désespérés, venus devant le souverain en chemise, la corde au cou, les
clefs de la ville et du château en mains. Par ce geste d’amour chrétien,
Édouard épargne la vie d’Eustache de Saint-Pierre et de ses cinq
compagnons d'infortune devant une reine en pleurs. Calais devient
anglaise le 3 août 1347 et le demeure jusqu’au 6 janvier 1558 lorsque Henri II de France reprend la ville à Marie Tudor.
C’est sur les fondements de ce texte que Rodin trouve l’inspiration
pour composer son œuvre une fois que la commande lui a été faite.
La sculpture en bronze, grâce à la fonte à partir d'un moule, permet
de multiplier les œuvres à l’identique. Auguste Rodin, comme les
sculpteurs depuis l’Antiquité, n'a jamais conçu un bronze comme une
sculpture unique. De son vivant, après l'inauguration de 1895 à Calais,
l'artiste a fait fondre et a vendu trois autres monuments des Bourgeois de Calais. Après sa mort et conformément aux dispositions que celui-ci avait prises avec l'État français, le musée Rodin
a poursuivi la diffusion de cette œuvre en effectuant huit autres
fontes du monument. En 1995, en accord avec la législation en vigueur,
un arrêté relatif aux activités commerciales du musée Rodin a confirmé
la limitation des éditions originales de bronze à douze exemplaires
maximum. Celles-ci devaient être réalisées à partir des modèles en terre
cuite ou en plâtre réalisées par Rodin. La même année, la douzième et
dernière fonte du monument était réalisée pour la Fondation Samsung en faveur de l’Art et de la Culture
à Séoul ; exactement cent ans après la première édition originale en
bronze aujourd’hui exposée devant l’hôtel de ville de Calais.
Le monument des Bourgeois de Calais à travers le monde :
- Calais (France), place de l'hôtel de ville, 1895.
- Copenhague (Danemark), Ny Carlsberg Glyptotek, 1903.
- Mariemont (Belgique), musée royal, 1905.
- Londres (Grande-Bretagne), jardins de la tour Victoria, fonte 1908, installé à Londres en 1915.
- Philadelphie (États-Unis), Rodin Museum, fonte 1925, installé en 1929.
- Paris (France), Musée Rodin, fonte 1926, attribuée au musée Rodin en 1955.
- Bâle (Suisse), Kunstmuseum, fonte 1943, installé en 1948.
- Washington (États-Unis), Hirshhorn Museum and Sculpture Garden, fonte 1943, installé en 1966.
- Tokyo (Japon), Musée national de l'art occidental, fonte 1953, installé en 1959.
- Pasadena (États-Unis), Norton Simon Museum, 1968.
- New York (États-Unis), Metropolitan Museum of Art, fonte 1985, installé en 1989.
- Séoul (Corée du Sud), Samsung Foundation for Art and Culture, PLATEAU (Rodin Gallery), 1995.
D'autres villes, de part le monde, ont reproduit tout ou partie du groupe statuaire, confortant encore sa célébrité...
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