in "Mélanges historiques sur Dunkerque" par Raymond de
Bertrand, imprimerie de B. Kien, Dunkerque, 1858
Le 11 Août 1695, tout Dunkerque était en alarme.
A sept heures du matin, une flottille anglo-hollandaise,
forte de 60 voiles, commandée par l'amiral lord Barkley, était venue s'embosser
en vue du port; 52 autres navires, formant la réserve, étaient à l'ancre dans
la fosse de Mardick.
Depuis huit heures une grêle de bombes, de boulets et de
mitraille tombaient sur les forts, les jetées et dans le port. On s'attendait à
un débarquement.
L'amiral anglais n'avait la pensée, cependant, que de ruiner
les forts, les châteaux et les jetées.
A neuf heures le canon de l'ennemi gronda avec une
recrudescence terrible et soutint son feu pendant plusieurs heures avec une
persistance sans égale.
L'entrée du port était défendue à gauche et à droite par le
fort de Revers, le Risban, le château de Bonne-Espérance, le château Gaillard
et le château Vert. A l'extrémité des jetées, un ponton armé de canons,
barrait le passage et 22 chaloupes canonnières gardaient la côte.
Si le feu de l'ennemi était foudroyant,
celui des batteries françaises ne l'était pas moins.
Le célèbre Jean Bart, et M. de Saint-Clair, capitaine de
vaisseau, commandaient le château de Bonne-Espérance et le château Vert. M. de
la Ferrière donnait ses ordres à bord du ponton.
A trois heures, le feu de l'ennemi se ralentit un peu. Alors
on lança quatre brûlots sur les forts et les châteaux. A l'instant, les
chaloupes françaises, commandées par M. de Relingue, chef d'escadre, le
chevalier Margon, M. de Saint-Pol, le chevalier de Luynes, le marquis de
Chateaurenaut, M. de la Bruyère, et d'autres intrépides officiers, levèrent
l'ancre, s'avancèrent vers les brûlots, et parvinrent à les détourner de leur
route et à s'en emparer. L'ardeur des Français était admirable et elle imposa
aux Anglais et aux Hollandais.
Vers six heures et demie, le combat était fini ; la flotte
avait lancé plus de 1200 bombes, indépendamment des carcasses et des boulets;
puis elle s'était retirée presque tout entière au large, abandonnant une partie
dont lord Barkley comptait si orgueilleusement sortir vainqueur.
Le lendemain matin il n'y avait plus à proximité du port que
quelques chaloupes et quatre frégates, dont l'une de 28 canons, qui, après avoir
talonné plusieurs fois sur le Brackbanc, y était restée échouée. On s'en
aperçut au point du jour. M. de Relingue donna ses ordres, et toutes les
canonnières prirent la direction de la frégate ; elles l'abordèrent résolument
malgré son feu et celui des trois autres grands navires et des petites
embarcations ennemies. Les équipages français sautèrent successivement sur la
frégate, et se rendirent maîtres, après une courte résistance, des soixante
hommes qui y étaient restés ; exemple de plus que, dans les combats à l'arme
blanche, les Français ont toujours eu l'avantage sur les Anglais.
L'entreprise des Anglo-Hollandais, et la victoire restée aux
Français eurent un si prodigieux retentissement, que le gouvernement fit
frapper une médaille dont l'historien Faulconnier a reproduit le dessin dans
son livr
Plusieurs Dunkerquois voulurent conserver le souvenir de
ce mémorable évènement parmi eux, on peut citer.M. Charles Balthazaer, marchand brasseur, et la damoiselle
Marie-Catherine de la Brière, sa femme, qui habitaient rue Notre-Dame (1), leur
maison-brasserie connue sous !e nom de Jeu de Paume. A cet effet, ces notables
personnes firent fabriquer des carreaux de faïence bleue dont l'ensemble devait
représenter le dernier bombardement de Dunkerque, et bientôt l'ouvrier vint en
couvrir le mur occidental d'une cuisine au rez-de-chaussée d'une maisonnette de
derrière.
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