samedi 20 juillet 2013

reconstruire Dunkerque !

Exposé de M. Théo Leveau, Urbaniste en Chef de la reconstruction de Dunkerque
In collectif – « L’habitation ouvrier dans l’agglomération dunkerquoise », CAUE, 1981, 89 p., pp.57-59

Le projet d’aménagement et de reconstruction a été étudié avec l’idée dominante de relier et d’unifier les cinq satellites rayonnants avec le centre-Dunkerque, pour équilibrer les intérêts qui s’interpénètrent et augmenter la vitalité et l’épanouissement de l’ensemble dans le cadre du Plan régional…

Aux destructions de 1940, s’ajoutent celles de l’occupation prolongée de la poche de Dunkerque, libérée en mai 1945.

Le bilan des destructions, d’après les chiffres donnés par les services du ministère de la Reconstruction sont les suivants :
Nombre d’immeubles avant-guerre : 3.362
Immeubles totalement détruits : 1.524
Immeubles fortement endommagés : 805
Immeubles réparables : 1.032

Le nombre des immeubles à reconstruire est donc d’environ 2.300 sur un total de 3.362…

L’utilisation des destructions massives de la zone nord de Dunkerque doit permettre une augmentation de la surface des constructions : c’est-à-dire qu’il faut procéder à une refonte profonde des quartiers commerçants et d’habitation. Le regroupement, en dehors de la cité, de certaines industries qui encombraient le centre, leur assurera par ailleurs, un meilleur développement…

Le type d’habitation qui convient le mieux à la vie familiale doit correspondre au moins à 4 pièces et si possible un jardin de 250 m². Si le terrain le permettait, ce serait donc vers des types de maisons individuelles de 4, 5 et 6 pièces avec jardin qu’il y aurait lieu de s’orienter, mais étant donné l’exiguïté du territoire communal et le climat, il semble qu’il sera nécessaire d’adopter les immeubles collectifs dans une proportion raisonnable. Ceux-ci ne devant pas dépasser 3 ou 4 étages sur rez-de-chaussée. (La hauteur des constructions à Dunkerque avait rarement plus de deux étages droits surmontés d’un comble aménagé)…
  

Zonage
Le territoire de Dunkerque est divisé en quatre zones distinctes :

      a)      Zone de reconstruction en ordre continu et groupes d’habitations collectives
Cette zone comprend la ville basse, le quartier de la gare, le centre de Dunkerque, la partie nord de l’avenue Carnot et le secteur de la plage aux abords du Casino.
Dans cette zone, trois secteurs sont réservés à la construction d’habitations collectives.
      1.       3 ilots en bordure du canal de Bergues et 3 ilots en bordure de la rue St-Charles ;  
      2.       De part et d’autre de la rue Ste-Barbe prolongée ;
      3.       De part et d’autre de l’avenue Carnot, des deux côtés du canal exutoire.
  
     b)      Zone de construction en ordre discontinu
Cette zone comprend différents secteurs localisés en bordure de la voie d’accès direct à la plage, dans lesquels sont prévus les grands établissements scolaires et deux quartiers résidentiels situés au nord de l’avenue Carnot, de part et d’autre du canal exutoire.

    c)       Zone industrielle et des entrepôts
La zone des entrepôts et des constructions navales comprend :
-          Le quartier du jeu de Mail
-          L’île Jeanty
-          Le territoire de Saint-Pol dans la zone de l’arrière-port
-          Les chantiers de construction navale, en arrière des bassins de la Marine et de l’arrière-port
-          Le quartier de la Citadelle
-       Les ateliers des Chantiers de France et les entrepôts et les entrepôts situés de part et d’autre de la rue de Turenne.
   
     La zone industrielle s’étend sur le territoire communal de Petite-Synthe, en bordure du canal de Bourbourg et à l’abri des vents dominants. Il est souhaitable que les industries détruites du centre de Dunkerque soient reconstruites dans cette zone.

    d)      Zone portuaire
La zone portuaire, enfin, comprend les emprises du domaine maritime s'étendant sur le reste du territoire communal.
   

Voies urbaines

Le réseau des voies nouvelles dans la zone sinistrée (centre de Dunkerque) n’a pas fait l’objet d’un bouleversement total.

Les modifications apportées au plan de reconstruction consistent surtout à régulariser le tracé ancien pour tenir compte des vents régnants, des monuments intacts ou susceptibles d’être réparés et déterminer la création d’ilots abrités, de forme sensiblement rectangulaires facilitant la construction.
En effet, ce tracé ancien était en général, satisfaisant en ce qui concerne les rues orientées est-ouest, qui sont élargies selon les besoins.

Par contre, les voies dirigées nord-sud ont été remaniées et disposées avec des décalages successifs au débouché des dégagements ou des places, créant avec les précédentes une articulation recherchée en vue d’obtenir, en particulier dans le secteur commercial, un centre vivant et humain.

Ces dispositions permettent, au surplus, de respecter l’aspect traditionnel de la ville auquel les habitants sont tellement attachés, sans compromettre la réalisation d’un programme d’esprit moderne.
  

Equipement administratif et social

Dans l’île de la Citadelle, a été réservée une superficie de 1.400 m² pour un centre maritime 5 chambres de commerce, bureaux des ponts et chaussées, de la marine marchande, de la douane du port.

Localisé aux abords de l’Hôtel de ville, le centre civique comprend les bâtiments pour la police et le regroupement des services administratifs.

Le centre des affaires comme dans le passé, est localisé autour de la place Jean-Bart. Point brillant d’aboutissement au centre de la ville avec sa statue légendaire, elle constitue le pivot de l’agglomération vers lequel tout semble converger. En continuité avec la place du Marché agrandie non loin de la place de la République, chacune d’elle pourra jouer son rôle actif.

Les rues commerçantes d’accompagnement sont pour la plupart maintenues à leurs emplacements primitifs, quelquefois légèrement déplacées et sensiblement élargies. Le développement linéaire des boutiques est supérieur à l’ancien ;  il offrira davantage de facilités au remembrement pour localiser la majeure partie des 2.000 commerçants de Dunkerque et pour satisfaire, au surplus, à de nouvelles demandes.

D’autre part, les ilots déterminés par ces rues commerçantes sont étudiés pour permettre généralement des accès intérieurs aux véhicules, de manière à desservir les magasins par les arrières boutiques.

Egalement dans quelques ilots susceptibles d’être construits en copropriété et pour augmenter, éventuellement, le développement linéaire des magasins, les entrées des appartements seront aménagées sur la cour intérieure. Cette disposition permet d’avoir seulement un ou deux accès sur rue.

Lorsque ces ilots sont traversés par un passage obligé, ceux-ci seront traités en cours intérieures commerciales.

La place du Théâtre, plus calme, servira de cadre à différents édifices constituant le centre culturel. En premier lieu, le théâtre, déplacé au nord de la rue Emery, qui présentera sa face d’entrée vers le sud et formera le fond de la perspective orientée nord-sud ; par opposition, les entrées secondaires s’ouvriront à l’ouest sur un jardin public.

Le musée sera reconstruit à son emplacement avec possibilité d’extension en retour sur l’avenue d’accès ou parallèlement s’élèvera le conservatoire, bâtiment de même valeur architecturale et spirituelle.

La possibilité de voir s’édifier une nouvelle sous-préfecture, d’un caractère plus en rapport avec l’importance de l’arrondissement, a été réservée dans ce même centre.

Etant donné la création du nouveau quartier de la zone nord, il a toujours été envisagé, dans l’élaboration du plan, de réserver un emplacement destiné à la réalisation d’une église, qui pourrait éventuellement commémorer le sacrifice de Dunkerque.

Quant aux monuments historiques non détruits, il convient d’encadrer la masse puissante du beffroi par une architecture aux lignes simples et basse pour conserver son échelle, d’accompagner le chevet de l’église St-Eloi d’un jardin lapidaire et d’isoler dans la verdure la porte du parc de la Marine.

Les destructions ont affecté la presque totalité des établissements scolaires de Dunkerque et ceux qui subsistent se trouvent malencontreusement ans des quartiers qui vont changer d’affectation ou qui ne permettent pas d’y apporter les améliorations indispensables ; le problème de l’équipement scolaire a donc dû être considéré sous l’angle d’une réorganisation complète, établie en fonction de la densité de la population et de l’essor considérable que vont prendre collèges et écoles pratiques.

Des extensions sont, par ailleurs, prévues pour chacun des terrains de sport existants : stade du Fort-Louis et stade Jacobson.

La surface des espaces libres aménagés, non compris les terrains de sport et le cimetière, a été augmenté de 12 ha et représente dans le projet une surface totale de 26 ha. Ces prévisions répondent aux besoins en espaces libres de la ville, sans toutefois offrir aux vents de trop larges dégagements ni grever le budget d’un important entretien de jardins toujours très onéreux…


« Le sacrifice de Dunkerque » ne doit pas être vain. Les habitants, avec l’esprit de compréhension et la volonté qui les caractérisent, sentent que leur ville peut et doit renaître, adaptée aux exigences nouvelles, pour reprendre son rang parmi les plus grands ports du pays.

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