mardi 17 décembre 2019

saint-Géry, le trait d'union entre Bierne et Cambrai

Un buste reliquaire de Saint-Géry, patron de la paroisse de Bierne, garde pieusement les ex-voto placés autour de lui en remerciement de ses intercessions.
 
 
Saint Gaugeric, appelé saint Gèry, et chez les Flamands saint Guric, naquit dans le diocèse de Trèves à Yvoie, aujourd'hui Carignan, chef-lieu de canton du département des Ardennes. Il eut pour père Gaudence, et pour mère Austadiole, personnages d'une haute vertu. Ses parents le firent élever sous leurs yeux dans la connaissance des lettres et dans la pratique de la vertu. Il s'accoutuma de bonne heure aux veilles et à la prière ; il aimait aussi, dès son enfance, à soulager la misère des pauvres. L'éducation qu'il reçut dans la maison paternelle le préserva de la corruption qui n'est que trop commune parmi les jeunes gens; et tandis que ceux de son âge avalaient le poison du vice sous prétexte de se former aux sciences et aux manières du monde, il sut conserver le précieux trésor de son innocence.

Saint Magnéric, successeur de saint Nicétas sur le siège de Trèves, étant venu à Yvoie, eut l'occasion d'y connaître Géry. Il fut si charmé de ses talents et de sa vertu qu'il l'ordonna diacre. Alors Géry redoubla de ferveur dans la pratique des bonnes oeuvres. Il s'appliqua avec un zèle infatigable à remplir les devoirs de son état et surtout à instruire les fidèles. La réputation de son savoir et de sa sainteté attira sur lui l'attention de toutes les Eglises des environs : aussi, à la mort de saint Vaast, évéque de Cambrai et d'Arras, quelques notables habitants se rendirent auprès de Childebert II, et le prièrent de leur donner Géry pour pasteur. La douleur du pieux Magnéric fut grande, à cette nouvelle; on lui ravissait celui qu'il espérait devoir un jour lui succéder. Toutefois, il se rendit à la demande royale, qu'il regardait comme l'expression de la volonté du Ciel, et son bien-aimé disciple dut aller à Reims, auprès de Gilles, métropolitain de la province, pour être ordonné prêtre et recevoir l'onction épiscopale. Le nouveau prélat s'empressa, aussitôt après, de se rendre au milieu de son troupeau.

A son entrée dans la ville de Cambrai, au moment où l'évêque traversait, au milieu de la foule, les rues qui conduisaient à l'église, des cris de douleur et de supplication retentirent à ses oreilles. Saint Géry s'arrête aussitôt, et demandant la cause de ces lamentations, il apprend qu'elles viennent des maisons publiques, où 12 criminels, condamnés à mort, le suppliaient d'avoir pitié de leur sort et d'obtenir leur pardon. L'évêque se tournant aussitôt vers Wado ou Gaud, gouverneur de la ville, qui marchait à ses côtés, lui demanda de faire grâce à ces prisonniers et de les confier à sa charité pastorale. Wado refusa; alors l'évêque, plein de confiance en Dieu, le supplia de lui accorder ce que la justice des hommes lui refusait. Quelques instants après, au moment où saint Géry entrait dans l'église, les prisonniers, rendus à la liberté, par un effet de la puissance divine, y accouraient en présence de tout le peuple. Telle fut, parmi les nombreux évêques qui faisaient alors la gloire de l'église des Francs, la digne et pieuse figure de saint Géry ; mais il y a dans sa vie un caractère particulier, qui le distingue entre tous : "C'est que jamais en sa présence ou à sa connaissance, la prison et les fers ne purent retenir des malheureux". Ce miracle lui est particulier avec beaucoup d'autres saints évêques. C'était surtout du haut de la chaire sacrée qu'il aimait à se faire entendre de ses ouailles, se mettant pour ainsi dire à la portée de toutes les intelligences et relevant par une douce gravité et une expression bienveillante la simplicité de son discours. "Or", continue l'auteur de ses Actes, "saint Céry parlait volontiers de l'amour de Dieu et du prochain, de l'observation des commandements du Seigneur, de la prière fréquente et des règles d'une vie sainte. Il expliquait les cérémonies usitées dans la célébration des sacrés mystères et des sacrements. Il entretenait encore ses auditeurs de l'importance de la religion, de la justice, de la paix, de la longanimité, du pardon des ennemis et du soulagement des pauvres, du soin avec lequel on doit entretenir les vertus Chrétiennes dans son âme, de la méditation des fins dernières et du désir des biens célestes et éternels".

C'est par ses instructions et la bénigne influence de ses exemples que saint Géry opérait, au milieu de son peuple, de nombreuses conversions. "Les hommes violents devenaient doux, les superbes pratiquaient l'humilité, les voluptueux la continence, les irascibles la charité fraternelle, les avares apprenaient la charilé, et les intempérants mettaient un terme à leurs excès», et ainsi les âmes se formaient peu à peu aux suaves vertus du Christianisme. Dès les premières années de son séjour à Cambrai, saint Géry avait remarqué sur la colline qui domine la ville du côté de l'Orient un de ces bois touffus dans lesquels les païens avaient coutume d'aller adorer leurs idoles. Les traditions du pays et des débris encore subsistants attestaient cette ancienne destination d'un lieu qui était devenu comme un repaire de voleurs. On l'appelait Bublemont ou le Mont-des-Boeufs. C'est là que le vénérable évêque bâtit une maison de prière et plaça une communauté de religieux, auxquels il donna pour abbé son frère Lando. C'est le premier monastère qui ait été érigé dans la contrée. Saint Géry le dédia à saint-Médard et à saint Loup, dont il portait toujours sur lui quelques reliques, et il y choisit lui-même un endroit pour sa sépulture. La suite de sa vie nous montre qu'il eut des rapports assez intimes avec le roi Clotaire II. Il serait difficile d'en indiquer l'origine; mais on peut supposer que les vertus et les oeuvres de l'évêque de Cambrai avaient attiré sur lui l'attention d'un monarque si favorable au clergé. 
 
Clotaire donc, soit qu'il visitât saint Géry en parcourant les provinces, soit qu'il l'appelât au palais, aimait à entendre ses exhortations, et à son exemple, les grands de la cour l'honoraient de toute leur affection. "Lui, de son côté, les entretenait du mépris du monde, de la crainte du jugement, de la gloire des Saints et de l'éternité du bonheur des justes. Tous ses discours respiraient Jésus-Christ, et ses sentiments étaient des sentiments de paix et de piété". Un jour entre autres, notre bienheureux s'était rendu à la maison royale de Chelles pour prendre soin, dit le biographe, de la vie des misérables. Au moment où il se trouvait près du monarque, il apprit que deux jeunes hommes, détenus dans la prison par les ordres du seigneur Landri, devaient, le lendemain, expier par leur mort les crimes qu'ils avaient commis. A cette nouvelle il se sentit le coeur attendri, et abordant avec respect le noble leude, il le supplia, par l'amour de Jésus-Christ, de faire grâce à ces malfaiteurs et de les lui confier, afin qu'il les remît dans la bonne voie qu'ils avaient eu le malheur de quitter. Landri restant sourd à ces prières, le saint évêque appela les disciples qui l'accompagnaient et alla avec eux réciter des prières, toute la nuit, dans une église voisine. 
 
Le matin, les prisonniers miraculeusement délivrés accouraient à l'église pour remercier Dieu et son digne ministre, lui promettant qu'ils allaient purifier leur conscience et mener une vie nouvelle. Quelques instants après, Landri lui-même entrait dans l'église pour y faire sa prière, et, frappé de ce qu'il avait sous les yeux, il ratifiait par une parole de pardon la délivrance des 2 condamnés. Ce fait, qui eut beaucoup de retentissement à la cour, inspira au roi Clotaire II une bienveillance plus grande encore pour le saint évêque de Cambrai; tellement, qu'au dire des historiens du temps, il le constitua un des distributeurs particuliers de ses aumônes. En cette circonstance surtout des dons considérables lui furent accordés, pour qu'il pût satisfaire son désir de soulager les pauvres. Aussi le voit-on, dans le pélerinage qu'il fit au tombeau de saint Martin en quittant la demeure royale, répandre des largesses partout sur son passage. Au moment où, entouré de la foule du peuple, il approchait de la ville de Tours, un mendiant, aveugle depuis 30 ans et conduit par un autre pauvre, vint se jeter à ses genoux en le conjurant de lui rendre la vue. A ce spectacle saint Géry fut ému de compassion, et mettant sa confiance dans le Seigneur, il fit le signe de la Croix sur l'aveugle, en prononçant d'une voix haute cette prière : "O tout-puissant Jésus-Christ, lumière du monde, vous qui avez autrefois daigné ouvrir les yeux d'un aveugle-né, guérissez aussi cet homme, votre serviteur, de son infirmité, et rendez-lui, dans votre bonté, la lumière qu'il désire, afin qu'en voyant cette guérison, les Chrétiens vous rendent gloire par leur reconnaissance". A peine ces paroles étaient-elles achevées que l'aveugle, poussant des cris de joie, bénissait Dieu de lui avoir rendu la vue par la puissance de son serviteur. Ce prodige fut promptement connu dans la ville de Tours, où les religieux du monastère, chargés de la garde du corps de saint Martin, reçurent le thaumaturge avec toutes sortes de témoignages de respect. Quand il eut satisfait sa piété et distribué aux pauvres d'abondantes aumônes, il se rendit jusqu'au pays des anciens Pétrocoriens (Périgueux), où l'église de Cambrai possédait des biens ; puis, après avoir réglé les affaires qui intéressaient son cher troupeau, il visita le tombeau de saint Front ou Fronton, apôtre de la contrée, lui rendit ses hommages et revint plein de joie dans sa ville épiscopale. Les courses multipliées que saint Géry dut faire pendant son long épiscopat, avaient déjà rendu son nom populaire dans ses 2 vastes diocèses; et les traditions qu'a conservées la ville de Bruxelles en particulier, laissent entrevoir bien d'autres faits de même nature, qui se passèrent dans les plus sauvages contrées du Brabant.  
 
« Là, en effet», dit un auteur, « s'étendaient des régions entières encore assises dans les ombres de la mort. Les rares habitants de ces déserts paraissaient moins des hommes que des bêtes. A chaque pas le missionnaire Chrétien trouvait le spectacle affligeant de l'idolâtrie la plus grossière. Saint Géry fut probablement le premier qui osa s'aventurer à travers ce pays sauvage. Ni dangers, ni fatigues ne purent le rebuter. Un bâton à la main, il chemine en priant, dans des bois sans chemins et sans habitations. Des hommes farouches se sauvent à son approche, et ce n'est qu'à force de bienfaits et de prodiges qu'il parvient à les attirer. Il arrive ainsi à une petite île formée par la Senne. L'hercule Chrétien y borna ses courses apostoliques en y élevant une petite chapelle que le zèle des convertis changea bientôt en église. Telle est l'humble origine de la ville de Bruxelles, aujourd'hui l'une des plus belles cités du monde. Quatre siècles plus tard, cette île devenait la capitale du duché de Lothaire, alors que Charles de France venait abriter son palais à l'ombre de l'antique église, et fixer sa résidence dans l'île de Saint-Géry ». De peur que la multitude des affaires ne lui fit oublier ce qu'il se devait à lui-même, et qu'en négligeant le soin de son Salut il ne devint moins propre à procurer celui des autres, il joignait à l'exercice de ses fonctions l'esprit de recueillement et de prière. Il se retirait de temps en temps dans quelque solitude pour converser avec Dieu et lui recommander tant ses besoins que ceux des âmes qui lui avaient été confiées. Enfin, épuisé de fatigues, il alla jouir du repos éternel le 11 août 619. On l'enterra dans l'église qu'il avait fait bâtir sous l'invocation de saint Médard. Cette église ayant été démolie par Charles-Quint, qui fit construire une citadelle sur l'emplacement, les chanoines qui la desservaient se retirèrent dans celle de Saint-Vaast, où ils déposèrent les reliques du Saint. Depuis ce temps elle portait le nom de Saint-Géry ; mais cette dernière fut aussi abattue lors de la révolution. Le vocable de Saint-Géry dut être transporté à celle de l'ancienne abbaye de Saint-Aubert, aujourd'hui l'une des 2 paroisses de Cambrai.

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