mercredi 16 mai 2018

Quand la règle de Saint-Colomban était d’usage à l’abbaye de Bergues


Saint Winoc, d'abord établi à Wormhout, fonda le monastère de Bergues. Passé par l'abbaye de saint Bertin, située à Sithiu (aujourd'hui Saint-Omer), il suivi d'abord la règle de saint-Colomban, moine irlandais dont l'action evangélisatrice eut une importance indéniable en nos terres septentrionales. La rigueur et la rudesse de cette règle eut autant d'influence que le personnage lui-même dans la restauration du monachisme, voire même de la foi dans une région qu'il fallut evangeliser à nouveau. 

In Abbé Ch. De Croocq : « un saint de la Flandre Française, Saint-Winoc, abbé de Wormhout, patron de Bergues », extrait du tome XLIV des Annales du Comité Flamand de France », 1944, 190 pages, pp 37-40

                « N’oublions pas que saint Bertin et ses compagnons d’apostolat reçurent leur formation à Luxeuil sous saint Eustase, successeur immédiat de saint Colomban. C’est de là qu’ils sortirent à l’appel de saint Omer, et il semble évident qu’ils aient emporté avec eux la règle qu’ils avaient jusqu’alors suivie.
 
Cette règle de Luxeuil, code moral et pénal tout à la fois de perfection monastique, est restée célèbre par sa rudesse. Le moine doit viser à un détachement complet, à une abnégation absolue ; il renonce à sa famille, qu’il ne devra plus revoir, aux biens de ce monde qu’il doit sacrifier, aux plaisirs de la terre, à toutes ses aises. Pénible et constant sera son labeur, il défrichera, labourera, moissonnera, et par la pluie et le vent, par le chaud comme la froidure. Sa nourriture lui sera comptée comme son sommeil : jeûne tous les jours, unique repas vers trois heures de l’après-midi, mets fades et communs, légumes et pâtes, le poisson étant réservé pour les fêtes ; de la cervoise (sorte de bière), jamais de vin ni de viande. Le moine renonce à sa volonté propre ; au premier mot de son supérieur, il obéira sans protestation ni observation, si pénible, si impossible peut-être, soit la chose qu’on lui ordonne.
 
Tous les jours, deux fois, chacun devra s’accuser de ses négligences et de ses imperfections, et incontinent, recevra une correction sévère. Car cette règle prescrivait les châtiments corporels, les coups de verge appliqués pour certains cas jusqu’à eux cents fois, la prostration sans mouvement, durant le chant de douze psaumes à l’office de la nuit ; le jeûne au pain et à l’eau pendant deux ou trois jours.
 
Telle est la règle que saint Bertin avait connue et pratiquée. Lors de la fondation de Sithiu (Saint-Omer, ndlr) sans la suivre à proprement parler, il s’en inspira sans doute pour la formation religieuse de ses disciples, et l’on peut supposer qu’il en tempéra la rigueur. D’ailleurs, la règle de saint Colomban avait perdu du terrain, et dans bien des monastères on vivait d’après les deux codes monastiques, celui se saint Colomban et de celui de saint Benoît, associés en un judicieux amalgame.  A Luxeuil, même l’abbé Waldbert, successeur de saint Eustase, adopta la Règle de saint Benoît, au début de son gouvernement (620), et saint Eloi, encore laïque, l’imposa en 632 aux moines qu’il établit à Solignac. Bientôt même, la Règle de saint Benoît l’emporta définitivement, si bien qu’un siècle après la mort du moine irlandais -615), elle était partout en usage ; moins rude et plus pratique, elle offrait le même idéal de sainteté et d’abnégation, tout en professant une tendre compassion pour l’infirmité de la nature humaine. A Sithiu, où assurément le souvenir et les prescriptions de saint Colomban étaient restées vivaces, la substitution était-elle opérée à l’époque où Winoc et ses compagnons y furent admis ? On ne sait, mais on peut croire que saint Bertin, entraîné lui aussi vers la règle bénédictine, n’aura pas tardé à suivre le mouvement général.
 
(…)
 
Quel vêtement porta saint-Winoc ? D’après les considérations qui précèdent, on peut admettre raisonnablement que sa carrière cénobitique, qui embrasse une période de 55 à 60 années, de 660 environ à 717, commença sous la règle de saint Colomban et qu’elle s’acheva sous celle de saint Benoît. Il aurait donc porté le vêtement Colombien, puis le vêtement Bénédictin. Selon des témoignages sérieux, les religieux Colombanistes étaient habillés de blanc. Quant aux Bénédictins de l’époque primitive, on semble d’accord pour dire que leur vêtement n’était pas noir, mais de couleur sombre. Il est probable que les moines s’habillèrent d’abord de toutes les couleurs modestes dont on teignait les vêtements des pauvres, ou, pour éviter les frais de teinture, de la couleur naturelle des fils dont on tissait leurs vêtements, teinte bise du chanvre, teinte blanc sale de la laine, teinte brune du poil de chèvre. Pour la forme de ce vêtement, elle avait dû être, d’après l’usage des couvents d’alors, quelque chose de simple et d’ample, habillant d’une seule pièce, une robe en sac avec capuchon, le vêtement grossier du peuple au haut moyen âge, la coule de nos moines avec des formes moins correctes et assez rustiques.

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