in " La marine militaire de la France sous les règnes de Louis XIII et de Louis XIV. Tome 1, Richelieu, Mazarin, 1624-166 ", par Lacour-Gayet, Georges, Champion éditeur, Paris, 1911
SUR LES CÔTES DE FLANDRE 1644-1658
Les
places maritimes de la Flandre. — Concours de la marine hollandaise pour
les sièges de Gravelines, Mardick, Dunkerque, 1644-1646. — Campagne de
1652 : blocus de Dunkerque par les Espagnols. — Sortie de Brest de
l'escadre de Vendôme. — Combat devant la Rochelle, 9 août 1652. — La
division navale de Du Ménillet devant Dunkerque, 14 septembre 1652. —
Elle est chassée et prise par l'escadre anglaise de Blake. — Perte de
Dunkerque. — Traités entre Louis XIV et Cromwell. — Reprise de
Dunkerque, 1658.
Le pas de Calais et la mer du Nord furent, à l'époque où Mazarin était premier ministre, le théâtre de terribles batailles navales ; Hollandais et Anglais se disputaient avec une sauvage énergie l'empire de la mer. La France n'avait ni ports ni escadres dans ces parages ; aussi resta-t-elle en dehors de ce duel de géants. Mais que le gouvernement le voulût ou non, la question maritime devait se présenter à lui. Les armées de Louis XIV avaient entrepris la conquête de la Flandre ; comment y réussir, comment la garder, sans forces navales pour occuper les ports et faire la police des côtes ? L'intervention de la marine s'imposait.
A défaut de la marine
française, ce fut la marine des alliés de la France, Hollandais d'abord,
Anglais ensuite. La France fut ainsi obligée de subir une collaboration
onéreuse et même à un moment humiliante.
Le duc d'Orléans avait
ouvert la campagne de 1644 par le siège de Gravelines. Malgré sa
médiocre importance militaire, la place ne pouvait être prise que si
elle était coupée de ses communications avec la mer. Le stathouder des
Provinces-Unies fournit à Mazarin trente vaisseaux de guerre, sous les
ordres de Tromp, et une division de bâtiments légers. Ces forces de mer
interceptèrent la communication entre Dunkerque et la place assiégée.
Alors Gravelines ne tarda pas à ouvrir ses portes aux Français.
Pour
la campagne de 1646, il fallut encore solliciter le concours des
Hollandais. Le duc d'Orléans avait commencé le siège de Mardick ; il y
faisait tuer une bonne partie de son monde sans résultat. Les vaisseaux
hollandais arrivèrent le 16 août, ils empêchèrent aussitôt les
communications avec Dunkerque ; neuf jours plus tard, Mardick se rendait
au roi de France.
Ce fut ensuite le siège de Dunkerque, conduit
par le duc d'Enghien. L'investissement par mer était encore la condition
du succès. La France pouvait bien employer une quinzaine de bâtiments
empruntés à Calais, à Boulogne, à Dieppe ; mais ce n'était point là une
force militaire digne de ce nom. Seule, l'escadre de guerre de la
Hollande pouvait assurer la prise de la ville; mais les Provinces-Unies,
inquiètes de l'extension de la France sur la mer du Nord, se firent
longtemps prier. Enfin Tromp arriva avec dix vaisseaux ; sa surveillance
empêcha des bateaux plats partis de Nieuport de s'introduire dans le
port de Dunkerque.
Isolée du côté de la mer, vivement pressée du côté de la terre, la grande citadelle de la Flandre maritime se rendit
Presque à la même date, les marins français occupaient en Italie Piombino et Porto Longone.
En
dédiant, quelques mois plus tard, au prince de Condé sa tragédie de
Rodogune, Corneille exaltait la prise de Dunkerque. « Je ne conçois
rien qui réponde à la dignité de ce grand ouvrage, qui nous vient
d'assurer l'Océan par la prise de cette fameuse retraite de corsaires.
Tous nos havres en étaient comme assiégés ; il n'en pouvait échapper un
vaisseau qu'à la merci de leurs brigandages. Et maintenant, par la
conquête d'une seule ville, je vois, d'un côté, nos mers libres, nos
côtes affranchies, notre commerce rétabli, la racine de nos maux coupée ;
d'un autre côté, la Flandre ouverte, l'embouchure de ses rivières
captive, la porte de son secours fermée, la source de son abondance en
notre pouvoir. » De même, la médaille qui rappelle ce fait d'armes porte
cette légende : Vires hostium navales accisæ, « La puissance maritime
des ennemis affaiblie ».
Ce n'étaient point là des hyperboles
de poète, ni des flatteries officielles: c'était la vérité même, à
condition toutefois que Dunkerque prît, sous le pavillon de France, le
caractère d'une station navale. On n'en fit rien. Le résultat, c'est que
la prise de possession de Dunkerque n'était qu'apparente : six ans plus
tard, cette place avait cessé d'être française.
Les Anglais
convoitaient cette position stratégique, qui aurait été entre leurs
mains un autre Calais. Le gouvernement républicain de Londres
entretenait devant Dunkerque des
bâtiments de guerre, prêts à saisir le moindre prétexte pour s'en
emparer. Un agent de Mazarin rapportait qu'il lui avait été impossible,
au mois de juin 1651, de pénétrer par mer dans cette place. « Il y
avait, disait-il, à la rade douze ou quinze vaisseaux anglais
parlementaires [du parlement], qui prenaient tout ce qui voulait entrer
dans ce port, sous prétexte de la retraite qu'on donnait aux royalistes
anglais. » Démasquant de bonne heure son jeu, Cromwell faisait
proposer à Mazarin, dès le début de l'année 1652, de lui fournir des
secours en hommes et en vaisseaux pour faire la guerre à l'Espagne ; le
prix de ce concours fort intéressé devait être la remise de Dunkerque.
Mazarin était prêt à « se consoler de la perte de Dunkerque »; mais la
guerre maritime qui éclata alors entre l'Angleterre et les Provinces-
Unies, arrêta pour le moment ces pourparlers.
Au mois de mai
1652, au cours des malheurs de la Fronde, les Espagnols reprenaient
Gravelines; quelques semaines plus tard, ils commençaient le blocus de
Dunkerque. Jamais la situation intérieure du royaume n'avait été plus
critique : Turenne, à la tête de l'armée royale, livrait bataille à
Condé, sous les murs de Paris, sans parvenir à entrer dans la capitale.
Dans ces conditions, que faire pour Dunkerque? Mazarin, cependant, ne
désespéra pas ; malgré le peu de ressources dont il disposait, il
s'efforça de secourir par mer le port flamand. Le duc de Vendôme, à
titre de grand maître de la navigation, reçut l'ordre de partir de Brest
avec l'escadre et de profiter de l'absence des Anglais pour débloquer
Dunkerque. Les instructions qui lui furent adressées sont un douloureux témoignage de la misère maritime de la France à cette époque.
«
J'avais dû espérer, vu la facilité que j'ai apportée à toutes choses et
l'excessive dépense que j'ai bien voulu porter, nonobstant le mauvais
état de mes affaires, que la flotte que j'ai fait équiper aurait été en
mer dès la fin de mars, et je ne sais à quoi attribuer son retardement
et que deux mois entiers se soient écoulés au delà du terme que vous
aviez pris. Je ne veux pas croire qu'il ait tenu à vous, puisque, pour
en faciliter l'armement, vous vous êtes mis en de grandes avances. Mais
pourtant la chose ne délaisse d'être, et l'on souffre le dommage qui ne
saurait être réparé, puisque le temps et les occasions se sont écoulés
de prendre divers avantages sur l'ennemi. Lequel du moins en a profité,
ayant fait subsister ses vaisseaux dans mes côtes, aux dépens des
marchands trafiquant dans mes rivières et de mes pauvres sujets. J'ai
vu perdre Gravelines, sans que l'on se soit mis en état de le secourir,
et l'on ne l'aurait su faire quand bien la place aurait été défendue
tout le temps que l'on l'aurait dû espérer, puisqu'il est passé, et que
l'armée n'était pas encore ces derniers jours en état de faire voile.
Présentement ou jamais, j'ai sujet de me promettre qu'elle ne tardera
pas de se faire voir, et Dunkerque se trouvant privé, près de deux mois,
des choses nécessaires pour se pouvoir défendre, soit qu'il soit
attaqué de force ou par un blocus. Il est de mon service de s'en
avantager et combattre, ou du moins donner chasse aux vaisseaux espagnols et à ceux du Daugnon qui tiennent la mer.
«
Je désire donc que, dès l'instant que cette lettre vous aura été
rendue, vous fassiez serper (nota : lever l'ancre), et, dressant la manœuvre de la flotte
droit où celle des ennemis se fait voir, vous les nécessitiez à
combattre ou à se retirer. Si ces choses me succèdent comme je l'espère,
mon argent aura utilement été employé, et je ne serai pas hors d'état,
si Dunkerque a besoin de rafraîchissements ou de soldats, d'y en faire
porter par quelques des vaisseaux qui seraient assez inutiles, puisque
la flotte, diminuée de ce nombre, ne laissa d'être assez puissante pour
faire réussir ce que j'aurai entrepris.
« Je vous prie, tout
autant que vous aimez la prospérité de mes affaires, ma gloire et la
vôtre, d'user de diligence, et vous ne sauriez me donner de marques plus
essentielles de votre affection qu'embrassant avec chaleur et exécutant
avec promptitude ce qui est de mes intentions. »
Vendôme appareilla de la rade de Brest, le 29 juillet 1652, avec douze vaisseaux et vingt bâtiments inférieurs .
Il
se dirigea d'abord vers les côtes du Poitou et de l'Aunis, pour y
embarquer des troupes et pour nettoyer ces parages des flottes
espagnoles, soutenues par les navires du comte
Après
avoir pris des troupes aux Sables-d'Olonne, il s'engagea dans le
pertuis breton et vint mouiller dans les eaux de la Rochelle. Les
ennemis s'étaient retirés aussitôt, mais en restant au mouillage de
l'île de Ré ; leurs forces comprenaient trois escadres, les escadres
espagnoles de Dunkerque, d'Espagne, de Naples, et la division des
vaisseaux du comte du Daugnon.
Vendôme prit à bord du César
quelques officiers d'élite, comme le chevalier Carteret et le capitaine
Abraham Du Quesne; il alla à la recherche de l'ennemi. La rencontre eut
lieu le 9 août, dans les eaux de l'île de Ré. Debout sur la poupe du
César, Vendôme dirigeait l'attaque. La bataille s'ouvrit par une
canonnade de deux heures, puis les brûlots remplirent leur office ; de
même, à la bataille de TsouShima, — si parva licet componere magnis, —
les torpilleurs achevèrent l'œuvre que l'amiral Togo avait commencée
avec ses grosses pièces d'artillerie. La Natividad, un des forts
bâtiments de l'escadre espagnole, fut la proie des flammes; un autre, la
Concordia, vaisseau de l'amiral de Naples, fut démâté et pris. Les
ennemis renoncèrent à la partie. Vendôme alla s'assurer de leur départ
en établissant son mouillage à l'île d'Yeu, puis il revint jeter l'ancre
à la Rochelle La bataille navale de l'île de Ré était un succès, mais
un succès à peu près sans signification ; l'histoire militaire de terre
ou de mer abonde en opérations de ce genre, qui n'ont avec l'objet
véritable de la guerre qu'un rapport bien éloigné. Ici il s'agissait de
débloquer Dunkerque ; il est bien évident que le coup décisif devait
être frappé dans les parages de la Flandre et non dans les parages de l'Aunis.
De
plus, l'opération qui venait d'être exécutée si loin du centre
stratégique eut cette conséquence fâcheuse, cependant facile à prévoir,
qu'elle épuisa rapidement les ressources d'une escadre qui en avait déjà
fort peu. En douze jours à peine de navigation, l'escadre de Vendôme
était au bout de ses vivres ; il lui fallut refaire ses
approvisionnements, quand son rôle eût été de reprendre la mer sans
retard pour voler au secours de Dunkerque. Quatre-vingt mille livres
avaient été destinées à la réapprovisionner ; mais la somme annoncée
n'arriva pas. « Une armée navale ne pouvant subsister sans vivres »,
comme Vendôme l'écrivait tristement à Le Tellier, l'escadre ne put pas
sortir de la Rochelle. Sa démonstration sur les côtes de l'Aunis n'avait
eu d'autre effet que de l'immobiliser.
Alors on improvisa à
Paris un nouveau plan pour sauver Dunkerque ; quoi qu'on fît, du moment
où l'on renonçait, sous le coup de la misère financière, à la guerre
d'escadre, ce qu'on ferait serait vain. Pour délivrer et conserver
Dunkerque, la maîtrise de la mer était nécessaire, et une victoire
navale pouvait seule donner cette maîtrise. Du Quesne, qui s'était
signalé dans la journée du 9 août, et le gentilhomme de la chambre du
roi Gentillot reçurent la mission de faire armer tous les petits
bâtiments que l'on pourrait trouver dans les ports de Picardie et de
Normandie ; on formerait un convoi de vivres et de munitions pour la
place assiégée; les vaisseaux ennemis, retenus au large par leur tirant
d'eau, ne pourraient l'empêcher de passer. Le commandeur de Neuchèze,
lieutenant du duc de Vendôme, se rendit à Calais à cet effet. Le Tellier
lui écrivait de se retirer au plus tôt, dès qu'il aurait secouru
Dunkerque, de crainte que la flotte anglaise « ne lui fit quelque
insulte » : conseil de prudence qui s'expliquait par la faiblesse des
moyens maritimes de la France et que les événements n'allaient que trop
justifier.
Gentillot était arrivé à Calais et à Boulogne avec
toutes les barques disponibles, en tout dix-sept ; Du Quesne, de son
côté, réunissait quelques bâtiments à Dieppe. Il fallait se hâter ; la
reddition de Dunkerque n'était plus qu'une question de quelques jours :
d'Estrades, qui défendait la place, avait promis de la rendre le 16
septembre, s'il ne recevait pas de secours avant cette date.
Quelques
vaisseaux, huit en tout, qui avaient repris la mer à la Rochelle,
étaient arrivés à Calais. Du Ménillet en prit le commandement avec
quelques brûlots, et il se dirigea sur Dunkerque. C'était le 14
septembre ; il y avait deux jours encore avant la date fatale, le moment
était décisif. L'escadre française, commandée par Du Ménillet,
s'avançait au devant de l'escadre espagnole du marquis de Leyde, forte
de cinq vaisseaux et d'une dizaine de petits bâtiments.
La
bataille allait s'engager. Tout à coup arriva, toutes voiles dehors, une
escadre anglaise de quinze navires, sous le commandement de Blake. Que
venait-elle faire sur ce champ de bataille qui lui était tout-à-fait
étranger? Les Français n'eurent pas à se le demander longtemps : sans
hésitation, d'un seul mouvement, vent arrière, l'escadre de Blake
fondait sur eux. Les instructions du commandant Du Ménillet lui disaient
d'éviter tout rapport avec les Anglais ; il s'y conforma avec un
empressement excessif. Il fit signal de prendre chasse ; sa division se
couvrit de voiles et gagna les côtes de Zélande. Blake poursuivit les
fuyards, les atteignit, et, à l'exception d'un seul vaisseau qui lui
échappa, le Berger, il prit sept vaisseaux et trois brûlots. Avec ces
dépouilles opimes, il rentra ensuite au port de Douvres.
S'il est vrai que depuis dix jours il guettait sa proie, il ne l'avait certes pas laissée s'échapper.
Quelle
était la raison de cette « insolence injurieuse à la couronne » ? Aux
réclamations de Vendôme, le conseil d'État d'Angleterre répondit que le
général avait exercé, par ordre, de légitimes représailles. Le parlement
voulait « maintenir amitié et correspondance » aussi bien avec le roi
de France qu'avec ses autres voisins. « Mais, trouvant que, depuis
quelques années, les personnes, vaisseaux et biens des marchands anglais
trafiquant ès mers Méditerranées, ont été pillés et pris non seulement
par les sujets de France, mais par les navires propres du roi, et qu'on
ne peut obtenir satisfaction par aucune adresse qui ait été faite en la
cour de France, il a autorisé ledit général pour tâcher d'avoir
réparation de ces dommages sur les navires et biens de la nation
française. » Les Anglais firent une enquête minutieuse pour savoir
s'il n'y avait pas, parmi les prisonniers, des chevaliers de Malte ayant
pris de leurs navires en Méditerranée. C'était leur réponse à la
canonnade du chevalier Paul.
Le rapport du commandant Du Ménillet sur cette triste affaire est lui-même une triste chose ; on aurait voulu y sentir un peu l'odeur de la poudre, on n'y entend guère que des plaintes.
«
Le malheureux succès de notre voyage met au jour le sacrifice qu'on a
bien voulu faire des vaisseaux du roi que nous commandions et de nos
personnes, puisqu'on nous a envoyés par deçà sans avoir parole de
l'Angleterre de ne pas se mêler de nos affaires avec les Espagnols,
aussi bien que l'on nous a donné ordre de ne pas nous ingérer du
différend des Anglais et des Hollandais ni de faire aucune action qui
tende à cela, même de fuir devant eux plutôt que de combattre. Leur
force et l'excellence de leurs bateaux vous sont trop connus pour vous
en faire ici la description ; pour quoi nous croyons que c'est assez de
vous dire qu'obéissant à votre ordre, nous fûmes environnés, sur les
huit heures du soir, de toute cette force et, suivant ledit ordre,
contraints de demander à parler au général.
« Mais avec ces
gens-là nulle raison. Ils commencèrent à nous traiter comme ennemis, et
nous n'avons pu voir le général Blake qu'avant-hier au soir, auquel
ayant fait voir notre ordre et représenté cette affaire être le propre
fait du roi, nous dit cela être tout à fait considérable, mais qu'il ne
pouvait qu'avertir le parlement de tout et nous en faire avoir réponse
dans peu de jours ; cependant qu'il nous recommanderait au maire de
cette ville, qui aurait soin de nous. Ensuite de quoi, nous avons été
mis hier à terre et ledit maire nous a mis, les capitaines à des
hôtelleries à deux scelins par jour, promettant à nos officiers de les
faire nourrir a un scelin, et commencèrent hier à faire donner un peu de
pain à nos gens.
« Ils font aussi entrer nos vaisseaux dans ce
havre, dont nous croyons qu'il sera presque impossible d'en relever deux
ou trois, qui sont vieux et ont touché fort rudement en entrant ; ils
ont pris déjà quelques pièces de fonte, beaucoup de poudre, munitions,
câbles et cordage, tout pillé les vivres et dépouillé nous et nos gens
de toutes choses, de quoi nous vous supplions avertir la cour et nous
assister de vos avis, faveur et crédit pour nous subvenir en cette
extrême nécessité. »
Dunkerque n'avait pu être secouru ; Dunkerque ouvrit ses portes aux Espagnols le 16 septembre.
Pour
l'humiliation sans nom infligée par les Anglais au pavillon du roi, il
fallut la dévorer en silence. L'affaire n'eut pas d'autre suite. Mazarin
avait raison de faire remonter la responsabilité de ces malheurs et de
ces hontes à la guerre civile où s'entredéchiraient alors les Français. «
Nos malheureuses divisions sont cause de tout. Comme j'ai cru très
facile de faire de continuels progrès sur les Espagnols, lorsque les
Français faisaient leur devoir, aussi je crois impossible d'empêcher la
suite de nos malheurs, si les Français continuent d'être contre la
France. » Tristes paroles qui n'étaient que trop vraies, et qui
devaient se vérifier encore, un siècle et demi environ plus tard, pour
le malheur du pays et de la marine ; mais Mazarin oubliait de signaler
la lourde part de responsabilité qu'il avait encourue lui-même, en ne
prêtant plus à la marine qu'une attention secondaire.
Cependant
la guerre civile avait pris fin. La question se posait de nouveau, de
reprendre les places de la Flandre maritime, Gravelines, Mardick,
Dunkerque ; faute d'une marine suffisante, elle se posait toujours avec
cette même humiliation
pour le gouvernement de Louis XIV, mendier et payer le concours de
l'étranger. Mazarin était bien obligé de pratiquer le pardon des
injures. Tout en faisant réclamer la restitution des vaisseaux enlevés
par Blake, sans aucun espoir de succès, il finit par proposer à
Cromwell, devenu protecteur, la conquête à frais communs de Dunkerque.
Un premier traité fut conclu à Westminster, le 3 novembre 1655 ; il ne
concernait pas encore la Flandre maritime, mais il mettait un terme aux
pirateries réciproques des deux pays; car le Havre, Saint-Malo et toute
la côte de la Manche étaient ruinés, depuis que la marine anglaise
donnait la chasse aux corsaires français, qui étaient alors la terreur
du commerce anglais, hollandais, hambourgeois, portugais, génois.
Deux ans plus tard, le 23 mars 1657, le traité de
Paris constituait une alliance offensive et défensive : les deux
puissances devaient faire ensemble les sièges de Gravelines et de
Dunkerque ; Gravelines serait pour la France, Dunkerque pour
l'Angleterre.
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