in "La Noblesse flamande de France, en présence de l'article 259 du Code
pénal, : suivie de l'origine de l'orthographe des noms de famille des
Flamands de France " par Louis de Baecker, Aubry, Paris 1859
LEGISLATION SUR LA NOBLESSE
Dans ces jours orageux,
l'usurpation des. titres nobiliaires était devenue facile. Philippe II
voulut les faire respecter par son édit du 23 septembre 1595, daté de
Saint-Laurent-le-Royal en Castille, et dont la traduction suit :
«
Comme il convient, dit le prince, que chacun se conduise et se comporte
suivant son état, condition, rang et qualité, sans en sortir ni prendre
ou usurper un nom, rang, titres ou signes quelconques de noblesse qui
ne lui appartiennent pas; et comme nous sommes informé que beaucoup de
nos sujets des Pays-Bas, et principalement de notre comté
de Bourgogne, s'arrogent le titre de bannerets, comme s'ils possédaient
terre ou seigneurie érigée par nous ou nos prédécesseurs en semblable
dignité; d'où il résulte grande confusion et désordre ,
« Faisons
savoir que nous n'avons rien plus à coeur que de tenir la main à toutes
choses pour le bien et le soulagement de nos sujets et vassaux, et
qu'après mûre réflexion et de l'avis de feu notre frère, neveu et cousin
bien-aimé l'archiduc Ernest, voulant couper le mal dans sa racine, nous
avons de notre pleine puissance et souveraine autorité ordonné et
ordonnons :
« Premièrement, que dorénavant personne de nos
sujets, si ce n'est ceux qui sont d'ancienne et noble race, ou qui
descendent en ligne directe et masculine de parents honorés par nous ou
nos prédécesseurs de lettres patentes d'anoblissement, ou qui aient vécu
notoirement comme gens nobles, personne ne pourra prendre ni s'arroger
les titres, noms et qualités d'écuyer, gentilhomme ou homme noble, ni
porter publiquement ni en particulier, des armoiries timbrées sur des
cachets, scels, tapisseries, tableaux ou tout autre objet, sous peine d'être condamné par les juges compétents à une amende arbitraire,
et de voir ces emblèmes grattés, effacés ou confisqués.
«
Défendons pareillement et expressément à tous nos vassaux, de quelque
état ou qualité qu'ils soient, de prendre et de se donner ou de donner à
autrui, soit verbalement, soit par écrit, le titre de baron ou tout
autre titre, à moins qu'ils ne prouvent par lettres patentes délivrées
par nous ou nos prédécesseurs que les terres, fiefs et seigneuries
qu'ils possèdent dans nos Pays-Bas et notre comté de Bourgogne ne leur
en donnent le droit. Toutefois, s'il est notoire qu'une terre ou fief a
été érigée en baronnie, ou tenue pour telle de temps immémorial, mais
que les lettres d'érection en soient égarées ou perdues pendant la
guerre ou tout autre événement, nous autorisons les détenteurs de ces
terres à se retirer vers nous pour obtenir lettres de confirmation.
«
Défendons aussi expressément à nos susdits vassaux, de quelque qualité,
état ou condition qu'ils soient, de se nommer ou se laisser nommer ou
qualifier de chevaliers verbalement ou par écrit, et à leurs femmes de
se laisser donner le titre de ma-dame (ME-VROUWE), à moins
qu'ils ne prouvent qu'ils ont été créés et reconnus tels par nous ou
nos prédécesseurs.
« Et comme plusieurs de nos sujets s'adressent
souvent à des princes étrangers pour en obtenir anoblissement ou octroi
d'armoiries,'et ce au préjudice de nos droits et de nos finances, nous
déclarons que personne dans les Pays-Bas ni en Bourgogne ne pourra se
prévaloir de ces anoblissements ni de ces armoiries.
« Et parce
qu'il est venu à notre connaissance que les bâtards portent les noms et
les armes légitimes des familles, comme s'ils en étaient des fils
légitimes, et ce sans aucune distinction ni signe apparent de bâtardise,
nous voulons et ordonnons, pour empêcher pareille irrégularité, que les
armoiries des bâtards portent à l'avenir une barre ou tout autre signe
apparent pour distinguer à toujours leur bâtardise de la famille
légitime. »
Malgré cet édit, les usurpations de titres
nobiliaires continuèrent, et Albert et Isabelle, gouverneurs des
Pays-Bas, durent renouveler les défenses de Philippe II. Ils statuèrent
le 14 décembre 1616 :
« 1° Ceux qui sont issus d'ancienne
et noble race, ou bien dont le père et le grand-père ont vécu
publiquement comme nobles et ont été tenus pour tels; les personnes ou
leurs ascendants dans la ligne paternelle, qui ont été élevés par nous
ou nos prédécesseurs au rang de la noblesse en vertu de lettres
patentes- ou ceux qui à cause de leurs charges, fonctions ou offices, ou
qui par droit d'hérédité dans la ligne paternelle sont considérés comme
nobles, pourront, seuls et à l'exclusion de tous autres, prendre et
s'arroger la qualité d'écuyer, gentilhomme et homme noble, ou un titre
de noblesse équivalent, et porter en public ou en particulier des
armoiries timbrées sur leurs cachets, scels, tapisseries ou ailleurs, et
dans certaines circonstances avoir dans les cérémonies publiques les
honneurs réservés à la noblesse. Les contrevenants auront leurs
armoiries brisées, grattées , effacées, et seront en outre condamnés
pour chaque contravention à une amende de cinquante florins.
« 2°
Nous défendons à tous nos sujets et habitants des pays de notre
obéissance, de quelque qualité ou condition qu'ils soient, de prendre et
porter un nom ou des armoiries d'une maison noble à
laquelle ils n'appartiennent pas, quoique la branche masculine soit
entièrement éteinte; à l'exception toutefois des nobles auxquels ce
droit aurait été conféré en vertu d'un acte d'adoption, de mariage, de
testament ou de tout autre disposition, par ceux qui avaient pouvoir et
qualité à cet effet, ou bien par nous, en vertu de lettres patentes
duement enregistrées; à peine pour les contrevenants de payer une amende
de cent florins, outre les réparations civiles.
« 3° Interdisons
et défendons à tous et à chacun de modifier ou changer l'ordre de ses
quartiers dans les généalogies, sur les tombeaux, épitaphes, vitraux et
ailleurs, ou d'y ajouter des quartiers d'autres maisons, sous peine,
pour le contrevenant, d'une amende de cinquante florins, et de voir les
fausses armoiries brisées et grattées.
« 4° Quant à ceux qui ont
acquis ou qui acquerront à l'avenir, par succession, testament,
donation, contrat de mariage, vente ou par toute autre manière, des
terres, seigneurie ou fief dont le nom soit celui d'une famille noble,
ils ne pourront en porter eux-mêmes le nom ni les armes comme étant le nom et les armes de leur propre famille. Mais ils
pourront se qualifier seigneurs de tels lieux, à la suite de leurs
propres noms et prénoms. Et si lesdites terres venaient à être érigées
en baronnie, vicomté, comté, marquisat, principauté ou duché, et
échéaient aux mains de gens non nobles ou n'ayant aucune qualité
correspondante à ces titres, ils ne pourront prendre les titres de ces
terres, et celles-ci retourneront à nos domaines.
« 5° Afin
d'empêcher tout désaccord qui pourrait surgir relativement au droit
d'aînesse et au port d'armes pleines (comme cela s'est vu souvent par le
passé), nous voulons et ordonnons que les puînés, dans les familles, et
même les aînés, du vivant de leur père, chargent leurs armes d'une
brisure ou lambel suivant coutume, et continuent de les porter ainsi
brisées aussi longtemps que durera la branche aînée, afin de distinguer
celleci de la branche des puînés, et ce à peine de cinquante florins
d'amende. Sont exceptés de cette disposition nos duchés de Luxembourg et
de Gueldre, où ces brisures ne sont pas usitées.
« 6° Ceux qui auront dérogé à leur noblesse par l'exercice d'un métier, art mécanique ou profession vile, ne
pourront jouir des avantages, honneurs et immunités attachés à la
noblesse, tant qu'ils n'auront renoncé à cet exercice. Alors ils seront
réhabilités par lettres patentes délivrées par nous et enregistrées dans
les bureaux de nos officiers d'armes, à peine de cent florins d'amende,
excepté dans les provinces où ce genre de réhabilitation n'est pas
d'usage.
« 7° Interdisons et défendons à tous nos sujets, de
quelque condition ou qualité qu'ils soient, de se donner ou donner à
d'autres le titre de baron ou tout autre, de faire supporter leurs armes
par des porte-bannières, ou les surmonter de couronnes, à moins qu'ils
ne prouvent en due forme qu'ils en ont le droit, et que les terres
qu'ils possèdent dans nos Pays-Bas ont été érigées en baronnies par
lettres patentes délivrées par nous ou nos prédécesseurs; à peine pour
chaque contrevenant de cinquante livres d'amende.
« 8° Nous
défendons aussi à nos vassaux et sujets de se qualifier chevaliers, si
ce titre ne leur a pas été octroyé par nous ou nos prédécesseurs ; à
peine de cent florins d'amende, et de voir ce titre biffé et effacé partout où il sera trouvé.
«
9° Gomme beaucoup d'abus contre lesquels s'élève cette ordonnance
proviennent de ce que des , secrétaires, greffiers, notaires et autres
officiers ont trop légèrement accordé des titres de noblesse à des
personnes qui n'y avaient aucun droit, nous voulons que ces officiers
publics qui les attribueront sciemment soient condamnés à cent francs
d'amende.
« 10° Et parce que quelques-uns de nos sujets
s'adressent à des princes étrangers pour obtenir des titres, privilèges
et armes que leur refuse leur souverain légitime, et ce au préjudice de
nos droits et de nos finances, nous déclarons que personne de nos
vassaux ou sujets ne pourra se prévaloir de la chevalerie, de
l'anoblissement ni des honneurs octroyés par des princes autres que nous
et nos prédécesseurs, à peine de deux cents florins d'amende, et de
voir leurs titres biffés et annulés par l'autorité publique.
«
11° Et comme quelques-uns, par ignorance ou par oubli, s'avisent de
surmonter leurs armes d'un timbre posé de face, à 'la manière des
princes souverains, ou d'un heaume entièrement doré,
sans en avoir le droit, et de porter aussi des couronnes, sans qu'on
puisse distinguer si elles appartiennent à des comtes, des marquis,
princes ou ducs ; de les porter même, ce qui est plus audacieux, ornées
de fleurons comme celles des rois et des souverains, et tout cela à
notre préjudice et à celui des autres princes, nous enjoignons à tous
nos sujets, de quelque rang ou qualité qu'ils soient, de faire cesser
ces abus dans l'espace de trois mois, sous peine, pour les
contrevenants, d'être condamnés à trois cents florins d'amende.
«
12° Afin d'empêcher les bâtards et leurs descendants de porter les noms
et armes des fils légitimes, et de s'immiscer par la suite dans les
familles comme descendants légitimes, nous enjoignons aux bâtards et
enfants naturels, même à ceux qui ont été légitimés par nos lettres
patentes ou par celles de nos prédécesseurs, de mettre une marque
très-apparente dans leurs armes, savoir : pour les bâtards et enfants
illégitimes une barre, et, pour leurs descendants, une marque tout à
fait distincte de celle des puînés de lit légitime, à peine de soixante
florins d'amende.
«13° Et pour empêcher à l'avenir les
irrégularités qui pourraient se commettre à notre préjudice par la
délivrance de nouvelles armoiries à des personnes nouvellement anoblies,
ou à ceux qui désirent en avoir d'autres, parce que les registres
d'armoiries auxquels on a ordinairement recours ne sont pas tenus comme
ils doivent l'être, ce qui peut devenir une cause de difficultés, nous
avons jugé convenable que notre premier roi d'armes et nos autres
héraults, chacun dans sa province, renouvellassent les armoriaux, et que
ceux de nos vassaux et sujets qui prétendent avoir droit à la noblesse
leur communiquassent leurs armes timbrées exactement dessinées ou
peintes, avec leur nom, prénoms et titres, s'ils en ont, et ceux de
leurs père et mère, pour y être enregistrées et valoir ce que de droit.
«
14° Et comme par suite des guerres et de l'absence de nos prédécesseurs
de ces provinces, des courriers et messagers de nos villes,
châtellenies et seigneuries, et même des particuliers, se sont approprié
les armoiries desdites villes et châtellenies qui les commissionnaient
ou qu'ils habitaient, nous voulons que lesdits courriers et messagers portent ces armoiries suspendues au côté gauche au moyen de chaînettes, à peine de vingt florins d'amende.
«
15° Voulons et ordonnons en outre que toutes les lettres
d'anoblissement ou de concession d'armoiries délivrées par nous ou qui
le seront à l'avenir , soient, par les impétrants, présentées à nos
héraults d'armes de leurs provinces respectives, pour être enregistrées
dans les livres à ce destinés, et certifiées véritables. Pareil
enregistrement aura lieu aux États d'Artois, pour ceux qui seront
originaires ou habitants de cette province, à peine de privation du
bénéfice desdites lettres. »
Ce document est très-important,
non-seulement au point de vue historique, mais encore au point de vue du
droit. Albert et Isabelle reconnaissent quatre catégories de noblesse :
1° Noblesse de sang ou d'ancienne race, dont l'origine se perd dans la nuit des temps ;
2° Noblesse de notoriété ou de possession, qui devait être prouvée, et pour laquelle il fallait que le père et l'aïeul eussent été tenus pour nobles;
3° Noblesse concédée par lettres patentes émanées des souverains légitimes des Pays-Bas ;
4° Enfin noblesse qui dérivait des charges et fonctions occupées par le père ou les aïeux.
Mais
le temps a rudement éprouvé la noblesse flamande, et nous n'hésitons
pas à dire que celle de la première et deuxième catégorie n'existe plus.
En effet, le rédacteur du Cahier des Doléances du Tiers-État de la
ville de Bergues écrivait déjà en 1789 : « Quant à la noblesse, elle n'a
jamais « formé, en Flandre, en fait d'aides, subsides et « impositions,
un ordre particulier ni séparé du « Tiers-État. Les nobles,
contradicteurs avec les « notables de toutes branches d'administration «
confiées aux chefs-colléges ou municipalités des « villes et des
châtellenies, admis dans tous les « corps municipaux, participaient
ainsi à l'admi« nistration générale, et énonçaient un voeu comce mun
avec le Tiers-État. »
Restent ceux dont les aïeux ont été anoblis par lettres patentes des souverains , u par leurs charges fonctions ou offices
En 1715, J. Leroux, roi d'armes, a publié les noms des Flamands de France qui ont été anoblis depuis 1424 à 1714, ce sont :
«
Antoine Zegherscappel, écuier, bourgmaître et landthouder de la ville
et châtellenie de Furnes, créé chevalier le 25 juillet 1618.
Antoine de Vignacourt, sieur d'Orton, créé chevalier le 20 avril 1593.
François de la Woestine, seigneur de Bercelaere, créé chevalier le 23 octobre 1640.
Jacques
Vandewalle de Dunkerque, fils de Jacques, créé chevalier le 27 février
1630, pour avoir armé et fourni plusieurs navires au Roi.
François Van Galoen, échevin du Franc, créé chevalier le 2 mars 1648.
Jean-Baptiste de Visch, époux de Marie Van den Broeck, créé chevalier le 5 février 1648.
Roland de Vicq, alfère au service du roi d'Espagne, chevalier le 15 septembre 1629,
Daniel Vernimmen, natif de la ville de Termonde, anobli le 20 mars 1706.
Lieven de Suutpeene, seigneur de Vische, chevalier le 2 novembre 1623.
Guillaume de Hardevust, anobli le 20 septembre 1623 ou 1613, moyennant finance taxée à 300 florins, payés à Jean de Seur, le 9 septembre 1624.
Jacques de Massiet, seigneur de Zudpeene, chevalier le 1er février 1600.
Victor Rape, seigneur de Steenbourg, échevin et bourgmaître de la ville de Bergues, chevalier le 12 novembre 1633.
François
de Kerckhove, écuier, seigneur du Fael, ayant servi dans le régiment du
comte Frédéric de Berges, et dans le magistrat de la ville de Cassel,
chevalier le 20 octobre 1632.
Martin Snouckart, seigneur de
Somerghem et de Schoebrouck, créé chevalier le 10 janvier 1633.
Jacques
de Norman, seigneur d'Oxelaere, chevalier le 12 octobre 1630.
Philippe-Guillaume et Floris de Bacquelerot frères, anoblis le 4 août 1628.
Marc Stappens, receveur de la ville de Bergues, anobli le 20 août 1626, moyennant finances.
Jean
de Northout, chevalier, capitaine de la ville de Dunkerque, conseiller
et maître d'hôtel de la gouvernante des Pays-Bas, créé baron le 1er mars
1545.
François de Vulder, seigneur de Zyneghem, chevalier le 23 décembre 1642.
Pierre Immeloot, écuier, chevalier le 23 décembre 1642.
Pierre Bommaere, licencié, ès lois, anobli le 3 décembre 1601.
Nicolas Imbert de la Phalecque, anobli moyennant finances, le 17 mars 1608, pour services rendus à la religion catholique.
Jacques de Bryarde, seigneur de Beauvoorde et Teteghem, chevalier le 29 septembre 1618.
Jean-Baptiste Bultéel, avoué de la ville d'Ypres, chevalier le 2 novembre 1622.
Jean Revel, à Ypres, a été réhabilité dans la noblesse le 26 mars 1628.
Roland van Zeller, du pays de Gueldres, obtint réhabilitation de noblesse le 20 janvier 1702.
Gabriel
de Meester, licencié ès lois, bailli général des villes et comté
d'Estaires ; Nicolas de Meester, receveur de la ville et châtellenie de
Bailleul ; Louis de Meester, bailli d'Etaires et de la baronnie
d'Haverskerque, tous anoblis le 24 mars 1643.
Pierre Guislain de Piermont, seigneur de Coudecasteel, chevalier le 3 mars 1649.
Edouard de Steenbecque, chevalier le 16 juillet 1642.
Pierre de Keerle, licencié ès lois, anobli le 31 janvier 1645.
Georges de Thiennes, seigneur de Berthen, créé marquis le 19 juin 1660.
Cornil
Spanoghe, protonotaire apostolique, a été anobli le 22 juin 1526, et
ses descendants réhabilités dans la noblesse le 18 novembre 1672.
Jean Bart, chef d'escadre, anobli par Louis XIV, le 4 août 1694. »
Les charges et fonctions publiques qui. conféraient la noblesse étaient :
1°
Celles de grands officiers de la couronne, de secrétaires d'État, de
conseillers d'État, de magistrats de cours souveraines, de trésoriers,
de secrétaires des princes, de chambellans, etc. ;
2° Celles de
membres des cours de justice, présidiaux, bailliages, cours féodales, et
d'officiers de justice à tous les degrés de la hiérarchie judiciaire ;
3° Le grade d'officier dans les armées du souverain ;
4° La cléricature;
5°
L'échevinage, la députation aux États, la mairie et autres charges
municipales, même celles de greffier, bailli, trésorier des communes;
6° Enfin les lettres et les sciences étaient aussi une
source de noblesse. Les médecins, les avocats, les professeurs, les
hommes de lettres, les procureurs, etc., étaient considérés comme
nobles. Les professeurs-docteurs en droit pouvaient, après vingt ans
d'exercice, prendre le titre de comte. Qu'on ne s'étonne pas de cela! En
Chine, la première noblesse du pays était la noblesse littéraire.
Une
autre observation qui résulte de l'édit de 1616, c'est que les nobles
avaient seuls le droit de porter des armoiries timbrées; mais tout le
monde pouvait en avoir de non timbrées, c'est-à-dire non surmontées d'un
heaume ou d'une couronne. « Les armoiries, dit M. Borel d'Haute« rive
dans son édition de l' Armorial de Flandre, « ne furent pas le privilége
exclusif de ceux qui « étaient gentilshommes ; mais elles annonçaient «
au moins une bonne bourgeoisie, qui touchait à " la noblesse par plus
d'un point de contact. » Louis XIV, en créant une grande-maîtrise
héraldique, a déclaré, dans son ordonnance de 1696, que les brevets ou
lettres d'armoiries ne pouvaient en aucun cas estre tirées à conséquence
pour preuve de noblesse. Aussi, moyennant un droit de vingt livres,
tout bourgeois, marchand, avocat ou médecin pouvait avoir ses armoiries «
mises « aux bâtiments, édifices, tombeaux, chapelles, « vitres,
tableaux, images, ornements et autres « meubles, et portées par sa veuve
et ses enfants « après sa mort.»
(...)
La
loi du 4 août 1789 a bien aboli les priviléges attachés à l'ancienne
noblesse ; mais, « quant aux titres et aux distinctions nobiliaires,
fait observer M. le sénateur Delangle, personne ne songea à les
abdiquer, personne ne voulut les détruire. La royauté était encore, dans
la pensée de tous, la clef de voûte de l'édifice politique, et la
pensée des novateurs les plus hardis de
l'assemblée constituante, parmi ceux du moins qui osaient exprimer
hautement leurs voeux secrets, n'allait pas au delà d'une imitation de
la constitution anglaise. » Les titres nobiliaires ne furent supprimés
que le 19 juin 1790 ; ce jour-là, l'assemblée nationale défendit que la
qualification de prince, duc, comte, marquis, vicomte, vidame, baron,
chevalier, messire, écuyer, gentilhomme, monseigneur, éminence, altesse
ou grandeur, fût prise par qui que ce fût, à peine d'une amende égale à
six fois la valeur de la contribution mobilière du délinquant.
Ces
titres, à l'exception de, ceux de marquis et de vidame, furent rétablis
avec l'érection du gouvernement français en monarchie impériale. Par un
décret du 1er mars 1808, l'empereur Napoléon 1er créa une nouvelle
noblesse et en détermina la hiérarchie. La charte de 1814 a reconnu les
nobles du nouveau et de l'ancien régime, et maintint les peines édictées
par l'art. 259 du Code pénal contre les usurpateurs de titres. Une loi
de 1832 abrogea ces pénalités, et un décret du 29 février 1848 proclama
la déchéance de la noblesse elle-même. Mais le 24 janvier 1852,
ce décret fut à son tour abrogé, et la loi du 28 mai 1858 rétablit, en
le modifiant, l'ancien art. 259 du Code pénal, lequel porte aujourd'hui :
1° Qu'une amende de 500 fr. à 10,000 fr. sera prononcée contre
quiconque, sans droit et en vue de s'attribuer une distinction
honorifique, aura publiquement pris un titre, changé, altéré, modifié le
nom que lui assignent les actes de l'état civil ;
2° Que le
tribunal ordonnera la mention du jugement en marge des actes
authentiques ou des actes de l'état civil dans lesquels le titre aura
été pris indûment ou le nom altéré, etc.
En vertu de ce texte
législatif, les magistrats chargés de l'exécution des lois ont invité
les officiers de l'état civil et tous les officiers ministériels à
n'attribuer désormais aux parties, dans les actes, que les titres et les
noms qu'elles justifieront être en droit de porter.
Comment
faire cette justification? — Par les actes de l'état civil, comme le
veut la loi. Mais la plupart des actes de l'état civil ne remontent pas,
dans notre Flandre, au delà du XVIIe siècle, et jusqu'en 1789, ils
étaient écrits en latin et rédigés par les curés des
paroisses. J'ai remarqué que les personnes de qualité y étaient
qualifiées de Dominus, domina, et les hommes de loi de
consnltissimus. Comment traduire aujourd'hui ces qualifications? À quels
titres modernes correspondent-elles? L'épithète nobilis noble,
accompagne certains noms; quelle a été la preuve de la noblesse? Les
actes de naissance, mariage et décès étaient-ils toujours fidèlement et
régulièrement rédigés? Il est permis d'en douter, avec les synodes
d'Ypres et de Cambrai de 1577 et de 1763.
D'un autre côté, dès
personnes qui, en vertu de leurs fonctions et de l'édit d'Albert et
d'Isabelle, pouvaient porter le titre décider, n'ont pas eu leurs noms
inscrits dans les registres de la paroisse avec cette qualité. D'autres,
possesseurs de fiefs, ayant par conséquent le droit d'ajouter à leur
nom celui de leurs terres, ont négligé de le faire suivre de cette
dernière dénomination. Sous la République et le Consulat, il n'était
permis de prendre que le vrai nom de sa famille; toute distinction nobiliaire était sévèrement défendue. Sous l'Empire et la Royauté, on
peut avoir négligé de reprendre ses titres; enfin il est des personnes
qui, voulant paraître favorables aux idées démocratiques, ont modifié
leur nom en en retranchant la particule, ce qui a fait dire à l'illustre
de Lamartine, parlant de Béranger : « Nous n'approuvons « pas cette
mode qui fait déroger le nom de famille pour faire monter plus haut
l'ambition, la « puissance, la popularité de l'individu. Il faut, «
quand on est vraiment philosophe, vraiment citoyen, vraiment
égalitaire, se résigner avec la « même indifférence à sa noblesse ou à
sa roture ; " l'une ne dégrade pas plus que l'autre n'avilit le " vrai
grand homme. Roture ou noblesse ne sont " ni des mérites ni des torts;
ce sont des lots que ce nous avons reçus en naissant dans la loterie de
ce la Providence. Il y a faiblesse à s'en glorifier, ce faiblesse à en
rougir , faiblesse à les abdiquer, ce Béranger., quand il fut devenu ce
qu'il devait " être, un aussi grand coeur qu'il était un grand ce
esprit, pensait exactement comme nous. »
Puisque l'art. 259 du Code pénal reconnaît et protége de nouveau les noms et les titres honorifiques de la noblesse, à la condition d'en justifier par la
production des actes de l'état civil, à quelle espèce de preuves est-il
permis d'avoir recours si les actes de l'état civil sont muets?— Ceux
qui ont entre les mains des lettres d'anoblissement, délivrées
régulièrement par les souverains du pays, possèdent à notre avis des
documents irrécusables; ceux dont les titres nobiliaires dérivent des
fonctions ou des services de leurs ancêtres auraient à prouver ces
fonctions ou ces services. Suivant la Roque (Traité de la Noblesse, ch.
LXIV), « les actes qui justifient la noblesse sont des actes
authentiques , comme contrats de mariage, baptistaires, lois de partage
de successions, testamens et autres actes publics qui font mention des
filiations; on y ajoute les qualités tirées des fiefs possédés de race
en race, et employées dans les contrats; les jugements rendus sur la
condition ; les inscriptions et épitaphes des lieux publics, et la
continuation des armes semblables. La noblesse se vérifie encore par les
dignités qui accompagnent notre vie, ou par la condition de nos
ancêtres, en représentant les provisions et actes de réception dans les
charges qu'ils ont exercées. Si ce sont charges militaires, on se sert des extraits de rôles, de montres et des comptes rendus à la
chambre par les trésoriers ordinaires et extraordinaires des guerres,
qui font mention des soldes ou appointements qu'on a reçus pour
l'exercice de telles charges. On prouve aussi la noblesse par des actes
de foi et hommage qu'on a rendus à cause des fiefs qu'on tient du roi ou
autres seigneurs; enfin, par les histoires et chroniques qui rendent
les prédécesseurs illustres à la postérité. »
Quant à ceux qui
prétendraient avoir le droit d'ajouter un nom de fief à leur nom
patronymique, en vertu des dispositions de l'art. 1er de l'édit de 1616,
ils n'auraient, semble-t-il, qu'à établir la possession ou la propriété
de ce fief. Cependant - des arrêts ont distingué entre le fief dont la
possession est antérieure à 1789 et celui qui a été acquis depuis cette
époque. Dans ce dernier cas, une autorisation du gouvernement serait
indispensable. Mais tout porte à croire qu'elle ne serait pas refusée,
précisément parce que Fart, 259 du Code pénal a été promulgué pour
consacrer le souvenir des services rendus au pays. Or, qu'est-ce qu'un
fief? c'est une portion du domaine national concédée
par le prince pour récompenser le dévouement à la patrie, ou bien à
charge de services militaires et judiciaires. Porter le nom d'un fief
est donc une manière de perpétuer le souvenir d'actions héroïques ou
patriotiques; c'est, pour nous servir encore des expressions de M.
Delangle, « rappeler ce qui met au coeur de l'homme la « force qui
dompte les obstacles, ce qui lui inspire « l'ambition qui lui fait
sacrifier sa vie au service « de son pays : ce n'est pas seulement cet
orgueil « légitime qui limite à l'heure présente et à l'individu les
joies du devoir accompli, et cette volupté du triomphe qui paie un
effort généreux. » Si nous savions l'histoire des fiefs, moins obscures
seraient les origines de notre histoire nationale; mais c'est là aussi
une de ces questions dont la solution présente, comme l'a dit M. le
garde des sceaux, des difficultés dignes des méditations et des études
des hommes d'État et des jurisconsultes.
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