vendredi 28 septembre 2012

Quand les Dunkerquois jugent leur ville en 1864


In L’habitation ouvrière dans l’agglomération dunkerquoise,  CAUE du Nord, Lille, 1981, 88 pages, pp16-17

« Au moment où de nombreuses constructions nouvelles s’élèvent en notre ville, où de nouveaux quartiers vont se former, les soussignés ont l’honneur de vous soumettre leurs réclamations sur l’état d’abandon dans lequel certaines rues sont laissées depuis trop longtemps déjà. Sur la nécessité d’apporter dans l’éclairage de la ville, d’urgentes améliorations. Sur les mesures qu’il conviendrait de prendre pour assurer à tous les habitants de la cité un air pur et sains, un libre et suffisant accès à toutes les demeures.

Lamentable état de certains quartiers.

Notre ville a toujours joui d’une réputation qu’elle a longtemps méritée, en ce qui concerne l’état d’entretien et la propreté remarquable de ses rues et quartiers.
Nous devons le dire avec regret, cette réputation est gravement compromise depuis quelques années.
Il existe aujourd’hui des quartiers complètement délaissés ; à un moment donné ces quartiers deviennent de vrais foyers d’infections, des cloaques inabordables, contre lequel état toute la population proteste.
N’attendez pas qu’une épidémie vienne justifier cette crainte générale.

Exode de notre population
Depuis quelques années déjà, notre population ouvrière émigre au dehors, ne trouvant plus à l’intérieur que des logements insuffisants, insalubres, inaccessibles pendant les trois-quarts de l’année.
Elle se porte à Saint-Pol, à Rosendaël où elle trouve ce qui lui est refusé en ville, des communications faciles, de l’espace, de l’air et des logements convenables. La caisse municipale souffre la première de cette émigration.
Le gouvernement impérial réclame partout pour la population ouvrière l’assainissement des quartiers insalubres, de larges voies de communication, une distribution d’air et de lumière, partout on voit les centres se transformer.
Il ne sera pas dit que l’administration municipale de Dunkerque reculera de deux siècles quand les autres devancent le progrès, qu’elle entravera plutôt que d’aider aux efforts privés pour embellir la cité et donner aux nouveaux quartiers le même aspect d’aisance et de propreté qu’elle avait autrefois.

Le Jeu de Mail
Depuis le déplacement des fortifications, le Jeu de Mail s’est transformé. Il est devenu un immense quartier où de nouvelles constructions s’élèvent tous les jours.
Mais quel regret pour tout jamais que l’administration ne se soit pas mis en rapport avec les propriétaires pour adopter un plan de percement des rues.
Nous avons là un dédale de ruelles, de petits passages sans aboutissans, ni débouchés.
Puis on peut déjà remarquer que, par suite d’exhaussements, par ailleurs, des maisons sont envahies par les eaux à la moindre pluie ce qu’une sage entente avec les propriétaires en temps utile, des alignements et des nivellements, arrêtés dès le principe, auraient assurément évités.
Dans tout ce quartier, une seule rue a été ouverte, celle du bâton, mais n’est-elle pas devenue un bourbier inabordable, un cloaque infecté pendant tous les hivers ? L’écoulement des eaux ménagères n’y est pas assuré. L’état croupissant de ces eaux chargées de toutes espèces de matières pendant l’état, devient un danger permanent pour le quartier.
Cette rue n’est pas éclairée, ce qui en fait un vrai coupe-gorge, la nuit. Il est temps de porter remède à cet état de choses, nous le réclamons avec insistance.
On peut voir ce que les autres villes font pour leurs nouveaux quartiers : pourquoi en serait-il autrement à Dunkerque ?

A la Citadelle
Dès l’établissement du chemin de fer, le  mouvement du port se porta du côté des quais garnis de rails, c’est-à-dire vers la Citadelle.
Il y a là sept rues d’accès aux quais ; trois seulement sont praticables.
Celle qui conduit à la place de la Citadelle n’est qu’une fondrière, les deux qui la suivent ne sont que d’affreux bourbiers pendant huit ou neuf mois de l’année.
La rue Poudrière de la Marine sert de dépôt d’immondices, de fruits gâtés, de mâchefer provenant des bateaux à vapeur qui stationnent au débouché de cette rue.
Un pareil état demande un remède immédiat.
Ces rues sont des voies communales. Il est urgent de les mettre en état de pouvoir servir à la circulation, de les assainir et de les rendre à leur véritable destination/

En basse Ville
Un certain nombre de rues n’ont que des chaussées de gravier.
Pour la plupart, les accotements ne sont pas garnis bien que l’écoulement des eaux y soit ménagé.
Mais la rue du Canal-de-Bergues reste à l’état de route de terre souvent  impraticable sur une partie de son parcours.
La rue St-Bernard est restée aujourd’hui à l’état de bourbier infect, sans égouts, sans aucune apparence de gravier ou de pavés ; elle n’est même pas éclairée.
Son extrémité vers l’abattoir sert de dépôt d’immondices. De plus, il importe que des constructions élevées contre l’alignement obligatoire de cette rue, soient reportées à l’alignement fixé par la loi.

Ile Jeanty
De ce côté, il y a  beaucoup à faire. Au-delà de la gare, il existe un quartier complètement abandonné, couvert d’habitations établies sans ordre, sans trace de rues, sans communication avec le centre que le passage établi sous le viaduc du chemin de fer souvent couvert d’eau une grande partie de l’année.
Quant à la rue de la Garde, pourquoi l’avoir réduite à 15 mètres au lieu de 22 qu’elle avait et cette largeur primitive de 11 mètres serait à peine  suffisante pour la grande circulation à laquelle elle est destinée. L’administration doit se mettre en mesure pour rétablir cette largeur car sur un côté n’existe encore aucune habitation.
Cette route du Four-à-Chaux qui sera bientôt bordée de maisons vénérables demande à être mise au plus tôt en état de viabilité. On doit y assurer l’écoulement des eaux de la rue de la Gare si l’on veut éviter de voir ces rues transformées en bourbiers chaque hiver comme cela se produit chaque année jusqu’à aujourd’hui.

Derrière la marine
 Il existe là une route qu’on ne saurait appeler rue, où il se fait déjà un grand mouvement qui s’accroitra considérablement avec le port agrandi. 
Rien n’y est fait encore de ce côté : les terrains sont libres. C’est le moment de s’assurer une voie de largeur suffisante et c’est dès aujourd’hui qu’il faut y donner une solution favorable.

En ville
Signalons encore en ville, les rues de l’Est, du Levant, de la Porte d’Eau laissées dans un état d’abandon déplorable.
Puis des réformes urgentes sont à opérer dans l’éclairage général de la ville, et notamment dans celui des quais et des bassins du port.
A certaines époques de chaque lune, le gaz est éteint à une heure peu avancée de la soirée. Quelquefois, il n’est pas allumé du tout par mesure d’économie sans doute malgré les graves inconvénients que cela présente.
Il est temps de porter remède à pareille situation ; des malheurs tout récents ont démontré une fois de plus le danger de ne pas éclairer la nuit entière. Si certaines rues peuvent rester dans l’obscurité pendant une partie de la nuit, il n’en reste pas de même autour des bassins. On n’y circule qu’avec crainte. Faut-il attendre de nouvelles victimes pour obtenir une autre distribution d’éclairage ?

Au résumé
Nous demandons que notre administration municipale fasse procéder sans délai à la mise en état de viabilité de toutes les rues anciennes, nouvelles, grandes ou petites, restées abandonnées aujourd’hui.
Que le réseau des égouts soit complété partout où il n’a pas encore été étendu.
Que les fils d’eau soient établis où ils manquent et que les nivellements et alignements soient déterminés partout où ils ne le sont pas.
Que l’éclairage soit répandu dans tous les quartiers et enfin qu’une plus juste répartition soit faite des deniers de la caisse municipale. Moins de somptuosité dans les constructions… »

Pétition des habitants au Maire de Dunkerque
1864
Publiée dans L’Union Faulconnier en 1931

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