vendredi 14 septembre 2012

Heureux comme Bourbon en Flandre : le Plouich de Phalempin



Dans le canton de Pont-à-Marcq, au coeur du quartier du Carembaut se dresse le château du Plouich. Très certainement parmi les plus anciens de la région, il est tenu en fief par le châtelain de Lille, directement sous les ordres du Comte de Flandre qu'il représente dans le ressort de la Flandre gallicane. La paroisse, saint-Christophe, dont l'existence remonte au moins à 1039, n'est pas le seul pôle spirituel de la communauté puisque se trouve aussi à Phalempin une abbaye considérable... Le Plouich est un château à motte et à basse-cour à l'orée du Bois des Cathières à une altitude de 40 mètres, sur le chemin de Seclin au Plouich, à partir de laquelle une drève mène au site...  les lieux se présentent comme une  motte ovalaire d'environ 160 mètres au plus large. Un réseau de fossés alimente une douve de plus grande largeur. La surface de la plateforme est légèrement bombée. En 1810, les constructions occupent 1/5° de la surface. Aujourd'hui, l'accès par un pont dormant au dessus de la douve permet de découvrir l'existence d'un seul un bâtiment du corps de ferme, d'un pigeonnier et de bâtiments récents mais la basse-cour, elle, a disparu.



Les lieux ont été occupés bien avant le Moyen-Âge car un sondage effectué en août 1994 par B.Smagghe, dans  la parcelle A496 (coordonnées Lambert I Nord: 650,10 / 1312,85 ; 39) a permis de constater la présence de niveaux gallo-romain et carolingien.

Tenu directement de la Salle de Lille, institution féodale essentielle, ce fief détient les justices haute, moyenne et basse et détient aussi des droits de prisons. Dénommée «Court et Halle de Phalempin» alors que la Motte-Madame (à Lille) est le siège de leur office. Un château occupe le site dont la construction remonterait à la période romane. Entre 1030 et 10601, deux tours auraient défendu l'accès et un pont-levis commandait l'entrée. Une prison y existe pour la justice du fief de Phalempin. Les bâtiments actuels ne sont que des vestiges d'une occupation récente (XVIIeme ou XVIIIème siècle). 

En mai 1220, les prisons sont mentionnées dans un inventaire établi par Godefroy (l'archiviste célèbre) pour le mois de mai 1220: «Accord de transaction passée entre Odon, abbé et le couvent de St Vaast d'une part et le châtelain de Lille d'autre part, pour lequel cette abbaye déclare posséder dans le territoire de Pevele une ville appellée Mons-en-Pévèle (...) 
Si le sergent du châtelain demande du secours pour les mener en prison, les maires de St Vaast et ceux qui seront à leur place dans ces villes devront lui en donner jusqu'au Plouich et alors ils y seront nourris aux depens du Châtelain (...)
Le Châtelain sera obligé de recevoir dans sa prison les criminels que l'abbé ne voudra pas garder, l'abbé ne pourra faire mettre personne en prison si ce n'est dans l'unde de ces trois villes, le châtelain ne pourra faire emprisonner qu'au Plouich...» (ADN / B 174, pp. 388 et 391)

En février 1241, on trouve les lettres par lesquelles Jean, Châtelain de Lille et de Peronne promet de donner son fils aîné quand il sera en âge, en mariage à la fille aînée de Robert, sénéchal de Flandre quand elle sera en âge et ce six mois après en avoir été requis  par le sénéchal, et avant que le mariage se fasse, il s'engage àdonner à son fils "son manoir de Sainghin, d'Erkinghem ou du Plouich et 1000 livrées de terre qui seront prises sur les apartenances du châtelain qu'il lui donnera. Si elles ne suffisent pas, il assignera le surplus sur la châtellenie de Lille..." (ADN/ B 1757 p. 13).

L'année suivante, à Pontoise, le roi St Louis déclare par Lettres que "Jean châtelain de Lille et de Péronne et Pierre de Bouclin, chevalier, son frère ont vendu en sa présence à Robert Comte d'Artois son frère leur ville de Combles et tout ce qui leur appartenoit audit lieu, 16 hommages et la 3° partie d'un hommage savoir (...)
Le roi déclare de plus que Mahaut (note de l'archiviste : fille d'Arnoul Sgr de Mortagne, châtelain de Tournai) femme du châtelain de Lille a renoncé au douaire qu'elle pouvoit prétendre sur cette terre en aiant été dedomagé pour ce qu'on lui avoit demandé au Plouich (note de l'archiviste : ancienne demeure des châtelains de Lille à 3 lieues de cette ville)...» (ADN / B 175 p.34).
En septembre 1279, un douaire est signalé au profit de Mahaut sur les bois du Plouich (et non pas sur la seigneurie elle-même) (ADN / B 1768 p. 243), preuve de l'importance et des revenus du fief.
En 1389,  «Wallerand de Luxembourg, (...) Chastellain de Lille» présente un dénombrement concernant le «manoir du Plouich tout ainßi qui est enclos , bassecourt, herbregié à porte fremant et a pont aualant que gardin...» (ADN / B 3817 f°1)10.

A partir de 1441, le Plouich désigne aussi une portion de terroir bien définie de Phalempin, et forme une entité distincte (ADN / B 3806 n°140911).

Au 1er décembre 1456, Louis de Luxembourg, comte de Saint-Pol, châtelain de Lille, mentionne, outre les bâtiments occupant la motte, des écuries: «Item ay... marescauchies contre mondict bien du Plouich». Les lieux changent de qualification : «manoir et hostel au Plouich»12. La fonction véritablement castrale de ce fief ne semble plus se justifier à cette date... (ADN / B 3775 f°1).

L'aspect spirituel n'est pas abandonné pour autant puisque le 30 septembre 1461 est mentionné une rente servie à «messire Jehan Marion, chapellain de la chapelle du Plouich» (ADN / B 3773 n° 139999), elle servie aussi à ses successeurs comme en font foi les autres comptes de la liasse... Néanmoins, rien ne dit si la chapelle était castrale ou si elle fut érigée au hameau du Plouich, proche du château?
En 1506, Marie de Luxembourg décrit  «son lieu et manoir du Plouich tout ainsy qu'il est enclos situés et assis (?) herbreghiet de porte fremant et a pont avalant et quatre gardins quy son dehors le dit pont...» (ADN / B 3821 f°1).

A la fin du XVI° siècle, Henri de Bourbon, duc de Vendôme baille (copie de la correspondance de Godefroy) au Roi d'Espagne: «tout ung fief qu'il tient de sa [majesté] Comte de Flandres en sa Salle de Lille nomé la chastellenie de Lille tant en gros et domaine d'icelluy sondit fief et des fiefs et homaiges y appartenans en tenus et mouvans come de la justcie et seigneurie et de la declaration des lieux et du droict qui il a et luy appartient (...) 
Et premiers tient et advoue tenir la terre de sadte maté son lieu Srial  manoir et chastel du Plouich tout ainsi qu'il est enclos situé et assis, vue et herbregié a porte fermante et entrée ou parcy devant y avoit pont avallant  (...) (que luy ledit seigneur chastellain et son heritier ou aiant cause peult remettre en état quand bon lui semblera) (...)
Item a et luy appartient  audit lieu du Plouich en plusieurs pieces quinze bonniers six cens et demy de prez ou environ (f°1 verso) comprins les hallots et testes et les hayes jusques aux bords des fosses marchissans au chemin de la dite entrée de son dit lieu du Plouich lequel maine dud Plouich à Watiessart pour aller à Seclin...» (ADN / B 19800 f°1).

Henri IV, châtelain de Lille, réunit en juillet 1607 le Plouich, cour et halle de Phalempin au domaine royal (AD N / B 19803 n° 1103, dossier de l'administration de l'enregistrement des domaines, 22 juin 1810, f°1).  Cette mutation fut-elle réellement légale car, par cet édit, Henri IV transfère dans ses biens personnels, un fief dont il n'est que le possesseur? Faut-il ajouter que la tradition locale fait du Plouich un des nombreux lieux de rendez-vous du «vert-galant»? En 1610, le jeune Louis XIII décrit identiquement le fief (ADN / B 3824 f°1). 

Dans son dernier ouvrage (Le temps des châteaux forts, X° - XV° siècle, Armand Colin, Paris, 1994, 232 p., pp 156-157), le Colonel Rocolle évoque le manoir du Plouich. Selon lui, le manoir a été construit sur une grande motte, laquelle avait «passablement diminué de hauteur, ce qui avait permis d'assoire le corps de logis, tandis que la baille avait conservé la fonction d'une basse-cour. Elle a subsisté, ainsi que le grand fossé qui clôturait l'ensemble.»

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