jeudi 20 septembre 2012

DOCKERS EGYPTIENS ET CHINOIS AU PORT DE DUNKERQUE PENDANT LA GRANDE GUERRE




 In Jean-Pierre Hernandez – « Alors, au port t’en souviens –tu ? » - autoédition, Dunkerque, 259 p, pp. 205-206

«  Le D.N.T.O. (nota : Division Navale Transport Office, qui dirige la station-magasin anglaise de Dunkerque) emploie à lui seul près de 4.000 dockers. Les autorités britanniques songent à les remplacer en particulier par des travailleurs exotiques : Egyptiens, Cafres, chinois… et à verser les récupérés dans ses régiment du front.

Dockers égyptiens et chinois
Un beau jour, six cents Egyptiens débarquèrent au camp de la Samaritaine. Habillés, comme disait Joseph Prudhomme, à la mode de leur pays, ils avaient quitté les paisibles bords du Nil et le soleil éclatant de la terre des Pharaons pour venir sous les cieux brumeux de la Mer du Nord. Conduits en détachement, ils allèrent au travail. Pas pour longtemps…
Le spectacle des faisceaux lumineux des projecteurs se promenant silencieusement dans les nues les plongea dans une stupeur émerveillée, mais avec les bombardements, les explosions de torpilles, les détonations des canons de la défense anti-aérienne, la stupeur émerveillée fit place à une peur bleue.

 Un mois jour pour jour après leur arrivée, le 27 mai, un avion allemand bombarde, pendant la nuit, le camp où ils se trouvent. Il y a des morts, des blessés. Cette fois la peur fait place à une terreur irraisonnée, les Egyptiens s’enfuient de tous côtés. Plusieurs en devinrent fous. L’un, enfermé dans un hôpital anglais de Malo, s’évada, un couteau à la main. Square Jacobsen, il blessa plusieurs personnes. Comme il menaçait de faire d’autres victimes, un douanier le tua d’un coup de fusil. Ce premier essai d’emploi de travailleurs exotiques n’avait pas réussi. La base navale s’empressa de faire repartir vers Marseille ou Bordeaux les descendants des sujets du roi Tout-Ank-Amon.

Le D.N.T.O. fit alors appel à la main-d’œuvre chinoise. Un train spécial amena le 7 juillet 1917 un premier contingent de 1.800 coolies. On les logea au camp de Saint-Pol. Il y en eut rapidement près de quatre mille presque tous originaires de la province de Waï-Heï-Weï. Ils travaillaient dix heures par jour, touchant une solde variant entre un franc et deux francs cinquante. Leur alimentation, à base de riz et de thé, était préparée suivant les coutumes chinoises.

Aux heures de repos, ils ne pouvaient circuler que dans Saint-Pol. Leurs compatriotes qui travaillaient à l’Usine des Dunes, ne pouvaient franchir les limites de Rosendaël.

A plusieurs reprises, des bagarres se produisirent sur le port en Chinois et cafres. Sur le quai Freycinet n°1, une altercation éclata un jour entre dockers chinois et policemen anglais, elle menaçait de dégénérer en émeute lorsque l’équipage d’un navire anglais eut l’idée de tirer des coups de canon (à blanc, a-t-on dit) sur les émeutiers qui s’enfuirent éperdument  jusque dans leurs cantonnements.
A côté de toute cette main-d’œuvre exotique, les maisons de commissions et de transit de la place continuèrent à employer tous les dockers civils qu’ils pouvaient recruter et souvent les autorités militaires de la base navale durent avoir aussi recours à ces derniers pour activer le déchargement de leurs transports de guerre (…).
Ce sont enfin de jeunes dockers de 16 à 20 ans qui eux aussi font marcher le port, empêchant même les ouvriers belges de travailler à la place de leurs pères qui doivent partir à la guerre. »

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