lundi 24 septembre 2012

1793 : Dunkerque reconnue par la Convention Nationale


In Journal Le centenaire du siège de Dunkerque 1793-1893, exemplaire unique, Dunkerque, 9 & 10 septembre 1893,


La guerre étrangère avait commencé dès l’année 1792. Dumouriez, vainqueur à Valmy et à Jemappes, était entré triomphalement à Bruxelles.

L’exécution de l’infortuné Louis XVI détermina les puissances de l’Europe à former la première coalition. La campagne de 1793 commence par des revers, Dumouriez est vaincu à Neerwinden par le prince de Cobourg, et, devenu suspect à la Convention, il passe à l’ennemi. En présence des dangers qui menacent le pays, le Comité de Salut Public donne les pleins pouvoirs à un de ses membres, Carnot, officier du génie. Aidé de Prieur de la Côte d’Or et de Lindet, le grand patriote se met aussitôt à l’œuvre, et, par ses mesures à la fois énergiques et habiles, il sauve la France et mérite le titre à jamais glorieux d’organisateur de la victoire.

L’Angleterre ne pouvait se consoler d’avoir perdu Dunkerque. Aussi William Pitt, le chef du cabinet anglais, voulait-il la reprendre pour avoir un pied sur le continent. Le duc d’York, fils du roi de la Grande-Bretagne, reçut l’ordre de se porter sur notre ville. Laissant le prince d’Orange à Menin et le feld-maréchal Freytag à Roesbrugghe sur l’Yser, près d’Oost-Cappel, il se dirige vers Dunkerque avec 20.000 hommes.

La ville, entourée d’une simple fortification en sable gazonné, était résolue à lutter jusqu’à la dernière extrémité : « Les Dunkerquois, écrit Carnot, après une inspection faite avec le représentant Duquesnoy, son collègue, ont à soutenir une gloire ancienne, et nous les avons trouvés disposés à s’ensevelir sous les ruines de leur cité, plutôt que de l’abandonner. »

Le 23 août, l’avant-garde des alliés arrive au village de Leffrinckoucke. Aussitôt le duc d’York somme Dunkerque de lui ouvrir ses portes. Le général Pascal Kerenveyer, qui commandait place et l’arrondissement avait eu pour successeur un enfant du pays, le général O’Méara ; celui-ci fait cette réponse : « Investi de la confiance de la République, j’ai bien reçu votre sommation de rendre une ville importante. J’y répondrai en vous assurant que je saurai  la défendre avec les braves républicains que j’ai l’honneur de commander. »

Le général anglais, après avoir établi son quartier général à Leffrinckoucke, échelonne ses troupes depuis les dunes jusqu’au pont de Steendam.

Afin d’empêcher l’investissement complet de leur ville, les Dunkerquois introduisent les eaux de la mer dans l’espace situé entre le Fort Louis et le canal des Moëres mais ils ne réussissent pas à inonder le Rosendaël.

La garnison se composait de troupes de différentes armes et des recrues du camp de Ghyvelde qui avaient fui lâchement à l’approche de l’ennemi. C’est à sa vaillante garde nationale, qui se leva toute entière à la voix du maire Emmery, que Dunkerque fut redevable de son salut. Du reste, la population montra un dévouement admirable. Pendant que les hommes gardaient les remparts et que les vieillards et les enfants faisaient des cartouches, on vit des femmes de la plus haute condition se retirer à l’hospice St-Julien ou à l’église St-Eloi, convertie en ambulance ; là, infirmières volontaires, elles passèrent leurs jours et leurs nuits à panser les plus horribles blessures de leurs mais frêles et délicates.

Dès le 24, les batteries anglaises commencent à bombarder la place ; actuellement encore, on peut voir un biscaïen lancé par l’ennemi, dans une maison située en face de la prison départementale.

Comme le feu des Anglais qui occupaient en force le Rosendaël causait beaucoup de ravages dans la ville, on résolut de faire une sortie pour les déloger de cette position. Protégé par le feu des remparts que dirige l’artilleur Laurent Philippe, une partie de la garnison, commandée par le chef de brigade Lanoue, et les grenadiers de la garde nationale, sous les ordres du commandant Maurin, attaquent les lignes de l’ennemi. La lutte commencée à neuf heures du matin ne se termine qu’à l’approche de la nuit. Là périt le général hessois d’Alton, tué par un boulet que lança jacques, dit Girardeau, habile artilleur de la milice citoyenne.

Le lendemain 25, les ennemis tentèrent de surprendre la place, mais ils furent repoussés.

Cependant, la situation devenait de plus en plus critique. Il était évident pour tous que la ville ne tarderait pas à succomber.

Le général O’Méara, regardé comme incapable, fut remplacé par le général Souham auquel il fut adjoint Lazare Hoche, à peine âgé de vingt-cinq ans.

Voici d’après Hoche lui-même, l’état dans lequel se trouvait alors Dunkerque : « Cette place était absolument sans défense ; les troupes désorganisées et harassées de fatigues… A force de travail nous commençons à nous reconnaître. Pitt avait ici des agents. Des papiers incendiaires ont été répandus, des signaux donnés à la flotte ennemie mouillée à trois quarts de lieue de la ville. Les matelots frappés d’une terreur panique s’étaient insurgés. Ces hommes égarés avaient forcé leur chef à quitter la station et voulaient rentrer dans le port. »

Dans ces circonstances, Hoche montra les grandes qualités qui devaient bientôt faire de lui un des plus illustres généraux de la Révolution. A peine arrivé, il prend les mesures les plus rigoureuses : il adresse aux habitants, aux matelots et aux soldats des proclamations empreintes du plus pur patriotisme.

Le général Houchard avait reçu de Carnot l’ordre de débloquer Dunkerque et Bergues. Avec l’aide des généraux Jourdan, Hédonville et Vandamme, il parvient, après une lutte acharnée de trois jours (6,7 et 8 septembre), à chasser les ennemis des redoutes du moulin d’Hondschoote.

Le général Souham, qui avait été un instant remplacé par Ferrand, avait repris le commandement de la place. Il aida puissamment Houchard en retenant devant les murs de la ville l’armée de siège. Des renforts nombreux étaient arrivés et la garnison s’élevait alors à près de dix mille hommes. Un souvenir particulier est dû aux braves gardes nationaux d’Hondschoote, qui, chassés de leurs foyers envahis, vinrent avec leur colonel Herrewyn concourir à la défense de notre ville.

Le 6 septembre, Hoche dirigea une sortie vigoureuse du côté de Rosendaël et porta le désordre dans les lignes ennemies. Le 7, il continua ses manœuvres. La journée du 8 devait être décisive. Le duc d’York veut frapper un grand coup ; vers midi, el canon du Rosendaël se met à tonner et la cavalerie anglaise, longeant la plage, tente de pénétrer en ville par la porte de l’Estran. Mais elle est arrêtée par les braves canonniers du capitaine Castagnier et de Pierre l’Hermite, embossée le long des dunes. Les Anglais reculent en désordre. En même temps, une vigoureuse sortie met en fuite l’infanterie anglaise qui s’avançait vers la place.

Dans ces trois glorieuses journées, les alliés perdirent plus de 800 hommes, et parmi eux le colonel du Génie Moncrif.

L’attaque sur Dunkerque avait échoué et les coalisés, vaincus à Hondschoote, fuyaient en désordre. Le duc d’York, qui craignait à tout instant de voir paraître Houchard victorieux et d’être coupé de sa retraite, prit la résolution de lever le siège. Dans la nuit du 8 au 9, l’ennemi, abandonnant son artillerie et ses munitions, se dirigea vers Furnes, sous les ordres des généraux d’Alvinzi et Biéla.

Dunkerque était délivrée !

Quelques jours après, la Convention décréta qu’elle avait bien mérité de la Patrie.

DECRET DE LA CONVENTION NATIONALE
La Convention Nationale, après avoir entendu son Comité de Salut Public sur les journées mémorables qui ont délivré Bergues et Dunkerque des attaques des tyrans coalisés.
Décrète :
ARTICLE 1er – L’armée du Nord a bien mérité de la Patrie
ARTICLE II – Il sera écrit par le Président de la Convention Nationale une lettre de satisfaction aux citoyens de Bergues et de Dunkerque, à l’armée du Nord, aux généraux Jourdan et Collard qui ont été grièvement blessés après avoir contribué à la victoire, au soldat qui, après avoir eu un bras emporté par un boulet de canon, s’est écrié : « j’en ai encore un pour la République », ainsi qu’au volontaire national qui a emporté un drapeau défendu par douze esclaves des tyrans.
ART. III – Les représentants du peuple près les armées sont chargées de recueillir et de transmettre à la Convention Nationale les traits de bravoure et les actions héroïques des défenseurs de la République.

Voici la lettre dont il est question :

« Paris, le 30 septembre 1793.
L’an II de la République Française.
Les représentants du peuple membres du Comité de Salut Public.
Au Procureur de la commune de la ville de Dunkerque.
Nous avons reçu, citoyen, votre lettre du 11 courant et les divers exemplaires de l’attestation donnée par le général Ferrand  à la ville de Dunkerque ; la Convention nationale n’a point attendu cette nouvelle preuve du civisme de vos concitoyens pour leur témoigner sa satisfaction ; par son décret du 17 de ce mois, elle a chargé son Président d’écrire à la ville de Dunkerque pour la féliciter sur le civisme et le courage qu’elle vient de manifester d’une manière si énergique et elle a décrété que cette cité avait bien mérité de la Patrie.

Les membres du Comité de salut Public chargés de la correspondance
Signé : CARNOT, COLLOT-DHERBOIS et BILLAUD-VARENNES »

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