mardi 28 mars 2017

Frédéric Sauvage, inventeur de génie méconnu



Par André BASQUIN, in « Cent grandes figures françaises », librairie Gründ, Paris, 1956, 574 p.pp 313-314

Frédéric Sauvage, né à Boulogne-sur-Mer e, 1786 fut d’abord employé au Génie militaire puis devint constructeur de navires. C’est en cette qualité qu’il inventa l’hélice marine dont il étudia longuement la forme et les proportions. Malheureusement, pillé par d’avides plagiaires, il ne put profiter matériellement de sa découverte.



Alphonse KARR (écrivain français,  1808-1890) racontait ainsi son histoire, il y a juste cent ans : un soir d’été de 1843, on vit entrer dans le port du Havre un magnifique bâtiment s’avançant majestueusement sur les eaux. C’était le Napoléon, c’est-à-dire le premier bateau à vapeur à hélice, la réalisation d’un problème longtemps nié et traité d’absurdité et de folie.
D’après la chronique des journaux du lendemain, le Napoléon, vapeur nouveau modèle, construit au Havre pour le compte de l’Etat par M. Normand, revenait de Cherbourg où il était allé pour éprouver sa marche et ses machines. Il avait fait le trajet en sept heures. « C’était, ajoutaient les journaux » le premier bâtiment auquel est appliqué le « nouveau système » de propulsion consistant en un « vis » ou « hélice » mue par la vapeur et qui, placée à l’arrière et immergée, tourne dans l’eau avec une vitesse incomparable. Il y avait à bord du Napoléon toutes les notabilités scientifiques et maritimes. »
Un homme cependant n’était pas à bord, un homme qui aurait dû compter parmi ces « notabilités » et prendre, le premier, part à cette petite promenade triomphale : c’était Frédéric Sauvage.
Et savez-vous où il se trouvait au moment où l’on prônait – enfin ! – son invention et où on escomptait ses avantages et ses bénéfices ? En prison. Pour une misérable dette contractée justement pour mettre son hélice au point !
Alphonse KARR en fut vivement péiné et alla le voir dans sa prison. Sauvage, seul et isolé du monde, ignorait son triomphe. Il s’était installé dans sa cellule aussi confortablement que possible. On l’avait autorisé à jouer du violon. Avec les cordes qui se cassaient, il faisait toutes sortes de machines ingénieuses. Il trouva aussi, en construisant un bateau avec son couteau, le moyen de réduite presque à rien le poids d’un bâtiment remorqueur.
Bref, M. Normand, le constructeur du Napoléon, fut décoré de la main de Louis-Philippe, et Sauvage – tiré de sa prison par on ne sait qui – se vengea en démontrant que son hélice, altérée par de mauvais copistes, avait été mal appliquée au Napoléon ! On découvrit vite alors les défauts de ce navire et l’on perfectionna ceux qui lui succédèrent d’après le système complet du véritable inventeur.
Il n’en eut même pas la gloire ni les profits ! Son brevet, expiré, était tombé dans le domaine public sans qu’il eût le moyen de le continuer et l’hélice triomphante s’appliquait à toutes les marines de l’Europe, consommant l’œuvre de Watt et de Papin et rapportaient des millions à d’autres, tandis que Frédéric Sauvage mourait fou et inconnu à l’hospice de Picpus, à Paris, en 1857, avec une pension de 2.000 francs… par an !

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