mardi 16 juillet 2013

Après la bataille de Bouvines, le cortège nuptial de Philippe Auguste…

« Qui pourrait dire ni écrire par bouche, ni penser de cœur, ni écrire en tablettes ni en parchemin (les applaudissements, les hymnes triomphaux, les innombrables danses de joie des populations), la très grande fête que tout le peuple faisait au roi, comme il s’en retournait en France après la victoire ? Les clercs chantaient par les églises doux chants et délicieux en louange de notre Seigneur ; les cloches sonnaient à carillon par les abbayes et par les églises ; les moustiers étaient solennellement ornés dedans et dehors de draps de soie ; les rues et les maisons des bonnes villes étaient vêtues et parées de courtines et de riches garnitures ; les voies et les chemins étaient jonchés de rinceaux d’aubier, d’arbres verts et de nouvelles fleurettes ; tout le peuple, haut et bas, hommes, femmes, vieux et jeunes, accouraient à grandes compagnies aux passages et aux carrefours des chemins, les vilains et les moissonneurs s’assemblaient, leurs râteaux et leurs faucilles sur le cou (car c’était au temps qu’on cueillait le blé) pour voir et injurier Ferrand en liens, qu’ils redoutaient un peu avant en armes/ Les vilains, les vieilles et les enfants n’avaient pas honte de le moquer et injurier, et avaient trouvé occasion de le rallier par l’équivoque de son nom, pour ce que le nom est équivoque à homme et à cheval. Il advint d’aventure que deux chevaux de la couleur qui tel nom met à un cheval le portaient en une litière et pour cela criait-on par moquerie que deux ferrants emportaient un tiers ferrant et que Ferrand était enferré, qui devant était si enragé qu’il trépignait et par orgueil s’était contre son seigneur rebellé. Telle joie fit-on au roi, et à Ferrand telle honte, jusques à temps qu’il vint à Paris. Les bourgeois et toute l’université des écoliers, [le clergé et le peuple] allèrent au roi à l’encontre [avec des hymnes et des cantiques] et montrèrent la grande joie de leur cœur par les actions du dehors ; car ils firent fête et solennité sans comparaison ; et il ne leur suffisait pas du jour, mais faisaient aussi grande fête par nit comme par jour à grands luminaires, car la nuit était aussi en lumière que le jour ; ainsi dura cette fête sept jours et sept nuits continuellement. »
  

  
Guillaume le Breton, Gesta Philippi Augusti, ed et trad. G. Duby, Le dimanche de Bouvines, Paris, Gallimard, 1973, pp. 93-94.

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