lundi 11 mai 2020

LA JOURNÉE DU 3 JUILLET 1694


Par Jules Beck, in Bulletin de l’Union Faulconnier, tome II, Dunkerque, 1899, 604 pages, pp 349-351


En 1694, la famine décimait la France; le 27 Mai avait lieu à Paris une procession en l'honneur de Ste Geneviève pour obtenir « la pluie nécessaire à faire profiter les petits grains appelés maïs et autres fruits de la terre qui faute d'ycelle rend la terre si sèche qu'elle est comme stérille », vers le même temps Jean Bart recevait du Roi l'ordre de se rendre à Vleckeren pour y prendre une flotte chargée de blé ; le 28 Juin il quittait Dunkerque après avoir enterré la veille son dernier-né Paul ; le 29 Juin le hardi marin enlevait la flotte aux Hollandais qui s'en étaient emparée et comme conséquence le blé qui valait en France 30 livres le boisseau tombait à 3 livres.
 
Jean Bart, dit Faulconnier, arriva à Dunkerque le 3 Juillet, à 2 heures de l'après-midi. Il fut reçu triomphalement ajoutent d'autres chroniqueurs. 
 
Il est intéressant de se représenter cette scène.
 
Jean Bart, âgé de 44 ans, était capitaine de vaisseau et chevalier de St-Louis. Il débarqua du Maure, frégate de 52 canons, entièrement désemparée à la suite de son abordage avec le vaisseau amiral hollandais et hors d'état de faire de la Voile, remarque Jean Bart dans son rapport. A son bord se trouvait le contre-amiral hollandais Heyde de Vries qui, blessé d'un coup de pistolet dans la poitrine, d'un coup de mousquet dans le bras gauche et de trois coups de sabre dans la tête, mourut quelques jours après son arrivée à Dunkerque. Vingt-sept Français revinrent également blessés de ce glorieux combat. Trente navires chargés de blé entrèrent avec le chef d'escadre à Dunkerque, les autres ayant été dirigés sur le Havre et d'autres ports.
 
Parmi les officiers qui montaient les vaisseaux de l'escadre française, les annalistes nous ont laissé les noms de MM. le vicomte de la Bruyère, de la Tour, de la Sablière, de Ravenel, de St-Pol, de Chamblage, du fils de Jean Bart, le jeune François, âgé de 17 ans, et du beau-frère du héros le sieur Vandermersch. M. Fricambault, lieutenant de l'Adroit avait été tué et M. Gabarit, premier enseigne de cette même frégate, revenait blessé.
 
Le quai était naturellement encombré d'une multitude avide d'acclamer les vainqueurs, d'embrasser leurs parents et leurs amis. Toutefois clans cette foule joyeuse ne devait pas se trouver Jacqueline Tugghe, la seconde femme de Jean Bart, âgée alors de 31 ans, qui, huit jours auparavant, avait mis un fils au monde.
 
Parmi les personnages qui pouvaient assister à cette réception triomphale, il nous est possible de citer: le gouverneur, M. de Medavi ; l'intendant de la Marine, M. Patoulet ; Pierre Faulconnier, grand bailli ; Jacques Omaer, bourgmestre, entouré des échevins en robe de soie noire ; M. de Laborri, major de la place ; M de la Hestroy, lieutenant de l'Amirauté; M. Gervais Desvignes, curé de St-Eloi, bachelier en Sorbonne, ancien professeur de philosophie à Paris et chanoine de Maëstricht ; M. de la Neuville, lieutenant du roi ; M. Demadrys, intendant ; M. de l'Ecosse, gouverneur de la Citadelle ; M. de la Vercautière, commandant de place.
 
Le cadre où se passait la scène de la réception n'était pas tel que nous le voyons de nos jours. Pour se faire l'idée de la Noordpoorte sous Louis XIV, il faudrait voir l'intéressant tableau qu'en a fait dernièrement M. Schelley; les casemates du rempart n'étaient pas surmontées de l'étage que les services du Pilotage vont bientôt abandonner ; le Leughenaer lui-même où des lanternes avaient remplacé en 1645 les pots à feu légendaires, fut reconstruit en 1753, et il était loin alors d'avoir son élévation actuelle, l'étage de l'horloge n'ayant été construit qu'en 1759 pour recevoir les cloches de la tour Gapaert. On sait que cet étage de l'horloge a été lui-même rehaussé vers 1845 par les Ponts-et-Chaussées, lorsque l'Administration du port plaça sur le Leughenaer le feu actuel. Plusieurs tableaux des collections dunkerquoises donnent l'idée exacte du Leughenaer au XVIIe siècle et à ce propos il est regrettable que l'aquarelle de l'amiral Paris représentant la visite de l'Entreprenant par Louis XIV en 1680 ait donné à cette tour l'aspect qu'elle n'a eu que dans ce siècle.

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