In Dr Louis LEMAIRE – « Histoire
de Dunkerque, des origines à 1900 », réimpression de l’édition de 1927,
Westhoek éditions, Dunkerque, 1980, 447 pages, pp 429-432
L’année 1870 avait débuté dans le
calme et dans les fêtes…
Tout semblait aller pour le
mieux. Lors du plébiscite du 9 mai réclamé par le gouvernement, l’acquiescement
avait été unanime en faveur de l’empire libéral.
Vers le 9 juillet cependant, des
bruits de guerre, auxquels personne ne voulait vraiment croire vinrent troubler
la quiétude de la population. Quelques préparatifs furent effectués en hâte par
l’autorité militaire… Les événements se précipitèrent : le 19, la guerre
était déclarée !
Le 21 juillet, le 98e
de Ligne accompagné d’une population en délire chantant le Chœur des Girondins
quittait Dunkerque pour l’armée du Rhin.
Alors arriva le contre-amiral
Moulac, nommé préfet maritime, qui prit la direction de la défense de la côte. La
ville fut mise en état de siège.
On en procéda pas moins aux
élections. Le 7 août, la municipalité Delélis fut réélue. Puis la Garde
nationale sédentaire dut réorganisée, sous le commandement du colonel Nivelle.
Bientôt hélas ! Se
succédèrent les mauvaises nouvelles : Mac Mahon battu à Frœschwiller,
Frossard à Spickeren. Ce fut à cette dernière bataille que le général Doens, né
à Dunkerque le 31 octobre 1810 fut blessé mortellement. Le casino ne ferma ses
portes qu’à l’annonce du désastre de Sedan. Le 4 septembre, Dunkerque apprit la
déchéance de l’Empire.
Jules Delélis, maire de Dunkerque
Le maire Delélis, en présence de
la gravité de la situation, fit appel au concours des habitants de la ville et
la banlieue pour travailler aux fortifications et accumuler des
approvisionnements : l’éventualité d’un siège pouvait en effet être
envisagée. Chacun se mit à la tâche avec une activité fébrile. Le colonel de
Mazug, commandant la place, pour en éclairer les abords, fit abattre comme en
1793, tous les arbres qui garnissaient les glacis, notamment ceux qui
constituaient en ébauche de square à la porte de Rosendaël.
L’avènement de la République
amena un remaniement parmi les autorités. Le maire et ses adjoints qui avaient
été nommés par l’Empereur, démissionnèrent, tout en restant conseillers
municipaux. Il fallut procéder au remplacement du sous-préfet. Malgré la
compétition de Léon Herbart qui prétendait s’accrocher à ce poste, ce fut J.-B.
Trystram qui fit désigné pour l’occuper.
Alors le journal « L’Autorité »,
se rallia au nouveau régime. La place Napoléon changea encore une fois de nom…
Le 9 septembre, Ezéchiel Lebleu,
ancien commandant du Génie, fut nommé maire provisoire. La situation devenait
pénible. Les Parisiens quittaient leurs foyers et se réfugiaient loin de la
capitale menacée. Dunkerque reçut beaucoup de ces fugitifs.
Peu après, toute communication
fut coupée avec la grande ville assiégée : plus de télégrammes ni de
journaux de Paris ! Les nouvelles n’arrivaient que par des voies
détournées, le plus souvent déformées, ce qui augmentait encore l’angoisse qui
étreignait les patriotes dunkerquois.
L’Escadre du Nord parut en rade
et y stationna : on s’attendait à une incursion par la mer mais l’ennemi
ne se présenta pas de ce côté ; aussi ce rôle de surveillance resta-t-il
heureusement inutile. Car la ville n’était guère en état d’opposer une bonne
défense. Malgré les efforts du colonel Nivelle, la Garde nationale, composée de
deux bataillons, mal disciplinée, n’était même pas en état d’assurer le service
de place.
Alors affluèrent les blessés qui
furent soignés avec des moyens de fortune, dus surtout à l’initiative des
particuliers : le service de santé qui était alors sous la coupe de l’Intendance
n’était pas organisait et ne disposait que d’un matériel des plus
rudimentaires. Une épidémie de variole qui entraîna 583 décès sur 1.800 cas observés
dans la seule population civile vint compliquer la situation. Il était trop
tard pour se plaindre de l’imprévoyance coupable dont on était victime, puisque
la vaccination préventive aurait pu empêcher le développement de ce fléau.
Le 27 octobre, Metz capitulait. On
pouvait croire que c’était la fin. Mais il fallait sauver l’honneur. Nombre de
jeunes mobilisés dunkerquois, sachant à peine tenir un fusil, partirent à l’armée
du Nord que commandait Faidherbe. Avec courage, ils luttèrent à Boves,
Villers-Bretonneux, Bapaume et Saint-Quentin. Après l’échec de cette dernière
bataille, les places frontières du Nord se virent directement menacées. On envisagea
encore une fois les mesures nécessaires pour tenter autour de Dunkerque l’inondation
protectrice.
Mais le sol belge avait été
respecté par les belligérants. L’inondation pouvait s’étendre au-delà de la
frontière et ruiner momentanément une partie du pays voisin. Le Gouvernement de
Bruxelles s’en émut. La Chambre des Représentants envisagea la question de
demander la neutralisation de Dunkerque ! Comme conclusion, le Ministre de
Belgique à Paris reçut des instructions en vue de réclamer des indemnités pour
les propriétaires qui seraient victimes de l’inondation.
Pendant ce temps, la Commission
municipale étudiait les moyens de défendre la ville, se ralliait à un projet
présenté par un Dunkerquois, Pyotte-Beyaert, qui, malgré l’opposition
systématique des officiers du génie, avait fini par faire approuver son plan,
et vota 50.000 francs pour élever un fort à Saint-Pol-sur-Mer.
Il était trop tard pour commencer
l’exécution de ce travail.
Le 29 janvier 1871, en effet, on
apprenait qu’un armistice de 21 jours avait été signé avec Bismarck. Il fallait
avant tout ravitailler Paris affamé.
Les quais de la gare, débarrassés
de tous les impedimenta, furent bientôt encombrés d’approvisionnements de tout
nature destinés à la capitale. Ceux du port, eux aussi, regorgeaient de
marchandises que des caboteurs transportaient à Dieppe. Tous les bâtiments disponibles
étaient réquisitionnés dans ce but. Une activité prodigieuse fut déployée.
Une catastrophe vint à ce moment
ajouter de nouvelles tristesses à celles qui accablaient la courageuse
population : le 7 février une cartoucherie installée dans le bâtiment de l’ancien
casino fit explosion. On compta au moins 29 victimes auxquelles la municipalité
fit faire de très dignes funérailles.
le monument de l'explosion du 7 février 1871 au cimetière de Dunkerque-centre
Faidherbe avait donné le conseil
d’envoyer le 22e Corps d’armée, par mer à Cherbourg. Dunkerque fut
choisie comme lieu d’embarquement. C’était une très grosse entreprise qui
allait aux derniers jours de la guerre assigner à son port un rôle d’une
importance capitale : du 18 février au 4 mars, il y fut embarqué 20.249
hommes, 1.784 chevaux, 60 canons, 226 fourgons sur des frégates de l’Etat, et
quatre transatlantiques envoyés de Saint-Nazaire. Le port était encombré. Plus que
jamais on comprit la nécessité impérieuse de le doter de nouveaux bassins et de
docks pour abriter les marchandises.
Alors que Paris, victime de la
guerre civile, se voyait de nouveau séparé du reste de la France, la vie
reprenait normale à Dunkerque. Les mobiles étaient congédiés. La Garde Nationale
ne devait toutefois être licenciée définitivement que le 25 août.
La guerre était finie. La France sortait
de la lutte, épuisée, diminuée, meurtrie. Elle ne pouvait se régénérer que par
le travail. Les Dunkerquois par leurs efforts soutenus, fournirent à la Nation
un magnifique outil qui contribua dans les dernières années du siècle à son
relèvement économique.
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