In Maréchal Foch - Mémoires pour servir à l'histoire de la
guerre de 1914-1918 - 2 volumes, tome I, librairie Plon, Paris, 1931
La conférence se tient
en pleine mêlée des Flandres, alors que les Allemands concentrent leurs efforts
sur Ypres...
"La journée du 1er novembre a été particulièrement dure
et cela ne sera pas la dernière de cette rigueur. L’ennemi a tout fait pour la
rendre décisive. Le commandement a monté au plus haut le moral des troupes. Le
duc de Wurtemberg, commandant la IVe Armée, le prince Ruprecht de Bavière,
commandant la VIe, le général Von Deimling, commandant le VIe Corps, leur ont
adressé des ordres significatifs. "La percée sur Ypres sera d'une
importance décisive..."
Elles ont donné sans compter. Le Kaiser devait entrer ce
jour-là à Ypres. Dans la matinée, il était venu de Tielt à Menin. Il devait
être à 15heures à Gheluwe.
La résistance des troupes alliées avait une fois de plus ruiné
les espoirs de l'ennemi.
Entre temps, j'avais été convoqué à Dunkerque, pour recevoir
à 16 heures le président de la République et un certain nombre de personnalités
politiques. On arrivait de Paris, croyant la bataille beaucoup plus avancée et
la victoire acquise; nous en étions encore loin. Retenu par les événements de
la bataille, je ne pus m'y trouver que vers 18 h 30; mon chef d'état-major, le
colonel Weygand m'y avait précédé dès 16 heures pour expliquer mon retard. Avec
le président se trouvaient M. Millerand, ministre de la Guerre, le général
Joffre, M. Ribot, ministre des Finances, lord Kitchener, ministre de la Guerre
britannique, et M. Paul Cambon, ambassadeur à Londres. Ces deux derniers
venaient de traverser la Manche. Le contrecoup de nos secousses des derniers
jours s'était déjà fait sentir en Angleterre. Lord Kitchener en particulier
était très inquiet et m'aborda en disant : "Eh bien ! Nous sommes
battus". Je lui répondis que nous ne l'étions pas et que j'espérais bien
que nous ne le serions pas. Je contais dans le détail les événements des trois
dernières journées en particulier, qui avaient infligé des pertes sérieuses aux
armées alliées, et comme je concluais que nous demandions au ministre de la
Guerre britannique de nous envoyer le plus tôt des renforts, lord Kitchener, en
ce 1er novembre 1914, alors que les jours nous paraissaient longs comme des
mois, me répondit : " Le 1er juillet 1915, vous aurez en France un million
de soldats anglais instruits. Avant cette date, vous n'aurez rien ou à peu
près." Dans un ensemble parfait, nous reprenions : "Nous ne demandons
pas tant, mais nous le voudrions plus tôt et de suite," et lui de répondre
: "Avant cette date, ne comptez sur rien". Il nous restait donc à
passer encore, sans plus d'aide, bien des heures difficiles.
Néanmoins, dans sa conversation, j'avais été frappé de sa
juste vision de la guerre, à laquelle il prévoyait une longue durée. C'est dans
cet esprit d'ailleurs que ce puissant organisateur avait, dès le mois de
septembre, au lendemain de la Marne, entrepris dans l'empire britannique la
formation de considérables armées.
Après avoir terminé mon compte-rendu sur le présent et fixé
mes idées sur les renforts à recevoir, je prenais promptement congé du
président de la République et de son entourage, pour rentrer à mon
quartier-général de Cassel connaître les résultats définitifs de la journée et
arrêter les décisions à prendre pour le lendemain."
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