mardi 3 mars 2020

Guynemer, de l'aviation à la cavalerie

Le char B1Bis, terreur des Allemands pendant la campagne de France, n'existait pas en nombre suffisant pour peser réellement dans la campagne de France, a plus forte raison dans une stratégie qui privilégie des chars plus legers, néanmoins, il n'a pas démérité... quant au char 439, il fit honneur à son célèbre patronyme... 

Livré au 37e BCC 3e compagnie par le PEB 101 de Mourmelon le 2 mai 1940, il passe à la 2e compagnie le lendemain.

 

Engagé à Flavion (Belgique) le 15 mai 1940, le GUYNEMER combat toute la matinée et détruit trois Panzer IV et un Panzer III mais dans l'après-midi, endommagé par plus de cinquante impacts et à court de carburant, son équipage est dans l'obligation de l'abandonner après l'avoir sabordé...

le Guynemer (D.R.)

Récit du Lieutenant Louis Bounaix :
 
"En Avant, ordonne l'ADOUR, le char du capitaine. Nous repartons, toujours axés nord-sud ; nous franchissons la première crête, descendons vers le premier thalweg au fond duquel court le chemin creux que nous avons emprunté ce matin pour aller du bois de Biert-l'Abbé à la chapelle du même nom et nous remontons. Le GARD est à ma droite, légèrement en retrait. Le capitaine Gilbert est à droite du GARD. Je suis à sa hauteur et vois très mal autres chars de la compagnie.
 
J'inspecte le terrain et aperçois un char B immobile. J'en suis presque ennuyé : je me dis en effet que le 28e BCC tient cette crête, que la première phase du combat est déjà terminée et que nous, chars du deuxième échelon, nous n'aurons rien à faire. J'arrive à la corne sud-ouest du bois de Biert-l'Abbé, traverse le vallon qui ride le plateau en son milieu et en me retournant j'aperçois à la lisière sud du bois que je viens de dépasser quelques chars B embossés : L'échelon de protection du 28e BCC, pensais-je.
 
A ce moment un coup dans le blindage, côté gauche. Je regarde vers la route ; une lueur rouge s'allume à 800 mètres environ, au ras d'une haie. Nouveau coup dans le blindage : j'hésite à repartir car je crois à l'erreur d'un ami ; je m'obstine à croire que les boches ne peuvent être là encore. Le caporal Le Bris, l'aide-pilote, annonce "boulons de blindage sautés, côté gauche". J'oriente alors ma tourelle vers la lueur entre-aperçue et j'expédie quatre ou cinq obus explosifs de 47mm. La lueur se rallume toujours ; je cherche la hausse et demande à Millard des obus de rupture : deux projectiles et la lueur ne se rallume plus.
 
Je poursuis ma route et accélère pour rattraper l'ADOUR et le GARD qui n'ont pas ralenti. Après quelques cent mètres nouvel accrochage par une lueur rouge à ma gauche : on tire au 75 cette fois ; sous les explosifs la lueur rouge s'éteint. Je reprends ma progression et arrive aux bois qui garnissent la deuxième crête au rebord du plateau : des languettes de bois qui déterminent de véritables couloirs de feu et les coups sonnent sur le blindage côté gauche. Je n'identifie d'abord pas l'adversaire, et je cherche au sud-est, ayant orienté mon char vers l'est. Le pilote crie : "un char en lisière devant nous ! " C'est bien un boche, un PzKfw IV. Joie forte où se mêle un peu d'anxiété comme lorsque le chasseur découvre un gibier, mais un gibier redoutable.
 
Je règle le tir du 75 : "hausse 450" -court !- "Hausse 500" -court !- "Hausse 550" ... j'ai encore dans les oreilles le cri du pilote "je l'ai eu !" Deux ou trois hommes ont sauté du char boche et roulé dans les taillis voisins dès que nous avons vu une énorme lueur rougeâtre à l'avant de l'appareil ennemi... Je m'aperçois maintenant que tout notre flanc gauche est garni de gros chars allemands : je vois plus ou moins bien car ils sont camouflés, embossés, immobiles ; mais des flammes rouges s'allument et ça cogne. Le mot grêle est bien faible pour traduire le bruit fait sur la tourelle par tous ces projectiles. Je reçois au bas de la porte latérale un coup qui la démantèle et l'ouvre à demi. Millard plonge, la rattrape et la maintient durant le reste du combat.
 
Je me déplace légèrement et, à une corne de bois, j'aperçois le GARD, tourelle ouverte : dans l'embrasure de la porte je distingue le radio, sergent-chef Waslet, pistolet au poing. Que s'est-il passé ? Seules les hypothèses sont permises. La porte mal verrouillée, aura peut-être été enfoncée, le chef de char, lieutenant Lelong est blessé, Est-ce la vérité ?
 
Je cherche autour de moi et je n'aperçois que l'OURCQ et l'ISÈRE, c'est à dire toute la 1ère section. Ils font merveille, se démènent, tirent. Ils se placent à mes côtés et nous formons section. Les coups augmentent d'intensité sur ma droite : un tour de ce côté là et j'aperçois à ce moment le char du 28e BCC qui "tenait" la crête : c'est un char cadavre. J'ai été leurré par cette carcasse. Les lisières sur notre flanc droit sont garnies de chars boches ; ils sont alignés comme à la parade et tirent. Cependant leurs coups sonnent moins fort et ils n'acceptent guère le combat, rentrant sous bois dès qu'on les prend à partie. Ce doit être des PzKfw III : j'ai la consolation d'en démolir un.
 
Ma chenille droite grogne d'inquiétante façon et mon 47 a trop tiré ; l'huile dilatée du frein me donne des ennuis de fermeture de culasse. 
 
Seul le 47 de l’OURCQ parle encore. Ma radio ordonne “Ralliement !" L’OURCQ et l’ISERE obéissent en empruntant un chemin creux, je les suis et j’aperçois au passage l’HERAULT qui flambe. Arrivés à la base de départ, les trois appareils sont à bout de souffle. Le moteur de l’OURCQ, avarié, s’arrête définitivement. La chenille droite de GUYNEMER casse. L’lSERE subit le même accident, quelque cent mètres plus loin. En sortant, je fais le tour de GUYNEMER... Toutes les superstructures de l’appareil sont arrachées ; un des gardes-boue a disparu, l’autre est vertical. Les chaînes de dépannage sont brisées, les tôles sont labourées, entaillées, beaucoup de boulons cisaillés. Plus de cinquante points d’impact dans la carcasse ! Mais sur la face avant, miraculeusement intact, le fanion du Sacré-Coeur flotte toujours. Je l’arrache.”

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