Le croiseur Dunkerque, frère jumeau du Strasbourg, était
moins rapide mais mieux protégé qu’un croiseur de bataille classique. Lancé en
1935, ce géant des mers fut l’un des derniers navires de ligne de la Marine
Nationale.
Répondre aux nouvelles menaces
En 1933, face à la montée en puissance de la Kriegsmarine,
les Français répondent par la construction de nouveaux croiseurs de bataille.
La guerre a finalement peu changé depuis le siècle de Louis XIV : les
navires s’affrontent en tirant de puissantes bordées, aidés désormais par
l’aviation. Le IIIe Reich a de son côté lancé les cuirassés de poche de type
« Admiral Graf Spee », puis mis à la mer les puissants croiseurs de
bataille « Gneisenau » et « Scharnhorst ». La maîtrise des
mers est essentielle pour qui ne veut pas subir de blocus qui asphyxierait
l’économie et le priverait de ses ressources lointaines. Le Dunkerque, comme le
Strasbourg, déplacent 26.500 tonnes et l’artillerie principale se compose de deux
tourelles quadruples de 330 mm, un calibre puissant aux effets dévastateurs…
Ils seront suivis des Richelieu et Jean Bart, forts de leurs deux tourelles
quadruples de 380 mm. L’heure est encore au gigantisme, aux efforts financiers
extraordinaires que l’Europe ne pourra bientôt plus consentir.
Le Dunkerque est mis sur cale le 24 décembre 1932 à Brest,
dans la forme du Salou. Il est lancé le 2 octobre 1935 et entre au service
actif deux ans plus tard où il devient le navire-amiral de la flotte de
l’Atlantique. C’est un navire flambant neuf qui participe en mai 1937 à la
revue navale anglaise de Portsmouth pour célébrer le couronnement du roi
Georges VI. Quelques jours plus tard, le public découvre sa masse
impressionnante lors d’une revue navale au large de l’île de Sein.
Et la guerre éclata
1939, alors que l’armée française attend vainement les
Allemands dans les casemates de la Ligne Maginot, les marins du Dunkerque
chassent les corsaires allemands dans l’Atlantique, naviguant de conserve avec
les navires anglais. Il faut avancer entre Ecosse et Irlande dans une mer déchaînée.
Vient avril 1940, ordre lui est donné de rejoindre la Méditerranée, direction
Mers-El-Kebir, en Algérie, où la flotte attend l’entrée en guerre de l’Italie.
Le Dunkerque, fer de lance de la force française, arbore le pavillon de
l’Amiral Gensoul. L’armistice de juin 1940 le surprend au mouillage où il
attend d’être désarmé. Le 3 juillet, les forces britanniques attaquent la base.
Le Dunkerque encaisse quatre obus de 380 mm. Deux de ces projectiles dévastent
la salle des machines. Blessé, le géant s’échoue. Le 6 juillet, les Anglais
remettent le couvert, le jugeant insuffisamment touché : les biplans
Swordfish du porte-avions Ark Royal lui jettent des torpilles. Pis encore, le
patrouilleur Terre-Neuve qui y débarque ses munitions explose. L'arrière du
patrouilleur est entièrement détruit et une
brèche importante est béante dans la coque du Dunkerque.
Le bordé intérieur déformé
sur une quarantaine de mètres, plusieurs plaques de cuirasse sont déplacées, le
pont blindé déformé,
la cloison pare-torpilles déchirée. Le cuirassé rempli d'eau jusqu'à la
flottaison est entièrement échoué. En deux attaques, 9 officiers et 209 marins
du Dunkerque sont tués. Le Régime de Vichy exploitera l’affaire de
Mers-El-Kebir durant toute la guerre. Après des réparations sommaires, il est
rapatrié à Toulon en février 1942 pour être placé en cale sèche en vue de
réparations et de modernisation…
Funeste 27 novembre 1942
Au matin du vendredi 27 novembre 1942, les Allemands
enfoncent la ligne de démarcation. C’est la fin de la zone libre. A Toulon,
pour ne pas laisser les navires entre les mains ennemies, la flotte est
sabordée. Près de 90 navires sont sabotés. Le Dunkerque est jugé irrécupérable
et l’occupant entame sa démolition. Son martyre pourtant ne s’arrête pas là, ce
qui reste de la fierté de la Royale est touché par les raids aériens américains.
L’épave est renflouée en 1945 et mouille dans la rade toulonnaise en attendant
sa démolition définitive qui survient en 1958… De toute façon, l’époque n’est
déjà plus aux navires gigantesques, hormis bien sûr les porte-avions.
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