Pour qui prend l'autoroute de Dunkerque à Lille, le haut massif boisé qui fait face à l'église d'Englos de l'autre coté de l'autoroute n'évoque rien, pour celui qui a fait ses classes au 43e RI de Lille, c'est une autre histoire... et bien peu de gens conçoivent que sous les hautes frondaisons, un fort de briques du XIXe s s'y cache..;
Le Fort d’Englos, à Ennetières-en-Weppes, dénommé Fort
Pierquin, est un des éléments de la défense de Lille mise sur pied dans le
cadre des rideaux défensifs de Séré de Rivières. Construit en 1879, il n’a
pourtant jamais été utilisé dans ce cadre.
Après la guerre de 1870, désastreuse pour la France, Séré de
Rivières conçoit un en semble de fortifications détachées des enceintes
urbaines devant empêcher l’approche immédiate des villes, établir des rideaux
défensifs tout au long de la frontière de l’est et du Nord, s’appuyer sur les
forêts « impénétrables » des Vosges et diriger les troupes ennemies
(donc allemandes) vers les plaines du bassin parisien où l’infanterie est
censée les tailler en pièces…
A Lille, le plan initial prévoit six forts : Englos, au Vert
Galand à Verlinghem, à Bondues, à Mons, à Sainghin et à Seclin, plus les deux
batteries de Prémesques et Lezennes. Construits entre 1875 et 1885. A partir de
1890, ils sont complétés par quatorze fortins ou ouvrages intermédiaires armés
de quelques canons, réduisant les écarts entre les forts pour leur éviter
d’être contournés. Un quinzième fortin était envisagé au vert Ballot près
d’Englos mais il ne sera jamais construit. Malheureusement les ouvrages se
révèlent vite obsolètes, à peine les constructions terminées, en raison du
budget trop faible qui est alloué, des progrès de l’artillerie (obus ogivaux,
charges de mélinite et de fulmi-coton) qui auraient obligé à poser des
cuirassements. De fait, Lille fut déclarée « ville ouverte » en 1914,
déclassée et ne garda au moment de l’arrivée des Allemands en octobre que 2.794
soldats.
Le terrain choisi à Englos est un point haut culminant à 50
mètres au-dessus du niveau de la mer, soit une trentaine de mètres au-dessus
des plaines de la Lys et de la Deûle, sur le talus des Weppes. D’une superficie
de 10 ha 51 a 57 ca, l’étude est entamée en juillet et août 1878 et les terrain
acquis à la fin de l’année. Les travaux commencent dès janvier 1879. Pourtant,
dès le printemps 1878 avait commencé l’installation des baraquements pour loger
la troupe ainsi que la matérialisation de l’implantation du fort à l’aide de
piquets de bois. Au village, des affiches faisaient appel aux ouvriers pour le
terrassement, offrant des salaires de 50 centimes de l’heure (environ 1,5
euros) pour tous les hommes porteurs d’une pelle ou d’une bèche. L’offre est
alléchante car dans les fermes, les salaires étaient alors de 1 franc par jour
pour des journées allant du lever au coucher du soleil, et que les usines, en
plein développement, offraient 2 France 50 à 3 francs par journée de travail,
provoquant une fuite des effectifs vers le chantier du fort, un phénomène
comparable sur les autres chantiers.
Au fort, l’on commença par tirer de l’argile des champs
Delangre, et l’on cuisit des briques pendant quatre ans. Les travaux entamés en
1878 furent terminés en 1884. Si les salaires sont attractifs malgré des
conditions de travail difficiles (les outils sont rudimentaires et rien n’est
mécanisé), le chantier ne connait qu’une grève en novembre 1880, avec pour
revendication une journée de 9 heures au lieu de 10 sans perte de salaire. Sans
protection sociale ni syndicale, trois des principaux meneurs furent arrêtés
quelques jours plus tard et traduits en correctionnelle, permettant la reprise
du chantier.
En 1887, le fort est officiellement baptisé du nom de
Pierquin, un général de brigade mortellement blessé à la bataille de Lannoy le
18 mais 1794. Déjà dépassé, déjà obsolète, il ne fut pourtant jamais armé.
Les terrains et constructions environnantes furent grevés de
zones de servitude en trois parties successives reprenant la forme octogonale
du fort. En cas de conflit, le commandement avait toute latitude de décider la
destruction des maisons de tout ou partie des zones pour faciliter la défense
du fort avec un dédommagement des propriétaires sur la base des valeurs
déclarées, incluant l’église d’Englos.
Durant la guerre de 1914-1918, le fort occupe cependant une
position stratégique. C’est à sa proximité que les troupes allemandes passent
la Lys en venant du nord-est et font leur jonction avec les troupes venant du
sud par Wavrin. Elles encerclent Lille le 10 octobre 1914. A cette occasion, il
y eut des combats de cavaliers et de hussards français contre des dragons
allemands aux abords immédiats d’Ennetières et du fort. La contre-attaque
franco-anglaise qui suit fixe la ligne de front à l’est d’Armentières d’octobre
1914 à avril 1918.
Sis à proximité du front, le fort sert alors d’observatoire
et de point d’appui arrière à la ligne de tranchées courant dans la zone basse
des abords d’Armentières et le long de la rivière des Layes. De fait, il est
dans l’espace allemand interdit aux civils et cerné de barbelés. Emergeant de
15 à 20 mètres au-dessus des terrains environnants, il a une vue dégagée sur
tout son pourtour, à 4 km des tranchées britanniques. Les Allemands en profitèrent
donc pour l’équiper de mitrailleuses et fait l’objet de tirs anglais, notamment
d’un train blindé équipé d’un canon de 420 tirant des obus de 600 à 900 kg qui
circulait sur les voies ferrées armentiéroises. En même temps, les autres
points hauts tels les moulins voisins, l’église d’Ennetières et le cloche
d’Englos furent abattus.
En mai 1940 commence la compagne de France. Le fort n’a pas
été réarmé mais un régiment de défense aérienne, le 406e, prend
position dès le mois d’août 1939 en divers points de la métropole lilloise. Une
batterie de DCA s’installe donc au fort d’Englos. Le 20 mai des artilleurs sont
envoyés au fort d’Englos au lieu de se rabattre sur la somme et sont obligés de
remonter les tubes des canons qui avaient été déposés. Le 24 mai, une compagnie
d’un régiment territorial se replie au fort après avoir quitté le secteur de Seclin-Wavrin.
Très rapidement, le fort subit un violent bombardement d’artillerie,
interdisant aux hommes de sortir. Ce n’est que le soir, profitant d’une
accalmie, que les territoriaux purent quitter le fort pour rejoindre Dunkerque.
Le 25 mai, bombardements et tirs sont incessants, sans faire de tués ni de
blessés au fort, au soir le bataillon quitte lui aussi les lieux en direction
de la côte. Dans les jours qui suivent, la division de chars de Rommel encercle
Lille, Loos et Haubourdin, où après une âpre lutte, les Français finissent par
se rendre.
Durant l’occupation, les Allemands occupent le fort et en
font un dépôt d’essence. En 1941, ils y installent leur intendance, protégée
par un réseau de barbelés. Selon les anciens d’Englos, ils y employèrent près
de 1.000 civils à des taches administratives.
L’occupation y est sans action notable jusqu’au 9 aout 1944
quand un bombardement allié massif est mené par 300 bombardiers qui visent le
fort. Durant une vingtaine de minutes, ils déversent 2.500 bombes, occasionnant
d’ailleurs de nombreux dégâts aux alentours ainsi que de nombreuses victimes.
Dans les premiers jours de septembre 1944, le désordre commence à s’installer
chez les Allemands et des soldats coupés de leurs unités se retranchent dans
les environs du fort. Un groupe de jeunes résistants occupaient le fort depuis
le début de septembre. Ils sont attaqués par les Allemands le 3 septembre, au
canon et à la mitrailleuse mais ils restent maitres des lieux.
Après-guerre, le fort reste domaine militaire. Survient
l’épisode des armes de l’OAS, créée contre l’indépendance algérienne acceptée
par de Gaulle en février 1961, cette organisation provoque émeutes et
attentats. Dans la nuit du dimanche 14 décembre 1961, comme cela se produit
régulièrement, une section du 43e RI de Lille est en exercice dans
les alentours du fort et se dirige vers ce dernier. Elle est dirigée par un le
lieutenant Bernard, partisan de l’Algérie française, rallié au général Challe
et muté en métropole. Avant de poursuivre l’exercice, il envoie tôt le matin
ses hommes au café le plus proche ouvert alors et distant de deux kilomètres.
Les armes sont alors déposées en faisceau près du fort et confiées à la garde
d’une sentinelle et du lieutenant qui reste sur place. Il simule un exercice de
vol d’armes et fait accepter à la sentinelle de le ligoter. Il le maitrise par
surprise puis deux voitures arrivent et embarquent les armes : une
vingtaine de pistolets-mitrailleurs, fusils un bazooka et un lance-roquettes
disparaissent avec le lieutenant qui passe en Afrique du Nord aux côtés du
général Salan.
Le fort est resté domaine militaire jusqu’en 1966, bien
qu’utilisé régulièrement par la suite pour des exercices du 43e RI
de Lille. Déclassé par l’autorité militaire le 23 aout 1962, il a finalement
été revendu et racheté par la commune d’Ennetières en 1996. Aujourd’hui les
drèves pavées qui y donnent accès sont closes et pour y accéder, il faut passer
à travers champs. Toutefois, L'association « Les amis du fort Pierquin » est
fondée le 26 septembre 2002, se charge de quelques visites
j'ai vécu le bombardement du fort d'Anglos je suis né a ANGLOS le 17janvier 1937
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