mercredi 23 octobre 2019

Verhuell, de la marine batave à l’amirauté française


A deux pas du Lycée Jean Bart, rue de l’Est, une ancienne caserne abrite des appartements depuis 1988. Edifiée en 1744, elle porte alors le nom de « caserne des Dragons ». Elle abritait alors une unité de cavalerie. Rapidement, à cause de la proximité d’un théâtre, elle prend le nom de « caserne de la Comédie » pour finalement être baptisée « caserne Verhuell » à partir de 1867. En 1926, la cavalerie cède la place à un magasin de l’Intendance de Terre. La bâtisse est alors restaurée mais un incendie la ravage en 1940. Qu’importe, réquisitionnée par les Allemands, elle devient une annexe des boucheries et boulangerie puis, en 1945, est transformée en annexe des Services de l’Intendance de Lille… Pendant des années, les passants pouvaient encore discerner la trace d’une grande aigle allemande sur le mur de la caserne vide que les travaux des années 80 ont fait disparaître.


Verhuell ?
 
Charles Henri Verhuell est né en 1764 aux Pays-Bas. Cadet dans un régiment d’infanterie hollandais en 1775, il demande à 11 ans à être au service de mer et devient Garde de la Marine l’année suivante. En 1780, il reçoit le baptême du feu sur la frégate Argo contre des navires britanniques. Au début de 1781, breveté sous-lieutenant de marine, il participe à la bataille du Dogger Bank, toujours sur l’Argo. A l’issue du combat, mis à part le capitaine, Verhuell est le seul officier survivant sur une frégate hors d’usage ! 
 
Blessé par l’explosion d’une gargousse, il est récompensé par le grade de lieutenant de vaisseau. Il effectue ensuite une campagne au Nord de l’Angleterre durant laquelle il remplace ses officiers malades. De 1782 à 1785, il croise en Méditerranée et dans les mers du Nord sur un vaisseau de ligne. On le sait intrépide : à la fin de la croisière, avec 80 hommes, il reprend un navire dont l’équipage s’est mutiné ! Promu major, il croise jusqu’en 1789 sur les mers qui bordent l’Europe. En 1791, il continue de naviguer comme capitaine de frégate et reçoit enfin son premier commandement officiel à bord d’une corvette destinée aux Indes Occidentales. Très vite, il est fait capitaine de Vaisseau mais lors du renversement du Stathoudérat en l’an III , il démissionne avec la presque totalité des officiers de marine et entre à la Compagnie Néerlandaise des indes Orientales. Le gouvernement batave le rappelle en l’an XI avec le grade de Contre-amiral pour l’envoyer à Paris coordonner les flottes française et hollandaise.

 
Aux ordres de l’Empereur
 
Alors que Napoléon Ier prépare l’invasion de l’Angleterre, il arme une flotte à Flessingue pour amener les troupes de Davout. Il divise sa flotte en trois divisions qu’il mène successivement à Ostende et affronte à chaque fois le blocus anglais. Promu Vice-amiral et officier de la Légion d’Honneur, il devient ministre de la Marine hollandaise mais refuse de prendre son poste tant qu’il n’a pas conduit sa flottille à Calais pour rejoindre les navires français. Francophile convaincu, il accompagne la délégation venue proposer la couronne de Hollande à Louis Bonaparte qui, une fois roi, le nomme maréchal et ambassadeur à Paris.
 
En 1809, alors qu’il commande les forces hollandaises qui repoussent la tentative anglaise d’invasion de la presqu’ile de Walcheren, il protège vaillamment sa patrie ! Louis Napoléon le créé comte de Sevenaer. En 1810, alors que l’Empire annexe les Pays-Bas, il devient vice-amiral dans la marine française, en charge des mers du Nord et de la Baltique et développe plusieurs chantiers de construction navale : l’Empereur l’élève au rang de Comte de l’Empire en 1811. L’année suivante, il prend le commandement de l’armée navale du Helder et du Texel… Fin 1813, lors de l’invasion de la Hollande, il fait rentrer ses navires à Neuste-Diep, débarque ses hommes et laisse les bateaux à la garde de leurs officiers pour éviter que ne se reproduise la catastrophe du Texel de 1794. Avec les troupes françaises, il se retranche dans deux forts qui protègent la flotte et s’y maintient tout l’hiver 1813-1814 pour ne se rendre qu’à l’abdication de l’Empereur. Il rejoint alors Paris. 
 
Louis XVIII le maintient non seulement dans ses grade et titres mais en plus lui accorde la naturalisation. Il ne prend pas part aux Cent-jours mais il apprend plus tard que l’Empereur aurait souhaité qu’il prenne le commandement des deux frégates qui devaient l’emmener aux Etats-Unis malgré le blocus anglais… Le gouvernement provisoire fait avorter le projet en incendiant les navires dans le port de Rochefort. Cela n’empêche nullement le roi de le nommer l’un des quatre grands inspecteurs de la Marine… Admis à la retraite en 1816, il est fait Pair de France trois ans plus tard. Il se consacre à la Franc-maçonnerie dont il devient vite un dignitaire et milite pour l’abolition de l’esclavage. Mort en 1845, ne restent de lui qu’un tombeau au Père Lachaise, un nom sur l’Arc de Triomphe et une caserne à Dunkerque…

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