mercredi 16 octobre 2019

Un cas d’amnésie municipale : l’adoption de la commune de Saint-Pol-sur-Mer par la Guadeloupe


En consultant le registre des délibérations de la commune de Saint-Pol-sur-Mer (59 430)
Côte DI 13 (23 décembre 1937 – 6 septembre 1946), l’on s’aperçoit que la municipalité de Saint-Pol-sur-Mer, dans la proche banlieue de Dunkerque, a bénéficié d’aides substantielles lors de la période difficile de l’occupation. La ville a subi de plein fouet le choc de l’invasion, les dégâts liés à l’opération Dynamo sont importants car la ville voit ses infrastructures industrielles mises à mal par les bombardements, qu’il s’agisse des tissages de jute du comptoir linier, ou la destruction presque totale des dépôts de pétrole. Non seulement la ville est occupée mais le travail manque puisque le port est sous administration allemande mais en plus impraticable en raison des nombreuses épaves qui encombrent bassins et écluses. 
 
Le 12 décembre 1940 est promulguée au Journal officiel la loi du 16 novembre « portant réorganisation des corps municipaux ». Dans les communes de plus de 2 000 habitants, le Conseil municipal, le maire et les adjoints n’étaient plus élus mais nommés. Le maire, qui n’est plus obligatoirement choisi parmi les conseillers municipaux, et les adjoints sont nommés par le ministre, secrétaire d’État à l’Intérieur, dans les communes de plus de 10 000 habitants ; par le préfet dans les communes de 2001 à 10 000 habitants (articles 4 et 6). Les membres du Conseil municipal sont nommés par le ministre, secrétaire d’État à l’Intérieur, dans les communes de plus de 50 000 habitants, sur une liste de présentation établie par le préfet, après avis du maire nommé, liste comportant un nombre de candidats double du nombre de sièges à pourvoir ; dans les communes de 2001 à 50 000 habitants, par le préfet, sur une liste de présentation établie dans les mêmes conditions par le maire nommé. Autant dire que la commune de Saint-Pol-sur-Mer, traditionnellement marquée à gauche, Parti communiste et SFIO, est désormais dirigée par des personnes censées être plus favorables au régime. Mais quelle est réellement leur marge de manœuvre dans un territoire occupé mais qui plus est, déclaré zone interdite, rattachée au commandement allemand établi au palais de Palais de Laeken et où l’autorité française est somme toute relative.
 
A cela s’ajoute le poids de l’occupation en France, pays vaincu mis en coupe réglée et économiquement pillée. La presque totalité de la production agricole et industrielle est envoyée en Allemagne et les échanges extérieurs réduits au strict minimum, le peu qu’il en reste ne pouvant profiter à une région maritime dévastée. Les bombardements alliés réguliers n’arrangent d’évidence rien. 
 
Devant faire appel à la solidarité nationale, les saint-polois se retrouvent avec une « marraine » bien plus pauvre qu’elle.


des villes-marraines désignées volontaires

A l’origine, la ville marraine de Saint-Pol devait être la ville d’Évian, devant être une nouvelle source de revenus, (petite facétie de l’histoire, une ville d’eau subventionnait alors la ville de l’agglomération dunkerquoise qui comptait le plus de bistros, comme un hommage de la vertu au vice). Pourtant et contrairement à la Guadeloupe, Évian ne peut devenir ville marraine « pour des raisons financières », ce qu’apprend le conseil municipal à la séance du 27 septembre 1942 mais promet un don de 40.000 francs provenant des recettes de fêtes, qui est actée au conseil municipal du 29 novembre suivant où la répartition des sommes est décidée sur proposition du maire : Il propose de prélever sur cette subvention les sommes à accorder aux œuvres ci-après :
 
- 2.000 frs à l’ouvroir « Saint-Benoît »
- 2.000 frs à l’ouvroir « N-D de Lourdes »
- 2.000 frs à l’ouvroir de la cité des Cheminots
Le conseil municipal, après avoir entendu l’exposé de M. le Maire, décide d’accorder à MM. Les directeurs des ouvroirs précités les mêmes sommes que propose M. le maire, savoir
-          à M. L’abbé Samsoen, directeur de l’ouvroir Saint-Benoît 2.000 frs
-          à M. l’abbé Mouton, directeur de l’ouvroir N-D de Lourdes 2.000 frs
-          à M. l’abbé Pels, directeur de l’ouvroir Cité des Cheminots 1.000 frs


« 29 novembre 1942  adoption de la ville de Saint-Pol-sur-Mer
Le chef du Gouvernement nous fait parvenir par l’intermédiaire de M. le Préfet du Nord et de M. le Sous-Préfet de Dunkerque une lettre nous informant que la ville de la Guadeloupe des Antilles Françaises était proposée pour adopter notre commune. Des remerciements ont été adressés au Chef du Gouvernement en signalant toutefois qu’il aurait été plus favorable d’être adoptée par une ville de la Métropole comme l’ont été nos villes et communes et villes environnantes. »

Force est de constater que la proposition n’émane même pas de la Guadeloupe elle-même. Elle a été proposée. Or la situation de la Guadeloupe n’est guère reluisante. L’ile, sous statut colonial, est très éloignée de la métropole, sous la botte d’un gouverneur nommé part Vichy on ne peut plus autoritaire. L’insularité et la pauvreté ne facilitent pas la tache des Guadeloupéens qui en sont réduits à vivre d’expédients. Subissant un blocus sévère, aucun ravitaillement ne parvient depuis la métropole. Rationnement et système D sont de mise et déjà le recyclage fait flores dans une ile où les habitants sont dénués, en exploitant toutes les ressources locales comme le manioc ou la noix de coco pour extraire de l’huile, faire bouillir l’eau de mer pour obtenir du sel, entretenir le feu pour pallier le manque d’allumettes. Autant dire que la Guadeloupe ne vit pas, elle survit. Inutile de dire que les saint-polois ne peuvent espérer d’aide en nature.


Les subventions arrivent à saint-Pol-sur-mer
 
11 avril 1943  subvention de la Guadeloupe
« M. Verreman termine son rapport en annonçant à l’assemblée une heureuse nouvelle : la subvention de 500.000 francs que la colonie de la Guadeloupe marraine de la ville, vient d’accorder à sa filleule. Le conseil municipal lui adresse des félicitations pour tous les efforts. »

La somme, extraordinaire pour la situation, l’est donc encore plus compte-tenu de l’état des donateurs désignés volontaires, néanmoins et c’est ce qui importe, c’est de voir l’utilisation des sommes utilisées dans le cadre de la subvention. La délibération du mois de juillet 1943 laisse déjà à penser que l’on ne se situe pas nécessairement dans le cadre de l’aide d’urgence, du moins telle que nous l’entendrions aujourd’hui.

28 juillet 1943            subventions
« Une somme de 250 frs a été distribuée aux lauréats du concours du blason saint-polois. Il a été distribué une somme de 150 francs au premier et 2 sommes de 50 francs aux deux suivants.
La commission des finances reconnaissant l’activité bienfaisante du dispensaire d’hygiène social propose d’allouer une subvention annuelle de 2.000 francs à cet organisme qui soigne actuellement 394 familles saint-poloises.
 
Une somme de 2.000 francs également est attribuée au patronage Saint-Benoît. Notons que les sommes ainsi accordées sont prélevées sur la subvention de la ville d’Évian.
 
La précieuse activité de l’administration municipale a permis de faire attribuer à la ville d’importantes subventions qui serviront à soulager ceux qui souffrent et ceux qui ont payé un large tribut du fait de la guerre.
 
La commission nommée à l’occasion de la réception du don de la ville d’Évian a été également chargée de la répartition du don de la Guadeloupe.
 
Tout d’abord une somme supplémentaire de 100 francs sera attribuée à chaque bénéficiaire du Bureau de Bienfaisance pour le mois d’août. Chaque habitant privé de ressources recevra également une somme de 100 francs. Les Saint-Polois hospitalisés ne seront pas oubliés et à l’occasion de la ducasse communale recevront chacun 50 francs au lieu de 30 francs
 
Nous avons proposé une somme de 5.000 francs au dévoué pasteur de la paroisse ND de Lourdes M. le curé Mouton dont le sanctuaire par deux fois bombardé a été reconstruit.
 
Une première subvention de 5.000 francs a également été attribuée au Sporting Club Saint-Polois, nouvelle société sportive communale pour lui permettre l’achat de matériel et d’équipement de première utilité.
 
Ayant eu une délicate pensée à l’égard des travailleurs partis en Allemagne, la commission des Finances a proposé une subvention de 15.000 francs pour payer la confection et l’envoi de colis à ces travailleurs.
 
L’achat du terrain de sports aura lieu dès que le prix en aura été fixé avec les représentants d’une société immobilière propriétaire derrière la mairie dans le prolongement de la rue Victor Hugo. »

Entre dommages de guerre et chômage lié à la destruction des infrastructures, le bureau de Bienfaisance ne peut que distribuer des aides qui complètent bien mal le rationnement, d’autant plus que les prix des denrées disponibles s’est largement envolé. L’on constate d’ailleurs que le soin apporté au colis pour les travailleurs partis travailler en Allemagne, en jetant un voile pudique sur la cause de départ, volontaire ou forcé dans le cadre du S.T.O. sans cependant parler des prisonniers de guerre, pourtant nombreux, qui étaient une préoccupation majeure du conseil municipal lors de la Grande Guerre. Malheureusement, la délibération ne permet pas de connaitre les origines des sommes, entre Guadeloupe, Évian et État Français. Lors du même conseil municipal, se fait plus précis.


28 juillet 1943            subvention de la Guadeloupe
« Monsieur de maire rappelle au conseil municipal que la Paroisse ND de Lourdes a, par deux fois été endommagée par faits de guerre, que malgré toutes les vicissitudes son dévoué pasteur a réussi à la remettre en état pour y célébrer ses officies et qu’en l’occurrence, il y aurait lieu que la commune y participe d’une façon pécuniaire.
                        Le conseil municipal
                        Après audition de l’exposé de M. le maire
                        Décide d’attribuer au représentant de la paroisse ND de Lourdes une subvention de cinq milles francs en prouvant ainsi l’aide de la commune à la restauration d’une de ses églises et dit que le prélèvement sera fait sur la subvention accordée à la commune par la Guadeloupe. »

La paroisse Notre-Dame de Lourdes (disparue aujourd’hui), est une petite église construite au en 1912 dans un quartier relativement populaire. Construite après la Loi de séparation de l’Église et de l’État, elle échappe à l’autorité municipale mais aussi à ses subsides.  La spécificité de Saint-Pol-sur-Mer est la lutte permanente et exacerbée entre partis de gauche et droite catholique. Il peut paraitre surprenant qu’une telle somme soit affectée mais rien d’étonnant au regard de ce qui s’est passé au moment du suicide de Roger Salengro. A sa mort, la rue Jeanne d’Arc avait été rebaptisée en son honneur, ce qui avait valu une lutte âpre, les partisans de l’ancien nom ayant même demandé l’assistance du gouvernement de Vichy. Autre facteur à prendre en compte, la personnalité de l’abbé Mouton qui jouissait d’un réel respect puisqu’il n’hésitait pas à sortir pour porter secours lors des bombardements. L’on ne peut cependant que se poser des questions sur la destination des subsides alloués par la Guadeloupe.

des utilisations de plus en plus diverses et variées...
 
La délibération suivante semble plus légitime si ce n’est au regard du droit, au moins de la morale, et se place beaucoup plus dans le cadre de l’aide d’urgence. On constatera encore une fois que les Prisonniers de guerre ne sont pas mentionnés :

28 juillet 1943            Comité d’assistance aux travailleurs français en Allemagne
« M. le maire avise le conseil municipal qu’un comité d’assistance aux travailleurs français en Allemagne a été constitué à Dunkerque et que ce comité a sollicité une subvention des municipalités des municipalités de l’agglomération.
Il demande aux conseillers de bien vouloir voter une subvention à cet organisme qui peut être considéré comme le seul habilité à s’occuper de l’envoi de ces colis.
Le conseil municipal
Après avoir entendu l’exposé de M. le maire
Décide de voter une subvention de quinze mille francs à prélever sur le don de la Guadeloupe et qui sera versé aux organismes au fur et à mesure de leurs besoins. »

 ... et qui profitent à d'autres

Cependant les sommes allouées ne profitent pas aux seuls saint-polois, l’État Français demande même aux communes sinistrées de porter la main à la poche :

28 novembre 1943    subvention au secours national
« M. le maire donne lecture au conseil municipal d’une lettre émanant du Secours National sollicitant l’aide de la commune pour la campagne d’hiver.
Le conseil municipal
Après avoir ouï la lettre précitée
Vote une subvention de deux mille cinq cents francs en faveur du Secours National laquelle subvention sera prélevée sur celle de la Guadeloupe portée au budget additionnel 1943. »

La décision n’est pas anodine et certainement pas innocente. En effet, le Secours National n’est pas une création du régime de Vichy. Le Secours National a été créé le 4 aout 1914 par Albert Khan pour apporter de l’aide aux militaires mais aussi aux civils en renfort des services sociaux. L’une de ses premières actions dut la collecte de vêtements chauds pour les soldats dans les tranchées. Reconnue d’utilité publique en 1915, elle est mise en sommeil pour être réactivée en octobre 1939 et en octobre 1940, elle est placée sous la haute autorité du Maréchal Pétain et échappe ainsi au contrôle des préfets régionaux. Mais plus qu’une œuvre caritative, elle devient un des rouages essentiels de la propagande de l’État Français et un instrument important de la politique de collaboration. Nul doute que répondre aux appels aux dons est une décision qu’il faille considérer : besoin de s’attirer les bonnes grâces du pouvoir ? engagement politique ? volontariat obligé ?


Loin encore une fois des imputations aux aides d’urgence, l’utilisation des fonds de la Guadeloupe se fait pour des travaux d’infrastructures, finalement non essentiels. En effet, la délibération du 24 décembre 1943 indique l’achat du château Vancauwenberghe. La vaste demeure libre d’occupation appartenait à l’ancien maire de la ville, à l’origine de nombreuses œuvres sociales comme « la goutte de lait », prévention infantile avant l’heure et surtout fondateur du sanatorium, déplacé depuis à Zuydcoote.

quand il n'est plus question de secours d'urgence 
 
24 décembre 1943     château Vancauwenberghe – subvention de la Guadeloupe
« M. le maire expose au conseil municipal qu’une subvention de 500.000 francs a été allouée par la Guadeloupe à la commune de Saint-Pol-sur-Mer. Il demande au conseil municipal l’autorisation de prélever une somme de 100.000 francs sur cette subvention pour payer en partie l’achat de la propriété destinée à l’installation d’une colonie de vacances. Il fait remarquer qu’il serait désirable de faire connaître le geste de la Guadeloupe vis à vis de la ville de Saint-Pol-sur-Mer aux générations futures et que ce prélèvement de 100.000 francs serait une façon de marquer cette générosité.
 
Le conseil municipal après avoir entendu l’exposé de M. le maire
 
Décide de prélever sur le solde disponible de la subvention de la Guadeloupe la somme de 100.000 francs qui servira à payer en partie la propriété Vancauwenberghe. ».

Occupée par les Allemands, la municipalité ne verra jamais aboutir le projet lancé au conseil municipal du 12 avril 1942, voté à 12 voix contre six. Au conseil municipal du 27 septembre 1942, suite à la proposition d’achat de la propriété Vancauwenberghe, la Préfecture a réclamé une nouvelle demande avec plans à l’appui, contenant proposition d’aménagement de terrains de jeux, de sports, pistes, etc., afin de pouvoir solliciter une subvention à l’État, laquelle peut être de 50% du prix d’achat. M. Lembrouck, architecte, a dressé ces nouveaux plans. La création d’une colonie de vacances semble alors en bonne voie, mais reste néanmoins grevée par le problème du financement dans une commune sinistrée et sans ressources autres que l’imposition, la subvention guadeloupéenne octroyée en avril 1943 débloque alors la situation.

Avant l’octroi de la subvention de la Guadeloupe, un montage financier avait été voté le 29 novembre 1942. « Le château, une maison de concierge, une maison de jardinier et un pavillon ainsi que 3 ha 73 ares, 15 ca de terres dont le montant s’élève à 700.000 frs en vue de la création d’un terrain de sports et d’une colonie de vacances et qu’il importe de couvrir cette dépense par un emprunt à contracter près d’une société prêteuse de fonds. 
 
Il ajoute que la Caisse Autonome des Retraites de la Mutualité du Nord consent à prêter les 700.00 frs nécessaires à l’achat de cette propriété au taux de 4,25% net l’an, réserve faite que la commune de St-Pol-s/Mer pourra rembourser à la Mutualité du Nord le montant de la subvention susceptible d’être allouée par l’État.
 
                        Le conseil municipal, Ouï l’exposé du maire, Vote un emprunt de 700.000 frs remboursables en 30 ans à partir du 1er janvier 1943, le taux d’intérêt est fixé à 4,25% net l’an et fait ressortir l’annuité d’amortissement à frs 41.503,26. Voté et affecté au remboursement du prêt, une imposition extraordinaire de 41 centimes additionnels qui sera mise au recouvrement pendant 30 ans à partir du 1er janvier 1943. »

La subvention de la Guadeloupe ne résout cependant pas tous les problèmes. Le conseil du 10 juin 1943 donne les indications suivantes : « M. Verreman, adjoint, donne lecture de la lettre du Préfet du Nord nous avisant que la sous-commission de la Reconstruction avait donné son avis favorable à l’achat du château Vancauwenberghe et qu’il fallait et qu’il fallait recommencer à nouveau toutes les pièces établies en 1941.

                        En conséquence, il demande au conseil municipal de prendre une nouvelle délibération au sujet de l’emprunt à contracter.

                        Le dossier d’achat doit maintenant être établi sous une autre forme et comprendre
           

            1° l’achat de la propriété soit                                    700.000
            2° l’aménagement de la colonie de vacances            638.000
            3° l’aménagement des terrains de sports                  122.181
                                                                                   ________________
ce qui donne une dépense totale à envisager de             1.510.181 frs
 
                        De ce fait, nous devons prévoir un emprunt de 1.500.000 francs au lieu de 700.000 francs voté lors de la réunion du 29 novembre 1942.

                        Pour cet achat, nous pouvons obtenir
1° la subvention pour le terrain-centre scolaire pouvant varier de 60 à 80%
 
2° la subvention pour l’installation terrain de sport de moins de 50 à 70%
 
3° la subvention de l’État pour l’acquisition de l’immeuble en vue d’aménagement d’une colonie de vacances pouvant atteindre 50% du prix d’achat de la propriété.
 
                        M. Verreman expose ce qui suit.
 
                        Si nous prenons une moyenne de subvention de 50% sur les frais locaux, nous obtenons environ 750.000 francs donc pour la somme dépensée de 750.000 francs nous aurons la propriété Vancauwenberghe, l’aménagement d’une colonie scolaire et d’un terrain de sport, en somme pour la ville, il n’y aurait aucune dépense supplémentaire puisque nous avons prévu une sortie de fonds de 700.000 francs pour l’achat du château.
 
                        À toutes fins utiles, nous pouvons contracter cet emprunt et prélever les fonds qu’au fur et à mesure des besoins, car nous devons envisager qu’actuellement avec l’occupation de cette propriété par les troupes occupantes, il ne nous sera pas possible d’envisager les travaux nécessaires pour l’aménagement de la colonie et du terrain de sports. D’autre part, dès réception des subventions, l’argent sera immédiatement reversé à valoir sur le total de l’emprunt contracté.
                        La commission des finances dans sa réunion du 6 juin courant a donné son accord,
                        Le conseil municipal, après avoir entendu l’exposé de M. Verreman, adjoint aux finances
                        Adopte de souscrire à cet emprunt ».

La guerre pris fin sans que ce projet soit mené à son terme. Occupé par les Allemands, malgré les ventes immobilières, les dégâts par faits de guerre comme l’abattage des arbres par les occupants, l’état général de la bâtisse ne permirent pas la poursuite des travaux. Jugé insalubre, la propriété fut rasée et laissa place au lycée technique Guynemer (qui ne conserva qu’un des murs de clôture et une porte de service de la propriété). Alors que la colonie devait rendre hommage à l’aide des Guadeloupéens, le souvenir de cette action fut perdue car même le nom de l’établissement fut choisi pour honorer l’as de la chasse qui avait passé ses derniers mois dans la ville.

et après la guerre ?
 
L’après-guerre est marquée non plus par les combats mais la suite des privations, le rationnement perdurant même pour certains produits jusqu’au milieu des années 50. Ainsi au conseil du 23 janvier 1946, sous la rubrique « initiatives des conseillers », « M. Bollengier demande d’élever une protestation contre le refus opposé par le service du Ravitaillement Général à la demande de déblocage des 5 tonnes de sucre offertes à notre commune par sa marraine la Guadeloupe.
 
Le maire répond que cette proposition est anticipée car le refus n’aurait été signalé que par téléphone à notre transitaire au cours d’une simple conversation.
 
Ladite proposition sera faite si l’administration du Ravitaillement Général que nous avons saisie de notre demande officielle de déblocage refuse d’accéder à notre pétition. »
                                               
La subvention, loin d’être épuisée, sert encore au saint-polois après-guerre puisque lors du conseil du 6 septembre 1946, à propos du chauffoir public « M. le maire expose que, pour assurer la continuité du fonctionnement du chauffoir public ouvert aux vieillards en vue de pallier les rigueurs de l’hiver, il y aurait lieu de voter un crédit pour assumer les dépenses qui incombent entièrement à notre commune.
 
Il propose de prélever un crédit sur le reliquat de la subvention de « La Guadeloupe » soit quatre cent douze mille cinq cents francs (412.500 frs) figurant au compte administratif de 1945 à reporter au budget additionnel de 1946.
 
Le conseil municipal, après avoir entendu l’exposé ci-dessus, décide de prélever sur le reliquat dont il s’agit un crédit provisionnel de ceux cent mille francs (200.000 frs)
 
1° pour assurer le fonctionnement du chauffoir des vieillards pendant l’hiver 1946-1947
 
2° pour la préparation de casse-croûtes et d’un repas de Noël à servir aux vieillards de la commune »

Ainsi donc, connaissant les difficultés saint-poloises, mais plus encore celles de la Guadeloupe, la subvention de 500.000 francs, somme considérable pour l’époque, et plus encore au regard des conditions de vie des Guadeloupéens, il est permis de s’étonner de l’amnésie de cette commune. Nulle plaque, nulle rue en portant le souvenir vient en rappeler le souvenir même 76 ans après les faits.

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