vendredi 25 octobre 2019

Saint-comment ? Père quoi ?


Il fut un temps, pas si lointain, où les enfants n’attendaient pas le Père Noel mais guettaient le passage de Saint-Nicolas et de son âne, parfois accompagné de Zwart Piet, version flamande du Père fouettard. 
 
Nicolas est né à Patara, dans le sud de la Turquie, entre 250 et 270. Ce sont des temps de persécutions. Orphelin lors d’une épidémie de peste, il se rend à Myre où, embrassant la carrière ecclésiastique, il succède à son oncle comme évêque de la ville. Contraint à l’exil par les persécutions ordonnées par l’Empereur Dioclétien, il ne revient à Myre qu’après l’édit de Milan en 313 : l’Empereur Constantin autorise la liberté de culte et l’Empire devient chrétien… 
 
Nicolas serait décédé le 6 décembre 343 et inhumé dans sa ville mais en 1087, des marchands italiens dérobent sa dépouille et l’emmènent à Bari. C’est que ses ossements ont la réputation de suinter une huile sacrée ! 
 
La légende se construit peu à peu. On rapporte quantité de miracles, si nombreux et divers qu’il est aujourd’hui le saint patron de nombreuses corporations, métiers ou groupes comme les enfants, les navigateurs, les mariniers, les prisonniers, les avocats et les… célibataires, quasiment dans toute l’Europe.


La part de miracle
 
Si son premier miracle aurait été de se tenir debout tout seul immédiatement après sa naissance, le plus connu qu’on lui attribue est d’avoir ressuscité trois petits enfants. 
 
Comme dit la chanson, ils s’en allaient glaner aux champs. Perdus, ils demandent asile à un boucher qui ne trouve rien de mieux que de les tuer, les découper et les mettre au saloir. Sept ans plus tard, Saint-Nicolas vient à passer chez le boucher et insiste pour goûter le petit salé préparé sept ans plus tôt. Pris de peur, le boucher s’enfuit et Nicolas ressuscite les petits martyrs. 
 
Une autre légende affirme que pour le punir, Saint-Nicolas l’oblige depuis à l’accompagner lors de ses tournées pour punir les enfants qui n’ont pas été sages… Nous tenons là notre Zwarte Piet ! D’autres histoires enjolivent la vie du saint : apprenant qu’un père ne peut fournir la dot de ses trois jeunes filles et qu’il est contraint de les livrer à la prostitution, le saint jette des bourses pleines d’argent dans les bas qu’elles avaient mises à sécher sur la cheminée. Aujourd’hui, le bas est rare, il est remplacé par la chaussette… 
 
Les hagiographes se seraient largement inspirés du dieu scandinave Odin. Ce dernier, toujours accompagné de ses deux corbeaux qui voient tout et de son cheval à huit pattes Sleipnir. Dans nombre de régions, Nicolas est accompagné de son âne et de deux zwarte Pieten… Des assistants noirs comme les corbeaux ! 
 
Les enfants, qu’ils craignent ou non de recevoir un bout de charbon pour n’avoir pas été sages, n’oublient jamais de laisser un verre de lait et des biscuits pour le visiteur et surtout des carottes pour l’âne. Peut-être peut on aussi y voir les traces des offrandes païennes qui permettaient d’entretenir une relation avec les dieux ? Mais comment s’en étonner ? Pour convertir les peuples païens, les chrétiens ne faisaient que reprendre des références communes à tous, d’y ajouter la patine chrétienne et de faire en sorte que le souvenir des idoles s’efface, comme lorsque l’on construisait les églises sur les fondations des anciens temples.

Autres temps, autres mœurs
 
Si certaines municipalités ont a cœur de perpétuer la tradition en distribuant des friandises lors de la fête du saint, force est de constater que les enfants attendent maintenant le Père Noël, autre avatar de notre saint devenu bien facétieux. 

En effet, Saint-Nicolas se transforme au même rythme que l’Eglise. Les Protestants refusent l’idée de sainteté. Saint-Nicolas redevient un homme parmi les autres. Aux Pays-Bas, bastion de la Réforme, il a le nom de sinter Klaas, puis devient Santa Claus… 
 
Ayant aussi perdu ses habits sacerdotaux, son image s’oriente petit à petit vers celle que nous connaissons…  La presse américaine forme lentement le personnage du Père Noël, Santa Claus outre-Atlantique… C’est vrai qu’il a une bouille sympathique, le petit rondouillard, et puis au moins, il est consensuel… 
 
Les petits Dunkerquois le découvrent souvent au détour d’un film ou d’une publicité mais pour un temps encore, Saint-Nicolas, le régional de l’étape, résiste. Il faiblit après la seconde guerre mondiale et cède la place au petit homme en rouge. La puissance américaine et la guerre froide font le reste, inondant de films et de musique ses alliés, leur faisant adopter leurs culture et valeurs. Saint-Nicolas est encore fêté mais reste terriblement discret. Qu’importe : un saint sort par la petite porte, il revient par la fenêtre… enfin par la cheminée… Reste le sapin à décorer, mais çà, c’est une autre histoire, qui elle non plus, n’a pas grand chose à voir avec les chrétiens qui, une fois n'est pas coutume, se sont accaparés une tradition germanique liée aux rites de fertilité.

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