vendredi 25 octobre 2019

Guilleminot, de Dunkerque à Constantinople


Armand-Charles Guilleminot voit le jour à Dunkerque le 2 mars 1774. Mêlé aux troubles du Brabant en 1790 que la Maison d’Autriche réprime avec violence, le jeune Guilleminot regagne la France où il s’enrôle. Sous-lieutenant en 1792, il prend part à la bataille de Neerwinden mais dénoncé comme complice de Dumouriez, on l’emprisonne avec quelques autres officiers à la citadelle de Lille. Pour sauver sa tête, il s’évade et trouve refuge dans … une autre armée. 
 
Intégré à l’Etat-major de Pichegru, le voilà capitaine en l’an VI, devient Chef de Bataillon pendant la campagne d’Italie puis aide de camp de Moreau qui l’emmène sur le Rhin et y reste jusqu’à la Paix d’Amiens en 1802. Le voilà attaché au dépôt de la guerre, mais il est impliqué dans le procès de ses anciens chefs Moreau et Pichegru, compromis avec Cadoudal. 
 
Etait-il parmi les conjurés ? Nul ne put le prouver mais dans le doute, le Premier Consul le met à la réforme et il ne peut reprendre son service qu’en 1805, au Grand Quartier Général de l’Armée d’Allemagne, un pays qu’il avait soigneusement étudié avec Moreau. Se rendant utile par sa connaissance de la topographie, il atteint le grade d’adjudant-commandant. Polyvalent, il semble apte à toutes les tâches, surtout à la diplomatie, ô combien compliquée avec les voisins de l’Empire.



Devant  la "Sublime Porte"
 
Guilleminot, affublé du titre de chargé d’affaires, se retrouve diplomate auprès du Sultan à Constantinople. On avait poussé les Turcs à la guerre contre la Russie, il s’agit maintenant de les calmer et de leur conseiller de se rapprocher du tsar borgne, Alexandre Ier. La tâche est ardue, pendant que Guilleminot tente de convaincre le Sultan de sacrifier ses possessions sur le Danube, les deux empereurs se concertent pour dépecer l’Empire ottoman. Guilleminot n’a pas plus de succès que son prédécesseur et finalement retrouve les armes sous le commandement du Maréchal Bessières. Les guerres se succèdent, les honneurs suivent : après la bataille de Medina del Rio-Secco, il obtient une Brigade et la croix d’officier de la Légion d’Honneur, puis guerroie en Italie en 1809, puis en Espagne l’année suivante. En 1812, il participe à la campagne de Russie avec une brigade du 4e Corps et en assure les fonctions de chef d’Etat-major pendant la désastreuse retraite. En 1813, il est nommé Général de Division et se distingue plusieurs fois, surtout à Dessau contre les Suédois. En octobre 1813, il repousse avec le 4e Corps les Bavarois sur un pont près d’Hanau.

Au service du Roi
 
La restauration n’est pas l’occasion de la retraite. Les relations avec Moreau ou Pichegru de ce jeune général de 40 ans ne laissent pas indifférent, encore moins ses états de service. Louis XVIII le nomme grand officier de la Légion d’Honneur et chevalier de l’Ordre de Saint-Louis. Quand l’Empereur débarque de son exil de l’Ile d’Elbe, le duc de Berry le choisit comme chef d’Etat-major pour se porter contre Napoléon Ier, préparatifs rendus inutiles par la fulgurante progression de l’Empereur déchu. Après les Cent Jours, il est le chef d’Etat-major du Prince d’Eckmühl, puis il  rejoint l’armée sur la Loire d’où il envoie sa soumission au gouvernement royal. Ce dernier le charge de négocier les frontières de l’Est de Bade au Piémont, en application des Traités. A son retour en 1816, on le récompense avec le poste de Directeur général du dépôt de la Guerre et il est nommé dans le Corps Royal d’Etat-major que Louis XVIII avait créé en 1818. Quand en 1823, la France envisage d’intervenir en Espagne, on le consulte et l’on adopte son plan mais une sombre affaire de cocardes et de drapeaux portant les aigles impériales faillit mettre un terme à sa carrière. Faut-il y voir la vengeance des partisans de l’Absolutisme auxquels il s’oppose ? Soupçonné, il est alors protégé par le Duc d’Angoulême qui lui fait tant confiance qu’il met son propre commandement dans la balance, lui permettant de mener une guerre courte et victorieuse.

Les derniers honneurs
 
Elevé à la Pairie en octobre 1823, il reçoit le Grand cordon de la Légion d’Honneur, la Grand croix de Saint-Louis et le poste d’ambassadeur à Constantinople dès son retour d’Espagne, poste qu’il garde malgré le procès où il est impliqué au sujet des fournitures de l’Armée en 1826. Alors que Paris est en révolution en 1830, il continue de conseiller le Sultan et y reste malgré les changements de gouvernements. Il commit l’erreur de conseiller les Turcs de se préparer à une nouvelle guerre contre la Russie, ce dont l’ambassadeur russe aurait eu vent. En juillet 1831, Louis-Philippe le rappelle pour qu’il s’explique devant la Chambre des Pairs, où il évoque imprudences et indiscrétions… mais fort heureusement, l’incident est sans conséquences. Ayant gardé titre et traitement de Directeur Général du dépôt de la Guerre, il en retrouve immédiatement les fonctions… Expirant en 1840, on inhume l’un des plus brillants généraux français au Cimetière du Père Lachaise à Paris, laissant son nom sur l’Arc de Triomphe de la Place de l’Etoile.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire