jeudi 17 octobre 2019

« Les Jean Bart des tranchées »


le 110e RI dans la Grande Guerre

         Officiellement créé en 1870, le 110e Régiment de Ligne prend part à la guerre contre la Prusse où il soutient notamment le siège de Paris puis participe à la répression de la Commune. Finalement, il s’installe à Dunkerque en 1873, garnison qu’il quitte momentanément pour se distinguer particulièrement lors de la Première guerre mondiale avant de partir définitivement en 1939. Son régiment de réserve, le 310, reste moins connu.
 

Sous l’ovation des Dunkerquois

Mobilisé dès les premiers jours de la guerre, ses 58 officiers et 3.366 soldats embarquent dans les trains sous les vivats de la foule pour rallier Hirson le vendredi 7 août 1914. Trois jours plus tard, ils partent vers Revin et la Belgique mais l’offensive allemande est une déferlante :  Il faut se replier sur la Seine à tout prix. Un sursaut le conduit sur l’Aisne puis la Marne où le 110 contribue à la victoire de la Première bataille de la Marne. Paris est sauvée ! 
 
En mars 1915, à Laval-Wargnoulin, sur la côte 196, ses hommes prennent une position qui devient « le fortin du 110 ». Le régiment jouit déjà d’une excellente réputation. Sa route le mène vers les batailles les plus dures : en avril, il prend position devant Verdun puis part rapidement relever le 8e Régiment de Ligne aux Eparges. Il n’y passe pas inaperçu : le président Poincaré épingle la Croix de guerre sur son drapeau le 28 juin 1915. Apprenant ses faits d’armes, un conseiller municipal ne peut s’empêcher de surnommer ces soldats « les Jean Bart des Tranchées », curieuse filiation pour des biffins !


Les années terribles

Février 1916 : retour à Verdun, face au fort de Douaumont sous des bombardements permanents. Il subit le froid « sibérien » qui fait autant de ravages que les soldats allemands qui rampent jusqu’à ses lignes pour y jeter des grenades.  Quelques mois plus tard, c’est la Somme où il enlève notamment le secteur fortifié de Combles avec le 73e R.I. et le London Regiment. Il n'y capture pas moins de 500 Allemands. Ces hauts faits lui confèrent le port de la fourragère aux couleurs de la Médaille militaire, la plus haute distinction militaire française.
 
Les hommes connaissent enfin le repos à Provins au printemps 1917 pour être renvoyé à Dunkerque et Bergues. Occasion est donnée de revoir proches et familles. Si le 2e bataillon est mis à disposition du Gouverneur Militaire de la Place, le 1er bataillon est quant à lui envoyé en Belgique dès juillet: direction Westvleteren et Combreke. L’Enfer des Flandres l’attend : le 110 subit chaque jour obus et attaques aériennes mais surtout les nuages vert-brun d’Ypérite. Le mois d’août est effroyable : le régiment participe à l’attaque des blockhaus des rives de l’Yser belge. En octobre, ses hommes enlèvent aux Allemands de nombreuses fermes fortifiées mais il leur faut traverser à pied le Steenbeck gonflé par les pluies, l’eau montant jusqu’au ventre. Les pertes ne sont pas toutes dues à l’ennemi !

Après des mois de guerre, on les retrouve encore au front :  en mai 1918, ils contiennent l’offensive allemande du Chemin des Dames. Le caractère trempé de ses hommes est encore prouvé dans la vallée de l’Ourcq et de l’Ailette, où ils capturent près de 800 prisonniers, des canons, des mortiers et de nombreuses mitrailleuses.

Un certain 11 novembre

En définitive, le 110 est sur les fronts les plus exposés, dans les batailles les plus meurtrières. L’Armistice le surprend en Lorraine. C’est le moment de faire les comptes ! Que sont ses 5 citations à l’ordre de l’Armée face à la mort de 109 de ses officiers et de 2.619 de ses soldats? Il ne s’arrête pourtant pas. Le 27 novembre, il est à Dillingen en Sarre, le 14 décembre, il fait une entrée triomphale à Wiesbaden, où il reçoit le 20 un éloge mérité de Pétain. Le 28 février, il retrouve enfin sa ville où il est accueilli en grande pompe par le Général Gouverneur Pauffin de Saint-Morel et le maire Henri Terquem. Les troupes se répartissent dans une agglomération meurtrie. Le 1er bataillon prend ses quartiers à Coudekerque-Branche, le 2e bataillon occupe la caserne Jean Bart. Quant au troisième, il s’installe à Bergues.

Et le 310 ?

Mobilisé quelques jours après le 110, il est parti pour la Champagne, les Ardennes et la Meuse. Sa charge à la Baïonnette à Pieux-Morains lui vaut une citation à l’ordre de la Division. En octobre 1915, il se distingue encore à Verdun, et sur la Meuse l’année suivante avant de partir en manœuvre à Belfort, mais ses pertes ont été trop lourdes: il est dissout le 31 mai 1916.

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