On ne
parlera pas ici des fanfreluches que portait le conseiller à l’œil expert de
Dagobert (on connaît la chanson !) mais de ce qui est – par définition –
le moins facile à voir dans la principale église dunkerquoise.
Dès l’origine, les Chrétiens ont « révolutionné » le deuil : désormais, on enterre en attendant le Jugement dernier… Quel meilleur endroit que l’église ? Plus on est proche du maître-autel, meilleure sera la place. A Dunkerque comme ailleurs : sous les pavés, ce n’est pas la plage, juste une nécropole, En fait, c’est même la troisième église-nécropole d’Europe pour le nombre de sépultures. Le désir d’une meilleure vie dans l’au-delà est louable mais il ne facilite pas la vie du clergé local ni celle des fidèles.
Un chantier permanent.
Les offices sont régulièrement perturbés : il faut
enlever le dallage, creuser, bouger les corps qui occupent déjà la place pour
les nouveaux arrivants. L’assistance est mise à rude épreuve. La messe est
régulièrement troublée par des dames qui s’évanouissent, incommodées par les
odeurs méphitiques. Régulièrement des feux-follets renforcent les cierges..
Enfin, il y a la foire d’empoigne, c’est à qui sera enterré à la bonne place,
au pied du maître-hôtel comme le sieur
Jean Bart… Et puis c’est dangereux pour la population, on soupçonne les
infiltrations sous l’église de contaminer régulièrement la citerne voisine par
capillarité.
Le clergé prend les choses en main
Comme les plaintes se multiplient, le clergé dunkerquois décide dès 1775, sans même attendre le décret du Conseil d’Etat du 10 mars 1776 que l’on n’enterre plus dans la « cathédrale des sables ». Cela n’empêchera pas certains d’obtenir des passe-droits jusqu’en décembre 1776. Un ancien terrain militaire est choisi en basse-ville, loin du centre de la paroisse pour éviter toute gêne. C’est déjà presque la campagne. Béni le 29 septembre 1779, son activité officielle peut enfin commencer. Désormais, pour être enterré dans l’église, il faudra réellement justifier ses droits conformément au décret royal !
Un déménagement imprévu
L’église vieillit et les goûts
changent. Il faut une nouvelle façade. Ce sera un péristyle gréco-romain. On le
connaît, il a coûté assez cher à cette pauvre Manoot’che… Il se dressera là où
l’église et son clocher devenu beffroi se rejoignaient avant. Avec les travaux
de 1783-1784, c’est plus de 1.600 cadavres qu’il faudra déménager… A quoi
s’attendre sous le chœur ? Le cimetière devient un lieu à part : on
n’autorise plus à y habiter comme ce fut souvent le cas comme à Lille où des
maisons se dressaient dans les enclos, où l’on cultivait entre les tombes
(jusqu’à y planter la vigne). Et puis, les activités n’y étaient pas toujours
en rapport avec le recueillement et la sérénité des lieux.
Des
hôtes de marque.
L’on ne
visite pas Saint-Eloi les yeux toujours levés vers le ciel. A terre et sur les
murs, entre statues et vitraux, le promeneur pourra déchiffrer quelques dalles
tumulaires qui ont échappé aux destructions. La plus célèbre, objet d’un
véritable culte, est celle de Jean Bart, que l’on exhuma et
« vénéra » au XIXe siècle avant de le reporter en terre. Ailleurs,
c’est celle de son fils. Là celle d’un gouverneur espagnol qui rappelle que les
dunkerquois n’ont pas toujours été français… Des bourgeois, des nobles et des
prêtres. Et puis il y a les absents. A coté de l’entrée, une plaque reprend
l’épitaphe du chevalier de Saint-Pol qui avait été enterré à côté de son ami
Jean Bart mais quelques années plus tard, il fut envoyé près des siens, en
région parisienne, dans l’église de Flavières. On comprend mieux alors le
recueillement nécessaire à toute visite de la hallekerke du littoral : on
est en bonne mais nombreuse compagnie dès que l’on y pose le pied.
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