Si Trystram était le père du nouveau port de Dunkerque, Louis
Charles de Saulces de Freycinet en fut le parrain. Ne garder que son nom pour
désigner nos quais, c’est oublier qu’il fut une grande figure de la République.
Au service de l’Etat
Né dans une famille protestante de Foix en Ariège en 1828,
il entre à l’Ecole Polytechnique en 1846. Au moment où éclate la révolution de
1848, il se révèle ardent Républicain. Ses actions d’éclat attirent l’attention
du Gouvernement.
De 1848 à 1852, il étudie à l’Ecole des Mines puis il entre à
l’Administration des Travaux Publics à Mont-de-Marsan, passe par Chartres puis
Bordeaux.
Jusqu’en 1862, il est le chef d’exploitation de la Compagnie des
chemins de fer du Midi puis il revient au service de l’Etat en menant une
mission d’étude en Angleterre en 1863 sur le travail des enfants.
Il voyage
ensuite dans le reste de l’Europe jusqu’en 1868 pour étudier la prévention des risques industriels et
l’amélioration de la protection des travailleurs. A son retour, il publie ses
conclusions sur le travail des femmes et des enfants en Angleterre en 1869, que
l’Académie des Sciences morales couronne d’un prix…
Au cours de ces missions, il s’est intéressé à la réforme
administrative et se retrouve nommé à la
« commission de décentralisation » mais la guerre franco-prussienne
lui offre de nouvelles perspectives.
En 1870, préfet, il est promu dans l’ordre impérial de la
Légion d’honneur mais il démissionne. Il rejoint Gambetta à Tours, qui le nomme
délégué à la guerre. Le voilà membre du
gouvernement de la Défense Nationale en 1870-1871.
Le Second Empire est
déchu, la République s’impose petit à petit mais elle n’est qu’une suite de
compromis et d’opportunités, une kyrielle d’alliances éphémères et de querelles
byzantines. Les majorités se font et se défont et les ministères tombent
régulièrement. Alors que la République écrit ses lois constitutionnelles, Freycinet
dirige une forge et un haut-fourneau achetés dans les Landes en 1872 mais il ne
peut quitter la politique : il devient Sénateur de la Seine, un siège
qu’il occupe de 1876 à 1920 alors qu’il a été élu dans plusieurs
circonscriptions en même temps, la loi autorisant de présenter des candidatures
multiples.
Une carrière ministérielle active
De 1877 à 1879, il est ministre des Travaux Publics où il
œuvre pour le développement économique de la France. A Dunkerque, c’est
convaincu par Trystram qu’il accorde les crédits nécessaires à l’agrandissement
et à la modernisation du port. Il multiplie aussi les lignes de chemins de fer
pour desservir le plus de territoire possible mais les voies se révèlent
souvent de piètre qualité.
Qu’importe, les Français bénéficient en plus grand nombre du progrès. Autre grand
dossier, il travaille à la modernisation des voies fluviales en établissant
notamment une nouvelle norme pour la taille des écluses (donc des péniches) à
laquelle on a donné son nom.
Il assure plusieurs fois la charge de Président du Conseil… qu’il
cumule avec celle de Ministre des Affaires Etrangères en 1879-1880 puis en
1885-1886… Et l’on ne parlait pas alors d’hyperprésidence ! En 1886, il
réussit à faire expulser les prétendants au trône de France, interdisant tout
espoir de Restauration…
Battu à l’élection présidentielle de 1887, il devient
le premier civil à être Ministre de la Guerre. Avait-il la même vision que
Clemenceau qui disait que la guerre était une chose trop sérieuse pour être
confiée à des militaires ? Ici aussi, les réformes sont
considérables : il porte le service militaire à trois ans, créé
l’état-major général et modernise l’équipement avec le fameux canon de 75
modèle 1897 et le fusil Lebel, malheureusement utilisé pour la première fois
sur cible humaine le 1er Mai 1891 à Fourmies, une fusillade qui oblige
Freycinet à créer une législation sociale.
Accusé d’avoir voulu étouffer le
scandale de Panama, il est éloigné du pouvoir mais redevient Ministre de la Guerre au moment
de l’affaire Dreyfus où il prend le parti de défendre l’Armée envers et contre
tout. Président de la Commission des forces armées au Sénat, il est encore
ministre d’état en 1915-1916… A 87 ans, il subjugue le Président Poincaré par
son énergie et ses analyses. C’est que l’homme est aussi reconnu pour ses
qualités intellectuelles : membre libre de l’Académie des Sciences depuis
1882, il est élu à l’Académie française en 1890.
Il décède en 1924, à l’âge de 95 ans, après avoir été l’un des plus ardents artisans
du développement économique français.
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