Le soir du 14 juin 1658, à
l'issue de la bataille des Dunes, Dunkerque change trois fois de maître en la
journée. Espagnole le matin, française au midi, anglaise, en vertu des accords
passés au crépuscule. Dunkerque passe sous autorité anglaise pour quatre ans,
quand Louis XIV achète cette ville essentielle à ses yeux pour la défense du
royaume et les guerres qu'il mène. Dunkerque achetée en 1662, c'est aussi le
point de départ du Pré Carré voulu par Vauban et qui permit de démanteler les
murailles qui enserrent Paris... Il faut bien quelques mémoires diffusés en
France, comme celui-ci dont vous trouverez la transcription intégrale, pour
faire taire les commentateurs et autres contestataires qui ne comprennent pas
l'utilité de l'alliance de circonstance avec une puissance hérétique... mais
après tout, l'Edit de Fontainebleau n'est pas encore promulgué, loin de là et
la politique exige bien, après tout, que la diplomatie s'accorde de quelques
contorsions... Autre temps, autres moeurs ? Nous vous laissons seuls juges
d'une certaine forme de cynisme...
REMARQUES SUR LA REDDITION DE
DUNKERQUE
Entre les mains des Anglois 1658
" Enfin toutes nos fraieurs
sont dissipées, la bonté Divine a voulu conserver à la France le grand Prince
qu’elle lui a donné : tandis que nous avons eu sujet d’appréhender la perte
d’une personne si précieuse, dont dépend tout nôtre bonheur ; je n’ai pas
seulement osé vous entretenir de ses Victoires, & encore moins des grandes
fatigues qu’elle a voulu prendre pour asseurer notre repos ; qui ont été la
cause d’une maladie si dangereuse : Les mouvemens de son courage l’aiant
emporté en cette occasion au delà des conseils, & même des prières de son
prudent Ministre, Sa Majesté aiant voulu voir elle-même toutes choses dans son
Armée trop exactement, & estre toûjours parmi ses soldats, pour devenir
sçavante dans un mestier qu’elle connoît estre celui des Rois, a trop tôt
éprouvé qu’ils ne sont pas exempts des accidens ausquels le Ciel a assujetti
tous les autres hommes. Maintenant que, graces à Dieu, le péril est entierement
passé, & que chacun peut trouver dans la possession de la joie que la
guérison entiere de Sa Majesté fait ressentir, dequoi se consoler, & se
recompenser des afflictions du mal passé : Je puis sans aucun scrupule vous
redire un mot en passant, des glorieux avantages que ses Armes ont acquis sur
les Ennemis. La prise des Places se fait ordinairement en peu de jours, le gain
des Batailles arrive en peu d’heures, mais ces grands évenemens qui décident
quelques fois de la fortune des grands Roiaumes, aussi bien que de la gloire
des grands Rois, laissent toûjours une agréable matière d’en discourir
longtemps avec plaisir, à ceux que le Ciel a favorisez d’une heureux succès
dans ces perilleuses rencontres : Il est même necessaire d’en goûter les
douveurs par la reflexion qu’on y fait, & de posseder tous par l’affection
que nous devons avoir pour l’Etat, les mêmes avantages que nos braves guerriers
ont remporté sur les Ennemis, les armes à la main. Il n’est plus temps de vous
faire des Relations particulières de tout ce qui s’est passé : Il suffit de
vous faire ressouvenir que la Place de Dunkerque a esté conquise en peu de
jours sur les Espagnols, qui s’estans voulu avancer pour la secourir avec tous
les Chefs, & toutes les forces de Flandres, le grand Capitaine qui commande
l’Armée du Roi, n’a pas voulu prendre sur eux l’avantage de les attendre dans
ses retranchemens : mais inspiré & guidé par les Bons avis donnez tres a à
propos par le premier Ministre, est allé au devant d’eux avec une partie de ses
Troupes qu’il a tirées hors de son Camp, les a rencontrez et attaquez en raze
campagne, les a battus & entierement défaits (comme vous avez sçeu) en
bataille rangée ; qu’en même temps, ayant laissé Dunkerque investi, & les
postes du siége suffisamment munis pour empêcher l’effet des sorties : Il y est
retourné avec son Armée victorieuse, & a forcé la Place de se rendre, que
celle de Bergue Saint Vinox a esté contrainte d’en faire de même, et de laisser
prisonniers de Guerre tous ceux qu’on y avoit envoiez pour la defendre, &
qu’ensuite celles de Furnes et de Dixmuide ont esté obligées de rentrer sous
l’obeïssance de nôtre Monarque.
Mais, dit-on, nôtre principale
Conqueste est pour des Etrangers qui en peuvent user quelque jour contre nous
mêmes, & qui faisant profession d’une croiance differente de la nôtre,
ruïneront avec le temps la Religion Catholique dans la Ville qui a esté remise
entre leurs mains. Je n’entreprends pas de répondre aux libelles qui ont esté
publiez sur ce sujet, dont l’Auteur a paru fort accoûtumé aux Déclamations,
& fort passionné pour l’Espagne, mais fort peu aux véritables maximes qu’il
faut suivre dans le Gouvernement des grands Monarchies, & par conséquent,
dont les écrits sont plus dignes de mépris que de réponse. Il faudroit renoncer
à toutes les amitiez & à toutes les Alliances, si nous estions sans cesse
agitez de cette vaine apprehension, que ceux qui sont aujourd’hui nos amis,
peuvent cesser de l’estre, & devenir un jour nons ennemis : La Prudence
oblige bien de se souvenir que cela est possible, & d’y apporter les
précautions necessaires : Mais la crainte d’une inconvénient incertain &
éloigné, n’a pas accoûtumé de rompre parmi les Sages, des résolutions dont il
revient une utilité présente & asseurée, & qui nous font éviter des
périls très dangereux. Les Ministres qui ont la conduite des grands Etats, se
doivent estimer bienheureux, quand pour fermer la bouche à ceux qui leur
portent envie, ils n’ont qu’à se justifier envers le public, des avantages
qu’ils acquierent à leur maitre, & qu’ils n’ont pour censuer de leurs
actions, que ses ennemis declarez ou couverts.
L’Angleterre n’est séparée de la
France que par un Canal de Mer ; La situation des deux Roiaumes, &é la
commodité des peuples qui les habitent les a obligez de tout temps défaire une
infinité de Traitez ensemble (dont les Auteurs sont remplis) pour affermir leur
amitié, conserver leur société, & regler leur Commerce : Il ne nous
appartient pas de controller les secrets de la Providence, ni d’examiner trop
curieusement pourquoi elle permet les changemens qui arrivent parmi nos
voisins, dans la religion ou dans l’Etat : Nous ne sommes pas obligez pour cela
de rompre avec eux le Commerce, la société et l’amitié que le voisinage oblige
d’entretenir, & que le peuple de Dieu a souvent establie & observée
religieusement avec des Rois & des Nations infidelles.
Il s’est fait tant de differents
discours sur le dernier Traité fait entre la France & l’Angleterre, que
j’ai crû devoir donner au public la lecture de quelques pièces qui me sont
tombées entre les mains, dont même on peut faire voir les Originaux qui
contiennent la preuve de tout ce qui s’est passé en cette affaire, & qui
font connoître les précautions que le Roi a prises dans les conditions de
l’Alliance, pour empêcher que la Religion Catholique ne puisse jamais recevoir aucun
trouble, ni préjudice, & il ne faut pas douter que sa majesté n’ait usé de
la même prévoiance pour son Etat, dont les secrets ne doivent pas estre
divulguez.
L’on ne doit pas s’etonner si en
un temps où les ennemis declarez de cette Monarchie, ont tant de Partisans et
d’Emissaires parmi nous, il se trouve des esprits qui ont l’audace de censurer
nos avantages qu’ils ne peuvent souffrir : Ce n’est pas l’interest de la
Religion qui les touche dans nôtre union avec les Anglois, quoiqu’ils en
fassent parade : c’est qu’il leur fâche de voir le parti des Espagnols affaibli
par ce moien, & que toutes les recherches, & toutes les offres qu’ils
ont faites aux Anglois depuis les changemens arrivez en ces Roiaumes-là, pour
les engager dans une guerre ouverte contre nous, n’aient zservi qu’à produire
un effet tout contraire, & à former (par la prudence de ceux qui conduisent
les affaires de sa majesté) une liaison plus étroite d’interest & d’amitié
entre la France et l’Angleterre. Il n’y a point de personnes des interessées
qui ne soient obligées d’avoüer, qu’outre les autres grands préjudices que nous
eussions receus de l’union des Espagnols & des Anglois contre nous par la
perte de Calais, que les premiers avoient offert de faire tomber au pouvoir des
autres, il eût fallut perdre l’esperance de la Paix pour longtemps, &
peut-estre pour jamais, & demeurez exposez à la necessité , ou de soûtenir
une Guerre des-avantageuse contre deux puissans Ennemis joints ensemble ou de
recevoir des conditions iniques dans un Traité de Paix semblables à elles qui
sont contenües dans tous les precedens aui ont esté faits entre la France &
l’Espagne, où le premier article confirme toûjours les pertes & les
renonciations qui furent faites par le Traité de Madrid pendant la prison du
Roi François. Tous ceux qui ont quelque connoissance des maximes ambitieuses de
la Monarchie d’Espagne, & qui se souviendront encore de sa conduite pendant
la Ligue, & dans les autres occasions qui se sont presentées depuis, ne
mettront point en doute que si elle voioit quelque apparence de nous pouvoir
entierement ruïner, ou par nos voisins, ou par nous-mêmes, elle en laissât
échapper l’occasion pour pour faire cesser une bonne fois les obstacles que
nous apportons sans cesse à ses vastes desseins, qui vont assujettir sous sa
Domination tout les reste du monde, dont elle croiroit venir à bout aisément,
si la France estoit ruïnée, ou notablement affaiblie par les armes des ses
Ennemis, ou par des divisions domestiques.
La jonction de l’Angleterre avec
la France nous met, graces à Dieu, dans un éstat bien different, soit que nous
soions forcez malgré nous de continuer la Guerre contre l’Espagne, soit que
l’on entre en Negociation avec elle, où vrai-semblablement elle n’aua plus
l’asseurance de demander des conditions inégales & injustes qu’elle a
prétenduës jusqu’à present, avec la même obstination que si elle estoit en
posture de donner la Loi souverainement. Je puis parler en ces termes, puisque
sur le point le plus important du Traité, qui est celui des Alliez, où
l’honneur est plus particulierement interessé, & duquel les grands Princes
ont accoûtumé d’avoir plus de soin que de tous les autres interests ; elle a
toûjours eu l’audace de vouloir établir avant toutes choses cette injurieuse
inégalité, que tous ses Alliez soient compris & rétablis par le Traité,
& qu’il n’y soit point parlé de quelques-uns des nôtres ; prétention qui
est sans exemple, aussi-bien que contre toute raison, & à laquelle
l’honneur ne permettroit jamais de consentir, quand les Esapgnols auroient le
même avantage sur nous, que Dieu nous a donné sur eux depuis la naissance de
cette Guerre. Il faut donc demeurer d’accord, malgré l’artifice des
Declamateurs et des Sophistes, qui ont publié des libelles au contraire, que
jamais il n’y eut rien de si necessaire, ni de conclud si à propos, que nôtre
nouvelle union, avec l’Angleterre, qui non seulement nous asseure de l’amitié
d’un puissant Royaume nôtre plus proche voisin, amis nous garantit de tout ce
que nous en pouvions craindre. Que ne diroient point ces Declamateurs, si elle
se fût unie à l’Espagne contre nous : Ce seroit en ce cas qu’ils pourroient
avec raison accuser de peu de prévoiance ceux qui gouvernent les affaires du
Roi, s’ils n’avoient pas sceu éviter un si dangereux coup ; le préjudice réel
que nous en ussions receu, eût rendu leur censure en quelque façon legitime, au
lieu que maintenant nous pouvons avec plaisir les voir crier & se plaindre
de ce que le parti du Roi est si considerablement fortifié, & que
l’acquisition d’un Allié de cette importance, nous met en estat de reduire
bien-tôt l’Ennemi commun à consentir la Paix sous des conditions raisonnables.
L’on ne peut y trouver à redire, sans faire le procés à tous les sages
Ministres qui ont gouverné les deux Etats depuis plusieurs Siècles, & sans
condamner la mémoire et les actions du plus sage de nos Rois, qui est Henri le
Grand. Personne n’ignore que ce fût l’un des plus grands Politiques de son
temps, et qu’il eût un conseil composé de tres habiles & très-grands
personnages, reconnus & estimez pour tels de toute la Chrétienté : Il
considera toûjours les veritables interests de son Etat, & s’y attacha
solidement, comme doit faire un Prince prudent, sans s’arrester aux discours
des esprits preoccupez, ou de superstition, ou de quelque autre passion. Il
envoia de son temps une personne de confiance, & de grande condition en
Angleterre pour renouveller une étroite confederation avec la reine Elizabeth,
où les Provinces-Unies des Païs-Bas entrerent aussi, & en fit une pareille en
même temps avec la plupart des Princes Protestans d’Allemagne. Ce grand Prince
aiant consideré que la Maison d’Austriche avoit acquis une puissance redoutable
à tous les autres Potentats par l’union des Etats qu’elle possede dans
l’Allemagne & dans les Païs-Bas, à tous les Roiaumes d’Espagne, ausquels
elle avoit ajoûté par usurpation ceux de Navarre & de Portugal du côté de
l’Espagne, celui de Naples, l’Etat de Milan, & plusieurs autres
Principautez en Italie, & les Roiaumes de Hongrie et de Boheme du côté de
l’Allemagne ; que sans cesse elle muguetoit celui de Pologne, comme elle fait
encore aujourd’hui ; quelle tâchoit d’attacher à elle par alliance tous ceux
qu’elle ne pouvoit pas encore assujettir, que par ce moien elle avoit formé le
dessein d’envahit toute l’Europe, à l’execution duquel elle travailloit
ouvertement. Ce grand Pricne, dis-je, jugea necessaire de l’avis par son sage
Conseil, de former un parti qui pû balancer une si dangereuse puissance, ou du
moins apporter quelque obstacle a ses entreprises. Et comme la plupart des
Princes Catrholiques se trouverent engagez dans le parti d’Espagfne, &
qu’il ne s’agissoit pas d’aucun poinct ou differend de Religion, mais seulement
d’un interest d’Etat fort pressant, qui obligeoit tous les Souverains de songer
serieusement aux moiens de prevenir leur ruïne, & asseurer leur
conservation, il fit (comme il a esté dit) une étroite confederation avec
l’Angleterre, les Provinces-Unies des Païs-Bas, & la plupart des Princes
Protestans d’Allemagne. Je ne sçais pas si alors il se trouva des esprits comme
ceux aujourd’hui, qui par un zele indiscret, ou par une preoccupation plus
criminelle, trouverent à redire cette resolution, mais elle fut loüée de tous
les Sages, & la suite des temps l’a fait reconnoître aussi prudente que
necessaire. Lors qu’on fut assemblé à Vervins pour traiter la Paix en la France
& l’Espagne, avant qu’entrer en aucune matiere, l’on demanda la seureté,
& le temps pour y faire venir les Deputez d’Angleterre et des
Provinces-Unies. La demande fut trouvée juste, même par le Legat du Pape qui
presidoit à l’Assemblée : S’il y eût juste quelque chose d’extraordinaire dans
cette instance, ou qui eût tant soit peu choqué la Religion, Henri le Grand qui
estoit encore dans les ferveurs de sa nouvelle conversion, qui avoit de grandes
obligations au Pape Clement VIII. , d’avoir méprisé toutes les cabales &
oppositions des Espagnols pour le recevoir dans le Giron de la vraie Eglise,
& qui pour ces considérations estoit obligé de demeurer dans une grande
retenüe sur le fait de la Religion, n’eût pas manqué de s’y conduire d’une
autre saorte ; mais il ne laissa pas de prendre dans le cours de la
Negociation, le même soin des interests de ses Alliez (quoique de la Religion
Protestante) que des siens propres, sans qu’on y trouvât rien à redire. Lors
qu’en 1631. 1633. & 1636, l’on jugea à propos de porter les armes de France
en Allemagne, & de les joindre à celles du Roi de Suede, pour garantir les
anciens Alliez de cette Couronne de l’oppression de la Maison d’Austriche, qui
sous la conduite du Valstein, avoit réduit tout l’Empire dans une honteuse
servitude : Le feu Roi de glorieuse memoire, qui estoit un Prince rempli de
grande pieté, aimant passionnément sa Religion, & qui avoit alors pour
Directeur de ses affaires & de ses Conseils, le Cardinal de Richelieu,
& sous lui un Religieux Capucin, tous deux grands Theologiens, ne fit pas
scrupule de conclure par leur avis toutes ces Alliances à Bervvalde, à
heillebron, & à Vismar, & de les renouveller par deux fois à Hambourg,
nonobstant les infames libelles qui furent publiez en ce temps-là dans les
Païs-Bas pour censurer ces traitez par des raisonnemens, & des termes
semblables dont on se sert aujourd’hui dans ces remontrances qui courent, qu’on
sait tres-bien venir du même lieu, quoi qu’elles soient composées en nôtre
Langue, & qu’on tâche avec beaucoup d’artifice, de dorer du specieux
pretexte de Religion & de Conscience, la drogue Espagnole dont on veut
empoisonner les esprits. Dans l’Alliance qui fut renouvellée en 1635, plus
étroitement qu’elle n’avoit esté auparavant avec les Provinces-Unies, pour
attaquer la Flandre, & le reste des Païs-Bas conjointement, il fut dressé
un partage où la plus grande partie des grandes Villes devoit tomber sous la
domination des Hollandois, sans que l’on eût establi aucunes bornes à leurs
conquestes, non plus qu’à celles de la Suede, & des Princes Protestans en
Allemagne, où l’on s’estoit contenté d’asseurer la conservation de la Religion
Catholique dans les lieux qui seroient conquis. Chacun a veu les efforts qui
ont esté faits, & les assistances extraordinaires qui ont esté envoiées
pour favoriser les entreprises des Suedois et des Hollandois, & chacun les
a trouvez justes et dignes de loüanges : au lieu que dans la Confederation qui
vient d’estre renouvellée si à propos avec les Anglois, pour empêcher leur
jonction avec l’Espagne, & prévenir les entreprises où l’on vouloit les
engager du côté de la Rochelle & de la Guienne ; après avoir envoié jusques
dans Madrid offrir au Roi d’Espagne, la Paix, à des conditions (comme chacun
sçait) tres-raisonnables et moderées, veu l’estat present des affaires ; l’on a
heureusement terminé toutes leurs prétentions à la seule Place de Dunkerque,
quoique leur Religion soit la même que celle des Hollandois, & que leur
union ne nous fasse que nous remettre au même estat que nous nous trouvions
lors que les Provinces-Unies estoient dans nôtre Confederation : avec cette
difference toutesfois, qui si elles eussent persisté dans le dessein projetté
par le Traité qu’elles avoient fait avec nous, & que leurs Armes eussent
prosperé, comme il y a tres-grande apparence que cela fust arrivé, si elles ne
se fussent pas separées des nôtres, leur Estat pouvoit devenir maître de la
plus grande partie des Villes des Païs-Bas, & les Anglois sont réduits à
une seule. Je ne crois pas qu’il estoit necessaire d’en parler davantage ;
j’apprehende même de m’estre dejà trop étendu sur une question où il n’y a
point de raison de douter, & où il paroît visiblement que la même passion
qui mépriser honteusement à quelques particuliers les devoirs de leur
naissance, & les attaches aux interests d’une Couronne ennemie, les pousse
maintenant à blâmer & décrier les plus prudentes resolutions, qu’on pouvoît
prendre à l’avantage du Roi, & de son Estat.
Mais pour leur fermer la bouche,
& convaincre leur malice, il ne faut que jettter les yeux sur les pieces
cottées dans cet écrit, qui feront voir, que jamais dans aucun Traité l’on n’a
mis à couvert les interests de la Religion Catholique en des termes si forts,
ni avec des précautions si expresses qu’en celui-ci.
La première qui est la veritable
Copie du Mémoire presenté en 1655 à Monsieur le Protecteur d’Angleterre, par le
Marquis de Leyde Ambassadeur extraordinaire du Roi d’Espagne, & Alonso de Cardenas
son Ambassadeur ordinaire, fera voir avec quelles bassesses les Espagnols ont
recherché l’Alliance des Anglois pour les engager à la Guerre contre nous, en
leur offrant Calais, sans même avoir parlé d’y conservé la Religion Catholique,
dont il n’est pas croiable qu’ils eussent pris plus de soin, qu’ils en ont eu
pour Boisleduc, Breda, Graves & toutes les autres Places qu’ils ont cedées
à Messieurs les Etats par le Traité qu’ils ont fait avec eux à Munster,ou pour
gagner mieux les bonnes graces, & les détacher plus facilement de nôtre
Alliance, ils ont abandonné lâchement en ces lieux-là l’interest de trois cent
mille ames, ausquelles ils n’ont pas seulement conservé l’exercice de leur
Religion.
La seconde & la troisième
monstrent les soins que le Roi a pris par les Traitez faits entre sa Majesté
& Monsieur le Protecteur d’Angleterre l’année dernière & la presente,
& les clauses pressantes qu’elle y a fait inserer, pour empêcher que la
Religion Catholique ne puisse jamais recevoir aucun trouble ni préjudice.
La quatrième, qui est la promesse
solemnelle donnée à sa Majesté par Monsieur Lokhart Ambassadeur de Monsieur le
Protecteur, & Gouveneur de Dunkerque, lorsque la Place lui a esté
consignée, confirme les précedentes promesses, & oblige solemnellement
Monsieur le Protecteur de les executer, aussi bien que les Articles de la
Capitulation accordée aux Bourgeois de la Ville, tant pour ce qui regarde
l’exercice de leur Religion, que la jouïssance de leurs Privilèges : à quoi il
n’y a pas sujet de croire qu’il arrive jamais aucun manquement ni
contravention."
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