par le Docteur L. Dewevre, Maire de Petite-Synthe
Extrait du Tome XXIII du
"Bulletin de l'Union Faulconnier", Dunkerque, 1926
Si tout le monde reconnait que
les deux communes de Grande et Petite-Synthe ont dut former autrefois une seule
commune nommée Sinte et que Petite-Synthe, à l'époque de son détachement était
un petit hameau d'une importance bien inférieure à celle de la commune mère,
personne n'a pu fixer jusqu'à présente, même d'une façon approximative la date
de cette séparation.
Or nous avons pu établir d'une
façon à peu près exacte la date de cette séparation en confrontant ensemble
certains documents que nous avons trouvés dans diverses archives. Le dernier
document où il est encore fait mention de Sinte (tout court) remonte au mois de
mars 1268. Au point de vue qui nous occupe il a une importance capitale. Nous
avons trouvé ce document dans les archives de l'Abbaye des Dunes. Il a trait à
une reconnaissance par Jean, doyen de la Chrétienté de Bergues d'une cession
faite à l'abbaye des Dunes, par Jean Vos, d'Aremboudscappelle (signalons en
passant que cette dénomination est une transition entre Erembaldi-Cappelle et
Armbouts-Cappel) d'une rente annuelle, de douze sous, trois deniers, d'une
obole assignée sur cinq mesures de terres, appartenant à ce monastère et
voisine de leur ferme de Sinthe à Eremboudscappelle.
Pour bien comprendre le sens de
cette donation, il faut savoir d'abord que si la ferme de Sinthe appartenant à
l'abbaye des Dunes existait bien à Synthe (ferme Debavelaere actuelle), elle
comprenait beaucoup de terres de l'autre côté du canal de Bourbourg sur Armbouts-Cappel,
ce qui avait obligé les moines, comme nous l'avons dit ailleurs, à faire un
pont de communication sur le canal de Bourbourg. Une ferme n'était pas
seulement alors un bâtiment mais toute la terre dépendant de l'exploitation? Il
faut savoir ensuite qu'à cette époque, et la chose dura jusqu'à la Révolution,
il était d'usage de faire des donations par testament sous forme de rentes
foncières.
On laissait telle terre à un
parent, mais on laissait à un autre, tel revenu sur cette terre. Cet usufruit
se léguait par héritage et la terre tout en passant aux mains de différents
propriétaires, restait grevée à perpétuité de cette espèce de servitude de
rente.
Dans le cas qui nous occupe, il
est fort probable que les moines venaient d'acheter ces cinq mesures ou
venaient d'en hériter. Ils étaient ennuyés d'avoir une sorte d'hypothèque non
remboursable sur des terres, hypothèque qui appartenait à Jean Vos. Il est à
remarquer que ces terres ne devaient pas avoir grande valeur, tout au moins lors
de l'établissement de la rente qui pouvait, à vrai dire, remonter à plusieurs
siècles, puisque le donateur pour pouvoir assurer cette rente de 12 sous 2
deniers, une obole avait été jugée nécessaire de la gager sur cinq mesures de
terre. Il est possible aussi que cette précaution avait été prise pour ne pas
trop déprécier la terre, une mesure frappée seule de cette rente, devait
évidemment perdre beaucoup plus de sa valeur qu'en en rapportant un cinquième.
Ce qui nous intéresse dans ce
document, c'est qu'en 1268, il n'y avait pas encore deux paroisses distinctes à
Synthe.
Or, en avril 1298, le roi de
France dans un acte signé par lui à Saint-Germain en Laye, nous parle de
Petite-Synthe qu'il appelle Sintine Capelle.
Voici la copie que nous avons
faite de ce document si important pour l'histoire de notre commune.
"Philippe, roi des Français,
voulant récompenser les services de Simon Lauwart et l'indemniser des pertes
qui s'élèvent à 2.400 livres de pars, lui cède en échange de quelques biens et
revenus, d'autres domaines et notamment un moulin à vent à Sintine Capelle et
la mairie et châtellenie de Bourbourg qui avait été confisquée sur le Comte
Guy. Fait à Saint-Germain en laye, au mois d'Avril de l'année du Seigneur
1298"
Nous voyons donc que la division
de la paroisse de Sinte s'est effectuée entre les dates de ces documents de
1262 à 1298.
Nous avons essayé de serrer le
problème de plus près et avons cherché un document nous rapprochant davantage
encore de la date exacte. Or nous avons trouvé carton E, N° 97, archives du
Conseil de Flandre à Gand, un document des plus intéressants pour nous. Il
s'agit d'un testament fait par un clerc de l'église de Mardyck appelé Adam. Cet
Adam était originaire de Mardyck, son frère guillaume, appelé Guillaume de Mardyck
était religieux à l'Abbaye des Dunes. Il fut l'exécuteur testamentaire d'Adam,
avec Jean de Rexpoëde, curé de Merckeghem, et Henri de Slipe, chapelain de
Furnes.
Or, parmi les très nombreuses
donations faites aux églises de Mardyck, de Loon, de Spycker, de Coudekerque,
de Dunkerque, de Ghyvelde, de Zuydcoote, nous relevons une donation de six sous
à la table des pauvres de l'église Zintine (Zintine Templum) (Grande-Synthe) et
la même somme à la table des pauvres de l'église de Zintine Capella (petite-Synthe).
Or le testament date de 1273,
c'est donc entre 1262 et 1273 que la division avait eu lieu, remarquons qu'Adam
donne la même somme aux deux paroisses, ce qui permet de supposer qu'elles
étaient déjà d'importance à peu près égale, et qu'en conséquence Petite Synthe,
Zintine Capella, n'était pas née de la veille.
Remarquons, en outre, que notre
paroisse semble déjà bien organisée. Il ne s'agit pas d'une chapelle de
secours, mais d'une vraie paroisse pourvu de son bureau de bienfaisance (table
des pauvres).
Nous avons pensé, qu'en raison de
l'importance de cet acte de séparation, nous devrions en trouver trace, soit
dans les Archives du Décanat de Bergues, soit dans celles de l'Abbaye de
Saint-Winoc, mais nous n'y avons rien trouvé. Nous n'avons pas été plus heureux
en dépouillant des archives du comte de Flandre de l'époque.
Marguerite de Flandre, femme de
Guillaume de Dampierre, était héritière du Comté de Flandre qui devait revenir
à son fils Guy (Guy de Dampierre, né en 1225). Dès 1251, elle l'avait associé à
son gouvernement et lui laissa le pouvoir intégral en 1278.
C'est donc sous le règne de la
Comtesse Marguerite que la division s'est faite, mais nous n'avons pu trouver
dans ses chartes, aucune allusion à notre séparation. En tout cas, nous pouvons
admettre, comme date de séparation, l'année 1268 et si nous nous trompons, nous
ne pouvons certainement nous tromper que de quelques mois.
Parmi les raisons qui nous ont
fait adopter cette date il en est une qui a sa valeur.
A cette époque, on se préparait,
en effet, à une nouvelle croisade et le fils de notre comtesse Marguerite, Guy
de Dampierre montrait à ce point de vue une activité débordante, secondé par
ses deux fils qui devaient l'accompagner en terre sainte.
Dès le mois de juillet 1268, le
pape Clément IV l'avait autorisé à encaisser toutes les dîmes qui avaient été
levées pour la croisade.
Guy de Dampierre, pour participer
à cette croisade, avait besoin d'argent, et comme l'argent devait surtout venir
de l'église, il avait distribué beaucoup de faveurs aux abbayes et aux
paroisses, espérant dédommager moralement les contribuables des lourdes dîmes
qu'ils avaient dû fournir.
En 1269, les préparatifs de Guy
étaient terminés et le 4 juillet 1270, il s'embarquait pour la croisade à
Aigues-Mortes, avec le roi de France Louis IX.
L'administration de la Flandre
restait à la comtesse Marguerite, sa mère, alors âgée de 68 ans.
La création de la paroisse de
Petite-Synthe, réclamée par l'abbaye Saint-Winoc, fut donc vraisemblablement
une des faveurs accordées à cette abbaye à l'occasion de la croisade.
Disons, en terminant, qu'en
signant son testament, Adam nous prévient qu'il l'a écrit le lendemain de la
fête de Saint-Clément.
Si cette fête tombait alors comme
aujourd'hui le 23 novembre, c'est donc le 24 que le testament a été signé.
En résumé, la date de 1268 doit
être considérée comme celle de la division de l'antique Sintine en grande et
petite Synthe.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire