vendredi 31 mai 2019

la difficile place de trésorier-payeur général des guerres à Dunkerque en 1791


A MESSIEURS
MESSIEURS LES COMMISSAIRES DE LA TRESORERIE-NATIONALE

MESSIEURS,
Le sieur Martin, trésorier-payeur des guerres, au département de DUNKERQUE, à l’honneur de vous adresser une réclamation, dont les motifs sont puisés, dans l’équité, et que, par conséquent, votre justice ne peut qu’accueillir.
 
L’Assemblée nationale constituante a porté ses vues d’économie sur la partie des trésoreries. Les réformes qu’elle a ordonné étoient nécessaires, sans doute, puisqu’un meilleur ordre de choses les exigeoît. Mais l’équité du corps législatif ne lui a pas permis de perdre de vue les adoucissements qu’elle pouvoit réserver à ceux sur qui  alloient tomber les rigueurs de circonstances.
 
Cependant, si l’on peut dire qu’en général ces sortes d’adoucissement sont, en quelque sorte, un devoir de la législation, n’est-il aucuns caas où ce devoir ne satisferoit pas à l’exacte justice ? Le Sieur MARTIN ose le penser. Il fait plus, il ose croire qu’il est personnellement dans la position d’obtenir davantage : son remplacement. Quels sont ses titres pour le demander ?
  
Près d’un siècle de services rendus, soit par ses ancêtres, soit par lui, sans interruption, dans la même partie et dans les mêmes lieux, forme ce titre et fait l’apologie des principes d’honneur, de probité et d’exactitude qui leur ont mérité une confiance aussi longue. Les principes constitutionnels font des vertus et des talens des citoyens un devoir sacré aux bienfaits et aux récompenses du gouvernement ; celui qui les a reçus, comme un héritage de ses Pères, qui les a pratiqué, comme eux, ne pourroit-il pas s’en enorgueillir et les invoquer ?
 
Une longue possession, qu’on ne rappelleroit que pour favoriser un abus, ne seroit pas un considération à faire valoir, mais lorsque cette possession est glorieuse, à ceux qui en ont joui, elle devient sans doute, d’une considération, même très puissante. Telle est la position du sieur MARTIN.
Son ayeul paternel a rempli la place de trésorier-payeur des guerres, au département de DUNKERQUE pendant cinquante-trois ans ; son père l’a exercée pendant trente-deux ans ; et lui-même, après avoir travaillé pendant vingt années dans les bureaux de son père, en est chargé depuis 1782.
 
Personne n’ignore que les departemens de la ci-devant Flandre maritime étoient  très conséquens, soit par les fortes garnisons qui y étoient entretenues, soit en raison des travaux considérables qui s’y faisoient.
 
Au service de DUNKERQUE étoient, et sont encore réunies ceux de BERGUES et GRAVELINES, ce qui nécessite des déplacemens frayeux et multipliés
 
Pendant la guerre de 1757 et 1758, le trésorier-payeur de DUNKERQUE a été chargé du service d’OSTENDE et de NIEUPORT, et jamais il ne lui a été accordé, ni indemnité, ni gratification.
 
Et cependant les appointemens de ce trésorier ont toujours été très faibles, quoiqu’il fut fixé dans une place maritime, où les vivres sont très chers, où les dépenses de toute espèce sont exorbitants, les commis très coûteux, et les les loyers à un taux au-dessus des plus grandes villes du royaume.
 
Celui qui a tant de motifs à faire valoir pour obtenir son remplacement dans le nouvel ordre des choses qui va s’établir, celui qui a supporté pendant un siècle tous les inconvéniens attachés  à un tel état, ne peut-il espérer de l’obtenir ? et ne doit-il pas l’emporter, à titre de justice, sur ceux qui, placés de puis un petit nombre d’années, ou qui, chargés de recettes partielles, et même passagères, viendront, sans doute le rivaliser, mais n’auront pas à faire valoir, ni des services aussi longs que ceux du sieur MARTIN, ni des travaux aussi conséquens, sur seux qu’un siècle de zèle, d’activité, de probité et de confiance méritée ne rendront pas aussi recommandables.
 
D’un autre côté, si le sieur MARTIN pouvoit se faire un mérite, de ce qui n’est qu’un devoir, il vous observeroit, MESSIEURS, que son amour pour la constitution et ses services sous ses étendards, devroient solliciter en sa faveur. Depuis le moment que l’ASSEMBLEE NATIONALE a mis dans la main des citoyens les armes destinées au maintien des loix et de la liberté publiques, le sieur MARTIN a servi avec ardeur, avec distinction même dans la garde nationale. M. EMMERY, actuellement membre du corps législatif, qui a commandé cette garde, depuis sont institution, M. EMMERY aux soins et au zèle infatigable de qui la ville de DUNKERQUE doit la parfaite sécurité qui y a régnée, qui avoit mérité la confiance du peuple, dont il surveilloit la tranquillité, en meme-temps qu’il le dirigeoit par ses conseils dans les moyens de la perpétuer, M. EMMERY rendroit sans doute au sieur MARTIN la justice de certifier qu’il a coopéré à ses travaux sous ses ordres.
 
M. COPPENS, aussi membre actuel du corps législatif, qui le premier a été promu à la présidence du département du Nord, qui, dans cette administration a déployé le zèle et les talens d’un véritable homme d’état, M. COPPENS, que la confiance bien justifiée d’une partie importante de l’empire français a appellé à ces importantes fonctions, ne refusera certainement pas au sieur MARTIN de rendre un témoignage honorable à sa probité.
 
Le sieur MARTIN, a donc une infinité de moyens à présenter pour appuyer son vœu d’être remplacé. Père d’une nombreuse famille, il est parvenu à l’âge de quarante-huit ans, et a employé ses plus belles années à acquérir les connoissances que demandoit l’état qu’il remplissoit, s’il en étoit dépouillé, n’est-il pas plus évident que ces connoissances, acquises par une longue et laborieuse application, seroient perdues pour lui pour l’avenir, et que l’on pourroit dire alors que la constitution elle-même feroit de lui un citoyen inutile à la patrie ; des motifs de tous les genres l’autorisent donc à penser que sa réclamation ne sera pas vaine : et, dans la persuasion où il est que votre justice, MESSIEURS, vous le fera penser, qu’il lui soit permis de vous observer qu’elle sollicite également de vous que ce remplacement se fasse de manière à ce qu’un éloignement trop marqué ne le rendit pas étranger, en quelque sorte, à ses propriétés et à ses alliances, dont les unes ont été acquises, et les autres contractées, sous la foi de ce même état que les circonstances lui enlèvent ?
 
Le sieur MARTIN a osé épancher son ame avec cette franchise qui caractérise l’homme honnête et vrai ; il a parlé avantageusement de ses ancêtres ; c’est un juste hommage qu’il a rendu à leur mémoire, il a parlé favorablement de lui-même, il le devoit à la compagne de sont sort, à ses enfans et à vous-mêmes, MESSIEURS, c’est en faveur des premiers qu’il réclame un état qui assure leur bien-être et leur éducation, et il falloit que vous fussiez à porter de connoitre les motifs qui doivent vous déterminer, puissiez vous, MESSIEURS, les accueillir ! ses vœux serioent remplis, et sa trop juste reconnoissance pour vous égaleroit son profond respect.
 
[Signature et date manuscrite] 
 
MARTIN
Dunkerque, le 27 9bre 1797
 
A DUNKERQUE, DE L’IMPRIMERIE DE DROUILLARD, RUE DE BAR, E. N° 184

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire