In M. Thiéry – 1914-1918 le Nord de la France sous le joug
allemand – Paris 1919
« A ARMENTIERES
Armentières, tour à tour occupée et bombardée par les
Allemands, subit le joug odieux des Barbares. Elle fut reprise aux hordes
germaniques par nos vaillants amis anglais après une semaine de sanglants
combats. Mais avant de l’abandonner, les misérables lui ont fait subir le sort
qu’ils réservaient à toutes les villes qui leur échappaient. Ils bombardèrent
la ville pendant plusieurs jours, transformant cette industrieuse cité en une
torche immense, visant ostensiblement les principaux monuments, tuant soixante
personnes et en blessant plus de cent vingt. Parmi toutes ces victimes, on ne
comptait pas un soldat. Comme dans tous les grands centres industriels, les
Allemands se sont acharnées sur les usines. Une filature a reçu, à elle seule,
plus de quarante obus.
Houplines, le grand faubourg d’Armentières, a été, pour
cette raison, le point de mire des vandales teutons. Pas une maison ne fut
épargnée et c’est par centaines que l’on compte les immeubles complètement en
ruines. Toute la partie droite de la mairie d’Houplines, si coquette et si
élégante s’est effondrée. L’église Saint-Charles, bijou d’architecture, n’est
plus qu’un monceau de décombres.
La vie commerciale et industrielle est morte à Armentières.
Eau, gaz, électricité, épiceries, postes, tout a été détruit. Mais les
courageux citoyens qui y sont demeurés ne désespèrent pas de rendre à leur
ville son activité d’avant la guerre. Déjà, ils s’appliquent avec ardeur à
réparer le désastre. C’est avec simplicité qu’ils racontent les angoisses
qu’ils ont subies, les épreuves qu’ils ont traversées, ils narrent en détail
les souffrances qu’a endurées le désastre. Armentières a été occupée deux fois
par les Allemands. La première fois, ils n’y commirent pas trop de dégâts, se
contentant de piller les magasins d’alimentation, de retenir comme otages à la
mairie pendant vingt-six heures les deux plus jeunes prêtres de la ville,
n’ayant pour se reposer qu’une simple chaise. Mais à leur retour, quelques
jours plus tard, ils se rattrapèrent. Sous prétexte de réquisitions, ils
forcèrent les habitants à leur livrer tout ce qu’ils possédaient. Le pillage fut
organisé méthodiquement et quiconque ne se soumettait pas assez vite à leurs
ordres était menacé d’exécution sommaire. Les conseillers municipaux demeurés à
Armentières et tous les présidents des corporations de fabricants furent
arrêtés comme otages et gardés cinq jours à l’hôtel du Comte d’Egmont, où
siégeait l’état-major allemand. Ils furent même sur le point d’être fusillés,
parce qu’une patrouille avait ramassé dans une rue le cadavre d’un soldat
prussien. Le gouverneur de la ville, prévenu, ordonna l’exécution immédiate des
otages. Déjà, toutes les dispositions étaient prises et les malheureux allaient
être traînés au poteau, lorsqu’un événement imprévu se produisit. Un officier
vint avertir le gouverneur qu’il s’agissait d’un ivrogne, victime d’une rixe
entre soldats allemands. Le général n’ose pas, dans ces conditions, donner
suite à son sinistre projet.
Depuis, Armentières, « pauvre et fière », comme on
l’a appelée, n’eut plus à souffrir du fait de l’occupation ennemie. Et les
millions perdus n’ont pu abattre l’énergie de ses vaillants habitants.
D’ailleurs, la garde anglaise a veillé et protégé la courageuse et malheureuse
ruche, momentanément privée de ses industrieuses abeilles, car un sixième
seulement de la population était demeuré dans Armentières. »
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