In R. BETHEGNIES « La Défense de Dunkerque », ed.
Desmailly, Lille, 1950, 412 p, pp278-280
Histoire simple et courte que
celle de ce siège. Pas d’assauts meurtriers d’infanterie contre des murailles « à
la vue imprenables » et bordées d’un large fossé rempli d’eau sur presque
tout le pourtour. Les assaillants savent que, même avec de faibles moyens matériels,
des défenseurs décidés peuvent les tenir longtemps en respect.
Mais nous ne sommes plus à l’époque
de la couleuvrine, de l’arbalète et de l’huile bouillante. L’artillerie
puissante et l’aviation moderne dont dispose l’ennemi sont entrées en action.
Les bombardements, commencés le
27 mai, se sont poursuivis par intermittence les jours suivants, et même de
nuit, avec une intensité accrue à partir du 31. Batteries de 77, 105 et 150,
minenwerfers, Stukas, ont
systématiquement pilonné la ville, les fortifications et les environs du
cimetière. Résultats tragiques : nombreuses victimes parmi les troupes
britanniques et la population civile (une quinzaine de personnes tuées rien que
dans une casemate effondrée) ; destruction de maints immeubles, incendie
de l’hospice et de l’admirable et vieux beffroi. Mais les résultats sans profit
pour l’infanterie allemande, dont deux tentatives d’approche du Sud-Est ont d’ailleurs
échoué devant les feux des cavaliers du DCI commandés par le capitaine D’Halluin.
Echec aussi à l’Ouest de la place où plusieurs chars adverses, accompagnés de
fantassins, se sont avancés sur la route de Bierne jusqu’au pont tournant du
canal, devant le point d’appui de Cie 4/271 (lieutenant Courcou) ; après
un vif engagement d’une heure avec la section de l’aspirant Landais, l’ennemi s’est
retiré en laissant sur le terrain des blessés que des blindés sont ensuite
venus chercher.
Dans Bergues même, des coups de
feu ont été tirés sur nos troupes, des patrouilles effectués par le DCI ont
permis de découvrir dans une maison une mitrailleuse lourde Maxim sur affût en parfait état, avec
deux caisses de bandes de 500 cartouches ; quant aux tireurs, aucune trace…
Le Ier juin, le bombardement par
artillerie devient très violent. Au début de l’après-midi, nouvelles attaques
aériennes en piqué. Pertes assez sensibles parmi la garnison. Les Britanniques
sont partis vers Dunkerque sans prévenir personne, abandonnant la Porte de
Cassel qu’ils tenaient jusque là. Sur ordre du chef de bataillon Martin, le DCI
doit alors prendre à son compte la défense de cette porte ; mais au cours
d’une reconnaissance de la position avec le capitaine D’Halluin et le
lieutenant Wallaërt, un obus tombe à quelques mètres du petit groupe d’officiers,
blessant grièvement le commandant à la tête (œil crevé par un éclat) et le
lieutenant à la cuisse, tandis que le capitaine s’en sort avec de simples
contusions. C’est finalement le 15e RTT (Cie du Capitaine Moffroid)
qui desserre ses rangs pour remplacer les Anglais. Le capitaine Labart-Camy,
cdt de la Cie 174/2, prend le commandement de la place.
Dans la soirée, les Allemands
progressent jusqu’au chemin joignant le faubourg de Cassel à la route de
Rexpoëde. A la faveur du bombardement et des hautes broussailles qui couvrent
le glacis sud-est des fortifications, ils s’infiltrent dans celles-ci devant
les positions du DCI, où le profond fossé entourant les demi-lunes et
contre-gardes étaient à sec. Faute de grenades et de mortiers, les défenseurs
ne peuvent réagir efficacement. Nos cavaliers n’ont d’ailleurs plus que deux
F.M. et une mitrailleuse en état de fonctionnement.
Nous voici le dimanche 2, dernier
jour du siège de Bergues. La ville est étroitement investie, sauf au Nord. Mais
de ce côté le Génie a fait sauter les ponts, isolant ainsi la garnison dont le
moral est quelque peu ébranlé depuis le départ des Britanniques. Déjà un
drapeau blanc a été hissé sur un mât à l’insu du capitaine Labat-Camy, qui l’a
fait enlever.
Toute la matinée, l’artillerie
adverse poursuit ses tirs de destruction. Vers 11h30, le 15e RTT
disperse un important groupe d’Allemands aux abords de la porte de Cassel, lui
infligeant des pertes par un feu précis. Tapies dans le fossé Sud-est des
remparts, abritées des projectiles par les ouvrages extérieurs, des sections d’assaut
sont prêtes à bondir dans la première brèche qui sera pratiquée dans la muraille
par des pionniers chargés de leur ouvrir l’accès de la place.
A 14 heures se déclenche une
violente attaque aérienne par Stukas,
sans que l’artillerie ralentisse son action. Toutes les positions sont
littéralement pilonnées. Nos guetteurs ne peuvent que très difficilement
observer les mouvements ennemis, tant est dense la fumée des explosions.
Vers 15h 30, une torpille tombe
sur le haut de la muraille près de la Plaine, y creusant une grande brèche,
tandis que les débris de maçonnerie s’accumulent au pied. Le travail des
pionniers boches est ainsi simplifié. Sans attendre la fin du bombardement, les
assaillants armés de lance-flammes, se précipitent dans Bergues. Et avant même
que les défenseurs reviennent de leur surprise, ils sont pris à revers et faits
prisonniers avec leur commandant blessé.
Au confluent des canaux de
Bergues et de la Haute-Comme, la Cie 4/271 RI, maintenant en pointe, est
aussitôt attaquée à l’Est et au Sud. Un combat sévère est ici engagé et qui
durera deux heures.
Installés sur les remparts, les
Allemands dominent le point d’appui du cimetière dont ils ne sont séparés que
par la largueur de la voie navigable. C’est presque à bout portant qu’ils
tirent sur nos fantassins mal abrités dans des trous. Leurs mortiers de
campagne bombardent la position. Puis une attaque à la grenade se déclenche.
Les stigmates de la dernière guerre, pas encore effacés en 1961
Les fusiliers-voltigeurs des Iere
et 2eme sections, stimulés par le lieutenant Hoog qui fait lui-même le coup de
feu, résistent avec courage. Un douanier qui s’était spontanément joint à eux
est tué. Plusieurs blessés, dont le caporal Boré, continuent néanmoins à tirer.
Un F.M. s’est enrayé après quelques rafales ; le second est mis hors d’usage
par un projectile de mortier. Nos hommes n’ont plus que leurs fusils pour se
défendre contre un adversaire supérieurement armé et qui reçoit sans cesse des
renforts.
Vers 17h45, des avions
mitraillent toute la position, pendant que des éléments ennemis
franchissent le canal au nord du
cimetière sur une péniche malencontreusement coulée en travers par des obus.
Prises à revers, dépourvues de munitions, les deux sections aux ordres du
lieutenant Hoog sont faites prisonnières. Quelques minutes plus tard, la 3e
section de l’aspirant Landais, et une partie et une partie de la 2e
Cie du 341 RI subissent le même sort. Le lieutenant Courcou, qui a échappé de
justesse à ce « coup de filet », se retranche avec ses derniers
éléments à l’Ouest de la voie ferrée ; mitraillés par des avions et
menacés d’encerclement vers 19 heures. Ils tentent de se replier, mais sont à
leur tour capturés.
La route de Dunkerque est
complétement libre jusqu’aux Sept Planètes où l’ennemi va se heurter à un
solide barrage.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire