In Mgr Dehaisnes, Le Nord
monumental et artistique, Lille, imprimerie Danel, 1897
"La "Bourse" de Lille - M. Léon
Palustre dit, dans son ouvrage sur La Renaissance en France, que "la
Bourse de Lille est un chef-d’œuvre et l'un des plus remarquables à tous
égards, de l'architecture flamande au XVIIe siècle". Et il ajoute :
"difficilement trouverait-on ailleurs une plus grande habileté de
composition et une aussi parfaite entente des effets décoratifs".
C'est un édifice en forme de
parallélogramme, dont l'extérieur présente sur ses quatre faces, vingt-quatre
maisons de marchands, et l'intérieur de la Bourse proprement dite.
L'intérieur, local où les
négociants se réunissent pour traiter de leurs affaires, est formé d'une cour à
ciel ouvert, longue de 19 mètres et large de 13m60, entourée de quatre galeries
couvertes supportée par vingt-quatre colonnes en pierre noire polie. Les
galeries dans lesquelles on pénètre du dehors par quatre entrées, sont pavées
de larges dalles et offrent une coûte en briques décorées d'arcs doubleaux et
de nervures croisées; elles sont surmontées d'un étage reposant sur une plinthe
portée par des têtes de léopard qu'unissent des guirlandes de fleurs en pierre
blanche, et percée de riches fenêtres à meneaux, moulures et balustres très
bien sculptés, que domine une corniche encore beaucoup plus ornementée;
Ce qui est surtout remarquable
dans la Bourse de Lille, ce sont ses quatre façades extérieures, formées comme
nous l'avons dit que vingt-quatre maisons de marchands. L'architecte a tracé,
sur chacune des quatre façades, de grandes lignes architecturales dans
lesquelles entrent des maisons qui présentent toutes un plan uniforme et la
même ornementation; il a couvert cet ensemble d'une seule toiture de manière à
imprimer à son œuvre un caractère d'unité, un aspect monumental. Le
rez-de-chaussée réservé aux magasins des marchands, est construit, depuis le
sol jusqu'au premier étage, en larges grès en bossage et à refends, qui
rappellent les palais de Florence. Les portes d'entrée des maisons sont petites
et étroites; au contraire les fenêtres, qui doivent servir pour l'étalage des
marchandises, sont larges, hautes et surmontées d'un tympan à objet sculpté
C'est un ensemble simple et sévère, auquel les quatre entrées centrales avec
colonnes, cartouches, cornes d'abondance et écussons aux armes du Roi, donnent
un caractère monumental. Les deux étages qui surmontent le rez-de-chaussée,
présentent l'aspect le plus riche; ils sont couverts de motifs sculptés. Entre
leurs fenêtres, qui sont garnies de meneaux, de moulures, de volutes et de
frontons brisés avec cartouche, montent alternativement des pilastres cerclés
de bandes et des gaines de fleurs d'où sortent des cariatides. Ces cariatides
représentent ici une tête d'enfant, là une jeune fille, ailleurs un homme et
une femme d'un âge mur, plus loin un vieillard à longue barbe; l'un porte avec
aisance la corniche qui pèse sur sa tête, tandis qu'un autre semble gémir sous
le même poids; la tête d'une jeune fille est couronnée de fleurs et de fruits
et celle d'un jeune homme de pampres et de raisins; tous les âges de la vie
sont représentés dans ces figures qui sont au nombre de trente-six. Une seule
représente un personnage connu: c'est celle du roi de Phrygie, reconnaissable
aux deux appendices de sa tête, et dont Boileau a dit :
Midas, le roi Midas, a des
oreilles d'ânes
Une très riche corniche couronne
les façades extérieures de l'édifice. "Chose étonnante, dit encore M. Léon
Palustre, l'œil ne rencontre, pour ainsi dire, pas un espace où se reposer, et
cependant on n'éprouve ni fatigue, ni ennui à contempler cette prodigieuse
multiplicité de figures, qui ont juste le degré de perfection nécessité par la
place qu'elles occupent."
C'est à l'intelligente initiative
des marchands de Lille et au désir qu'avaient les échevins d'embellir la ville
qu'est dû ce remarquable monument. Pendant longtemps on a ignoré le nom de
l'architecte qui l'a élevé. M. Rigaux, archiviste de Lille, a découvert que
c'est Julien Destré, maître des œuvres de la ville de 1642 à 1677, qui en a
fait le plan et qui l'a fait construire de 1651 à 1653. Plusieurs écrivains ont
cru que ce monument était imité de l'art espagnol: c'est une opinion qui n'est
aucunement justifiée. Julien Destré s'est inspiré, pour l'ensemble, des
traditions de la Renaissance italienne; et pour l'ornementation, du genre
adopté à Bruxelles, et surtout à Anvers, et peut-être même dans quelques
détails de la tour de Saint-Amand?
La bourse de Lille a été
elle-même imitée. Divers motifs d'ornementation que l'on voit à l'hôpital de
Seclin, à l'hospice Comtesse et à diverses maisons de Lille, situées rue de
Paris, rue Royale, rue des Sept-Sauts, etc., etc., présentent des sculptures
rappelant celles de ce monument."
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Pendant longtemps trôna au centre de la Bourse de Lille, écrin magnifique née de l'esprit fertile d'un escrinier, une statue de Napoleon Premier Consul... Il fallait bien cela pour remercier celui qui, au terme d'un banquet arrosé, transféra le siège du département et l'Université de Douai jusque Lille et permit à la proto-révolution industrielle, depuis longtemps en germe à Lille et dans ses environs, de prendre son essor... Après tout, sans le blocus de 1806, les entrepreneurs locaux auraient ils trouvé autant de débouchés pour leurs productions... D'elle, la place intérieure ne conserve que la trace de l'emplacement de son socle... Finement rénovée, elle a retrouvé son lustre virginal et est hebergée loin des outrages des intempéries au Musée des Beaux Arts de Lille...
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