Mme Michèle Cointet, professeur d’histoire contemporaine à l’Université de Tours, in « XVe centenaire du baptême de Clovis – colloque interuniversitaire et internationale, Reims 19 septembre-25 septembre 1996 – recueil des résumés préliminaires- deuxième session »
« Il est surprenant de voir, dans la ville d’eaux de
Vichy promue capitale de l’Etat français, les vestons s’orner en 1941 d’un
curieux insigne : une francisque tricolore à deux tranchants dont le
manche est constitué d’un bâton de maréchal de France. En 1942, la pièce d’un
franc de Lucien Buzor diffusa, dans tous les foyers français, une francisque
surgissant au-dessus d’épis de blé. Résurgence d’un passé enfoui dans une
mémoire légitimiste ? Simple hommage au prénom du joailler-fabricant Augis
qui est « Francisque » ? Création méditée d’un symbole politique
dont le sens est à préciser ?
Rien n’étant vraiment spontané en histoire, il y a lieu de
rechercher les origines de la dernière (sans doute) des apparitions de l’arme
des Francs dans notre histoire. Le XXe siècle a bien aimé les symboles
politiques mais le scepticisme nouveau des Français se contentait des trois
couleurs jusqu’à ce qu’il fut bousculé par la défaite. A Londres renaissait une
belle croix chrétienne, guerrière et lorraine. L’Etat français se devait de
créer son symbole. Ce régime politique qui attache tant de prix à la propagande
et qui la paye bien, ne manquait ni d’inventeurs ni d’artistes. De nombreuses
francisques ont été mises en vente dans le commerce. L’opération apparait comme
un moyen de tester la popularité personnelle du Maréchal Pétain en face de
celle, compromise, de ses chefs de gouvernement, Pierre Laval puis François
Darlan. Le succès fut grand et s’accompagna d’effets pervers. Des personnages à
la moralité douteuse et aux sources de revenus inavouables affichaient ainsi de
bons sentiments politiques. Il a fallu réglementer par la loi du 16 octobre
1941 qui créa une « distinction décernée par le Maréchal et destinée à
tous les Français ayant servi l’œuvre du Maréchal et dont le passé est le
garant du présent et de l’avenir. » Un conseil de huit membres se réunit
chaque semaine à l’Hôtel du Parc pour sélectionner les Français dignes de la
porter : 2.626 noms sont connus.
J’avais tout d’abord donné la paternité de la francisque au
conseiller de Philippe Pétain, Lucien Romier, un chartiste devenu directeur du Figaro.
Je pense que l’inventeur à plus de chances de se trouver parmi les « huit
de l’Hôtel du Parc ». Après avoir éliminé les conseillers d’Etat et les
généraux, j’ai retenu deux noms. Le directeur du cabinet civil du Chef de l’Etat,
Henri du Moulin de Labarthète, l’inspecteur des Finances est trop ironique et trop
sceptique pour diriger une telle opération. Je conclurai que l’inventeur est le
docteur Bernard Ménétrel, médecin privé du Chef de l’Etat.
Bernard Ménétrel est fils d’un médecin ami de Pétain. Il
apparaît comme le fils adoptif, épris de facéties de plus ou moins bon goût,
auquel Pétain, qui le tutoie, lui pardonne tout. Frustré d’activité par l’excellente
santé du Chef de l’Etat, le médecin se tourne vers la politique. Chef du
secrétariat privé, il ne lâche jamais Pétain d’un pas, l’accompagnant dans sa
promenade quotidienne, en vacances, partageant sa table, lui offrant les
douceurs d’une famille de remplacement (Pétain n’a pas d’enfants) égayée par
trois bambins. Il a la responsabilité – et le budget afférent – de la «propagande
sociale» du Maréchal. Il veille jalousement sur son domaine, l’image du
Chef de l’Etat, c’est-à-dire les visites aux bonnes villes (un goût pour l’époque
médiévale), les cadeaux, les jeudis de réception de délégations. Son goût des
objets est vif. Ses idées politiques sont traditionnalistes. Il tient du
commandant Bonhomme, officier d’ordonnance de Pétain, le nom d’un capitaine,
Robert Ehret qui sait dessiner. Appel est lancé dans la presse pour proposer de
nouvelles armes à la France. Des joaillers, André Arthus-Bertrand et Francisque
Augis reçoivent les commandes.
La francisque a son histoire. Elle fut l’objet de la
convoitise des cercles ultra collaborationnistes de Vichy mais le « clan
pétainiste » réussit à garder le contrôle de l’insigne (circulaire du 4
juillet 1942 imposant des exigences politiques strictes et un serment à
Pétain). Maréchaliste toujours, la francisque a un sens antilavaliste. Il est
possible, à la limite, de recevoir la francisque (après l’avoir demandée) en
1942 tout en finissant dans la Résistance.
Par la grâce d’un médecin du Chef de l’Etat aux
connaissances historiques superficielles, voire erronées, la francisque permit
à ceux qui l’arboraient de méditer un peu sur les vertus chrétiennes de la
nation française, quelque peu sur ses origines franques mais surtout sur les
vertus de la hache du vaincu Vercingétorix unificateur des tribus gauloises. »
le concepteur de la francisque en tant que symbole remplaçant le RF dévoyé est un Alsacien, le capitaine Ehret, alors en convalescence à l'hôpital militaire de Vichy. C'est un immense honneur pour l'Alsace ! Comme il devait garder l'or de ses patrons les joailliers juifs Van Cliff and Arpels réfugiés aux US, Pétain l'a pris sous sa protection et recruté dans son cabinet civil (voir Girard, dans Mazinghem)
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