Cuirassé de la Marine Nationale, second de la classe
Richelieu, le Jean Bart fut digne de son parrain. Mis sur cale en janvier 1939
à Saint-Nazaire, lancé le 6 mars 1940, la guerre le surprend avant d’être achevé.
On accélère sa construction et l’on creuse en urgence le canal pour l’amener à
la mer. La technique employée est
inhabituelle : pour libérer une cale sèche, le cuirassé est construit sur
un terre-plein bordé par une forme de radoub, le tout est clôt par une
enceinte.
Le mars 1940, le terre-plein est inondé, le Jean Bart se glisse dans
la forme. Il est prévu de le mettre à la mer le 1er octobre. Dès le 18 mai, l’avance allemande inquiète le
Capitaine de vaisseau Ronarc’h, commandant le navire.
Du 22 mai au 19 juin, 3.500
ouvriers de l’arsenal montent les chaudières, les moteurs et les transmissions,
les turbo-dynamos, les transmissions intérieures, des pompes et une partie de
l’armement. Le 18 juin, les Allemands entrent à Rennes. Le lendemain, aidé par
cinq remorqueurs, le neveu de l’amiral le fait sortir, non sans mal, de sa cale
de construction sous le feu ennemi, arrive à la mer aux premières lueurs de
l’aube et rallie Casablanca le 22 juillet, non sans avoir posté des équipes de
sabotages aux points névralgiques du navire, au cas où l’entreprise échouerait.
Le navire n’a pas eu le temps de faire d’essais, ses armements sont limités à
la tourelle avant, la seconde n’est même pas terminée. Seules les armes
secondaires sont presque au complet.
Durant son évasion, une bombe de 100 kg
larguée par un avion allemand explose entre les deux tourelles mais sans faire
de dégâts significatifs.
De l’autre côté de la Méditerranée
Sous les ordres de Vichy, le voilà attaché au port de
Casablanca mais on lui prélève des armes pour renforcer la défense du port. Les
Anglais ont déjà attaqué Mers-el-Kebir et Dakar, il faut se préparer à une
offensive des Alliés. Le Jean Bart, sous les ordres du capitaine de Vaisseau
Barthes (qui devient contre-amiral par la suite sur la demande de ses anciens
adversaires) s’oppose le 8 novembre 1942 à l’opération
« Torch » : les Alliés débarquent allié en Afrique du
Nord !
Les canons de 406 mm de l’USS Massachussetts font mouche, notamment
quand ses obus frappent durement le quai, projetant de nombreux gravats sur les
canonniers du Jean Bart. Gravement endommagé, il ne coule pourtant pas. Les
marins réparent avec célérité car deux jours plus tard, il reprend ses tirs.
Les Américains le croyaient détruit, qu’importe ! Il essuie alors une
nouvelle attaque au terme de laquelle il s’échoue par l’arrière.
Peint en
jaune, il n’est pas trop difficile à repérer.
L’opiniâtreté de ses marins lui vaut une citation à l’Ordre de l’Armée. C’est là qu’il attend la fin de la guerre car on
ne dispose pas à Casablanca des moyens de le renflouer et que la France Libre
n’obtient pas des Américains la possibilité de le faire achever aux Etats-Unis.
Une partie de son artillerie sert de pièces de rechange à son sister-ship le
Richelieu. Finalement, c’est en août 1945 qu’il peut regagner Cherbourg où il
attend que le bassin n°8 de Brest soit en mesure de l’accueillir pour les
réparations en février 1946.
Les ultimes épreuves
Les essais commencent en 1949 et il finit par entrer au
service actif le 1er mai 1955, dernier de son espèce à prendre la
mer. Désormais, la cheville ouvrière des escadres est le porte-avions. Le Jean
Bart fait figure de dinosaure qui ne sait pas qu’il est condamné.
Il rejoint
l’escadre de Méditerranée et participe à l’opération Mousquetaire en 1956 à
Suez, partiellement réarmé pour appuyer les troupes de débarquement à
Port-Saïd. Occasion lui est donnée de tirer quatre coups de 380 mm contre la
terre.
L’année suivante, l’Ecole des canonniers s’installe à son bord. A partir
de 1957, il est mis en réserve après sa dernière sortie en juillet ; ce
sera la dernière fois que la Royale utilisera des canons de 380 mm. Désormais, il n’est plus utilisé que comme
bâtiment-base pour les écoles de la Marine avant d’être rayé des listes. Amarré
dans la rade de Toulon, il est finalement ferraillé en 1970 sous le numéro
Q466… Le dernier géant français laisse à la Marine Nationale un goût d’inachevé...
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