Luther, Calvin et autres pères de la Réforme trouvent une
audience favorable aux Pays-Bas : les griefs à l’encontre de l’Eglise de
Rome sont nombreux et les relations avec l’Empereur sont difficiles car les
émissaires de Charles Quint sont violents. La situation empire avec l’avènement
de Philippe II sur le trône en 1555.
Catholique intransigeant, il exige de
nouveaux impôts aux Pays-Bas et les pétitions des Flamands restent sans
réponse. Les manifestations se multiplient, la révolte gronde...
Le prêche des haies
Un des épisodes les plus marquants de cette guerre
religieuse est gravé dans les mémoires à Boeschepe. Il se répète vite dans
toutes les Flandres : le 17 juillet 1562, l’inquisiteur Titelmans prévient
Bruxelles que le dimanche précédent s’est tenu un prêche à Boeschepe, en même
temps que la messe.
Le prédicateur Ghislain Damman, qu’il décrit comme un
« homme laïc et indocte » a parlé sur une estrade dans le cimetière
devant 150 à 200 personnes pendant près d’une heure. Il expose de nombreux
griefs contre la Papauté, l’Eglise, la messe. Titelmans rapporte aussi la
rumeur que de nombreux autres Réformés attendaient sur les Monts de Flandre,
prêts à lui porter secours. Ghislain est le frère du Dominicain apostat (il a
renié ses vœux) Guillaume Damman, lequel a déjà été arrêté et fait pénitence
publique.
Le 23 juillet, ordre est donné aux baillis de Bailleul et de Cassel
d’arrêter Ghislain, de livrer les meneurs et de disperser discrètement ces
assemblées, sans tocsin qui pourrait avertir les « prédicans ».
Evidemment, devant telle menace, ceux-ci se cachent et Marguerite de Parme,
Gouvernante de Flandre, ne peut que promettre des primes pour leur capture.
Quant au Roi d’Espagne, il exige un châtiment exemplaire pour les hérétiques.
Le 12 octobre, trois habitants de Steenvoorde sont arrêtés pour avoir
accompagné des prêcheurs. Exécutés immédiatement, leurs biens sont confisqués.
Partout, on fustige aux verges jusqu’au sang les Protestants et les
condamnations aux galères sont nombreuses. D’ailleurs, ceux qui renient le
Protestantisme ne sont pas graciés, le roi se veut impitoyable ! Aux
difficultés religieuses s’ajoutent la crise économique et les nouveaux impôts
qu’exige la Couronne.
Hondschoote la sanglante
En 1566, les Protestants deviennent les Gueux !
Sans
réponse du roi, les esprits s’échauffent et quelques uns, plus radicaux, font
éclater la crise iconoclaste. Les statues sont pour eux des idoles ! Ils
ravagent nombre d’églises, pillent et dévastent des monastères comme celui de
Saint-Winoc à Bergues et … assassinent des prêtres. Au mois d’août 1566, ils font
d’importants dégâts dans l’église d’Hondschoote.
Le roi ordonne une répression féroce. Rien que
dans les 47 villages de la châtellenie de Cassel, 231 condamnations sont
prononcées en 1568, dont 40 à mort. A Bergues comme ailleurs, on fustige aux
verges jusqu’au sang, on bannit, on décapite, on pend ou brûle sur le bûcher…
Mais le Duc d’Albe, envoyé mater les indociles Flandres, entend bien réserver
un traitement rigoureux à Hondschoote. Il n’a aucune confiance dans les
autorités locales qui font preuve de peu d’empressement à contrer les
Protestants. Il leur envoie deux commissaires pour « aider » à rendre
les verdicts.
Le 18 février 1568, François Muus, natif de Nieppe est pendu pour
avoir participé au meurtre des prêtres d’Hondschoote et de Rexpoëde. Avec lui,
on pend aussi Charles Rubrecht de Vieux-Berquin.
Le 3 mars, c’est le sayetteur
Jean De Vos qui monte au gibet pour avoir dévasté des monastères.
Le 3 avril,
c’est au tour de Jacques Plateel d’Hondschoote, pour avoir été le garde armé
d’un des plus célèbres prédicateurs.
Une semaine plus tard, c’est Jacques de
Plaet, de Wervicq, qui est pendu pour avoir dévasté le cloître de l’église de
sa ville. Par contre, d’autres comme Jacques Van der Burcher, un iconoclaste
reconnu, n’est fustigé qu’au sang et banni pour deux ans. Faut-il y voir une
certaine complaisance des autorités ?
D’ailleurs un bon nombre de Gueux sont condamnés à une simple amende
honorable.
Cette « modération », cette « retenue » irrite
le Duc d’Albe au plus haut point. Mais certains faits restent graves. Le 30
octobre 1568, le ton change avec le supplice de Jacques de Deckere d’Houtkerke.
Ce charpentier est étroitement associé aux meurtres de soldats et de prêtres à
Hondschoote, Houtkerke et Rexpoëde. Il a même été présent au Prêche de Jean
Michiels avec 200 Réformés sur le Mont des Cats. Il est roué de coups sur une
croix de Bourgogne jusqu’à ce que mort s’ensuive. 1569 n’est pas moins dure.
La
femme d’un pasteur de Steenweerck revenue malgré son bannissement est pendue le
22 avril.
Le 15 octobre, Lauwers Popershooft et Willem Bevelen sont brûlés sur
le bucher alors qu’André Devos et Jean de Wilde sont décapités.
La traque des
tueurs de prêtres ne faiblit pas et les autorités locales n’arrivent pas à
infléchir le roi comme en 1573 quand le Houtkerquois Pierre Waeles est
roué à mort sur la croix.
Les années de guerre fratricide tournent à la catastrophe
pour notre bout de Flandre où se sont dressés tant de gibets : nombre de
Protestants ont fui ou sont en exil, s’installant en Angleterre ou aux
Provinces-Unies, provoquant le déclin de nos villes négociantes…
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