samedi 16 novembre 2019

1568, Hondschoote la sanglante


Luther, Calvin et autres pères de la Réforme trouvent une audience favorable aux Pays-Bas : les griefs à l’encontre de l’Eglise de Rome sont nombreux et les relations avec l’Empereur sont difficiles car les émissaires de Charles Quint sont violents. La situation empire avec l’avènement de Philippe II sur le trône en 1555. 
 
Catholique intransigeant, il exige de nouveaux impôts aux Pays-Bas et les pétitions des Flamands restent sans réponse. Les manifestations se multiplient, la révolte gronde...



Le prêche des haies
 
Un des épisodes les plus marquants de cette guerre religieuse est gravé dans les mémoires à Boeschepe. Il se répète vite dans toutes les Flandres : le 17 juillet 1562, l’inquisiteur Titelmans prévient Bruxelles que le dimanche précédent s’est tenu un prêche à Boeschepe, en même temps que la messe. 
 
Le prédicateur Ghislain Damman, qu’il décrit comme un « homme laïc et indocte » a parlé sur une estrade dans le cimetière devant 150 à 200 personnes pendant près d’une heure. Il expose de nombreux griefs contre la Papauté, l’Eglise, la messe. Titelmans rapporte aussi la rumeur que de nombreux autres Réformés attendaient sur les Monts de Flandre, prêts à lui porter secours. Ghislain est le frère du Dominicain apostat (il a renié ses vœux) Guillaume Damman, lequel a déjà été arrêté et fait pénitence publique. 
 
Le 23 juillet, ordre est donné aux baillis de Bailleul et de Cassel d’arrêter Ghislain, de livrer les meneurs et de disperser discrètement ces assemblées, sans tocsin qui pourrait avertir les « prédicans ». Evidemment, devant telle menace, ceux-ci se cachent et Marguerite de Parme, Gouvernante de Flandre, ne peut que promettre des primes pour leur capture. Quant au Roi d’Espagne, il exige un châtiment exemplaire pour les hérétiques. 
 
Le 12 octobre, trois habitants de Steenvoorde sont arrêtés pour avoir accompagné des prêcheurs. Exécutés immédiatement, leurs biens sont confisqués. Partout, on fustige aux verges jusqu’au sang les Protestants et les condamnations aux galères sont nombreuses. D’ailleurs, ceux qui renient le Protestantisme ne sont pas graciés, le roi se veut impitoyable ! Aux difficultés religieuses s’ajoutent la crise économique et les nouveaux impôts qu’exige la Couronne.

Hondschoote la sanglante
 
En 1566, les Protestants deviennent les Gueux ! 

Sans réponse du roi, les esprits s’échauffent et quelques uns, plus radicaux, font éclater la crise iconoclaste. Les statues sont pour eux des idoles ! Ils ravagent nombre d’églises, pillent et dévastent des monastères comme celui de Saint-Winoc à Bergues et … assassinent des prêtres. Au mois d’août 1566, ils font d’importants dégâts dans l’église d’Hondschoote. 
 
Le  roi ordonne une répression féroce. Rien que dans les 47 villages de la châtellenie de Cassel, 231 condamnations sont prononcées en 1568, dont 40 à mort. A Bergues comme ailleurs, on fustige aux verges jusqu’au sang, on bannit, on décapite, on pend ou brûle sur le bûcher… Mais le Duc d’Albe, envoyé mater les indociles Flandres, entend bien réserver un traitement rigoureux à Hondschoote. Il n’a aucune confiance dans les autorités locales qui font preuve de peu d’empressement à contrer les Protestants. Il leur envoie deux commissaires pour « aider » à rendre les verdicts. 
 
Le 18 février 1568, François Muus, natif de Nieppe est pendu pour avoir participé au meurtre des prêtres d’Hondschoote et de Rexpoëde. Avec lui, on pend aussi Charles Rubrecht de Vieux-Berquin. 
 
Le 3 mars, c’est le sayetteur Jean De Vos qui monte au gibet pour avoir dévasté des monastères.
 
Le 3 avril, c’est au tour de Jacques Plateel d’Hondschoote, pour avoir été le garde armé d’un des plus célèbres prédicateurs. 
 
Une semaine plus tard, c’est Jacques de Plaet, de Wervicq, qui est pendu pour avoir dévasté le cloître de l’église de sa ville. Par contre, d’autres comme Jacques Van der Burcher, un iconoclaste reconnu, n’est fustigé qu’au sang et banni pour deux ans. Faut-il y voir une certaine complaisance des autorités ?  D’ailleurs un bon nombre de Gueux sont condamnés à une simple amende honorable. 
 
Cette « modération », cette « retenue » irrite le Duc d’Albe au plus haut point. Mais certains faits restent graves. Le 30 octobre 1568, le ton change avec le supplice de Jacques de Deckere d’Houtkerke. Ce charpentier est étroitement associé aux meurtres de soldats et de prêtres à Hondschoote, Houtkerke et Rexpoëde. Il a même été présent au Prêche de Jean Michiels avec 200 Réformés sur le Mont des Cats. Il est roué de coups sur une croix de Bourgogne jusqu’à ce que mort s’ensuive. 1569 n’est pas moins dure. 
 
La femme d’un pasteur de Steenweerck revenue malgré son bannissement est pendue le 22 avril. 
 
Le 15 octobre, Lauwers Popershooft et Willem Bevelen sont brûlés sur le bucher alors qu’André Devos et Jean de Wilde sont décapités. 
 
La traque des tueurs de prêtres ne faiblit pas et les autorités locales n’arrivent pas à infléchir le roi comme en 1573 quand le Houtkerquois Pierre Waeles est roué à mort sur la croix.
 
Les années de guerre fratricide tournent à la catastrophe pour notre bout de Flandre où se sont dressés tant de gibets : nombre de Protestants ont fui ou sont en exil, s’installant en Angleterre ou aux Provinces-Unies, provoquant le déclin de nos villes négociantes…

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