Né en 1875, Albert Ier a toujours reçu des Dunkerquois
des accueils mémorables. C’est que l’homme avait de quoi les séduire. Troisième
roi de Belgique, Albert fit de brillantes études dans la cavalerie mais la mort
de son frère Baudouin, héritier du trône, l’obligea à passer dans l’Infanterie,
arme de prédilection de l’hériter présomptif du trône. Bien qu’il connaisse les
armes, il n’a jamais eu l’occasion de montrer ses talents comme l’Armée de la
toute jeune nation belge, créée en 1830. La Grande Guerre lui permet de
démentir la réputation qu’on lui prête, celle d’un personnage terne, peu
préparé à régner. On doute même qu’il sache dépasser le peu de pouvoir que lui
octroie la Constitution.
Du sang allemand dans les veines
Issu de la
famille de Saxe-Coburg und Gotha appelée à régner lors de la Révolution
brabançonne, il participe activement à la vie politique européenne. Son rôle
est essentiellement diplomatique car, légalement, il n’a guère plus de
pouvoirs. Faire partie du vaste cousinage des cours européennes facilite
grandement la chose ; du moins, c’est que l’on pourrait croire. Homme de
principe, ses liens familiaux avec le Kaiser Guillaume II ne l’empêchent
nullement d’avertir la France des intentions allemandes dès 1913 alors que
l’Empereur allemand lui garantissait une sécurité réelle pour la Belgique par
une alliance tacite. La Belgique aurait alors été épargnée…
Mais l’on ne badine
pas avec l’Honneur ! La Première guerre mondiale lui donne l’occasion de
déployer une énergie sans commun. Immédiatement, elle lui permet de montrer ses
qualités de chef. En effet, lors de l’invasion de 1914, la poussée allemande
est telle que la Belgique Libre se réduit à quelques communes situées entre
l’Yser et la frontière française. Alors que son gouvernement se réfugie à
l’Hôtel de ville de Dunkerque, il prend ses quartiers dans la villa royale de
La Panne puis dans une ferme des Möeres belges, à côté d’un terrain d’aviation.
Jamais il ne quitte le voisinage immédiat du front.
Des visites nombreuses en voisin
Le
souverain quarantenaire fait preuve de qualités séduisantes pour les habitants
du camp retranché, soumis en permanence aux feux du ciel. Le roi ne visite pas
le front à l’abri des salles de réunion des états-majors, il se rend sur le
terrain. Quand il vient en première ligne, il n’hésite pas - s’il le faut - à
« faire le coup de feu ». A la différence de nombreuses
personnalités, il se fait expliquer la situation sur le terrain et non sur les
cartes. Et puis, il est opiniâtre : il veut absolument maintenir son
commandement et son armée sur le front, quel qu’en soit l’état de fatigue. A
aucun moment ses troupes, même exténuées, ne céderont leur place aux Alliés car
il serait inacceptable de confier la défense puis la libération du pays à des
armées étrangères ! Rien d’étonnant à ce qu’il gagne vite le surnom de
« roi-chevalier » !
Proche de Dunkerque, il rend souvent visite à la cité
flamande. Ces derniers pavoisent la ville pour ses anniversaires, se rendent en
masse à ses visites. Ce n’est pas tant son courage qui les séduit que sa
volonté de tenir coûte, ce sont aussi ses sacrifices comme l’investissement de
toute la famille, la reine y compris qui se démène auprès des blessés, des orphelins
et des réfugiés. A Dunkerque comme à Furnes, les occasions de le rencontrer ne
manquent pas. Néanmoins, l’incompréhension de la question flamande – notamment
après la bataille de l’Yser – laisse en Belgique quelques rancœurs mais l’heure
n’est pas à la division.
Souverain
moderne, il est séduit très tôt par l’aviation. Au cours de la guerre, il
accumule, comme passager, pas moins de 400 heures de vol, même et surtout dans
des secteurs dangereux. Alors que ses chefs d’Etat-major préfèrent la voiture,
il rejoint dès que possible les nombreux secteurs du front qu’il visite par la
voie des airs. Cette attirance pour cette nouvelle arme fait entrer rapidement
l’as des as belge Willy Coppens dans le cercle des intimes. Cela se ressent au
niveau affectif : venu visiter l’escadrille des Cigognes en 1917 au
terrain de Saint-Pol-sur-Mer, il se voit remettre par le capitaine Brocard
l’insigne en argent de l’unité, en échange de quoi il lui remet une montre.
C’est le seul insigne ou décoration qu’il arbore après guerre lorsqu’il se rend
dans des réunions aéronautiques. Avec une telle aura, son retour en Belgique
libérée est l’occasion de fêtes sans précédent.
Décédé en 1934 à la suite d’un accident d’escalade sur la
Meuse, ses obsèques sont saluées dans le monde entier. Les Dunkerquois perdent
leur roi de cœur. Près de la frontière, le monument de Nieuport, dont les
briques sont façonnées avec l’argile de tous les théâtres d’opération de
Belgique, il continue de veiller sur le front des Flandres.
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