In Notice biographique sur le général Négrier,
Par l’ancien colonel du 16e de ligne Borgarelli d’Ison. 1849
« Le 24 juin 1848, devant les barricades élevées à la
bastille par les Insurgés de la République rouge, le général Négrier tombait
frappé à mort, au moment où il proférait des paroles d’ordre et de
conciliation.
Il appartient à un de ses plus anciens camarades, à un de
ses plus anciens amis, de rappeler quel fut ce brave guerrier, cette victime
d’une insurrection sans exemple. Plusieurs actes du gouvernement provisoire, à
dater des circulaires Ledru-Rollin, les élucubrations incendiaires de la
commission du Luxembourg, l’organisation des ateliers nationaux, l’élévation
aux emplois publics d’un nombre considérable d’agents incapables ou indignes,
le passage déplorable aux affaires de la
commission exécutive, ne laissaient que trop prévoir cette formidable
explosion. Cette insurrection, que la fermeté de la majorité de l’Assemblée Nationale, que la vigueur et
l’habileté du général Cavaignac, que l’héroïsme de toutes les gardes nationales
et de l’armée ont vaincue, sera-t-elle la dernière ? et, quand elle le
serait, qui rendra à la France le sang généreux versé avec tant d’abondance et
de dévouement, par l’élite de ses citoyens, pour la défense de la société et de
la civilisation si violemment attaquées ?
Le général Négrier appartenait à une honorable famille du
Maine, que le général Lannes ramena d’émigration, à son retour de l’ambassade
de Lisbonne, alors que Napoléon, véritable restaurateur de l’ordre social,
réunissait tous les Français en un seul faisceau.
A peine âgé de 18 ans, le jeune Négrier entra comme
volontaire dans le 2e régiment d’infanterie légère et débuta, en
1806, par les campagnes de Prusse et de Pologne, pendant lesquelles il mérita
par sa bravoure, le grade de sergent et la décoration de la Légion d’honneur.
Il fit les campagnes suivantes en Espagne et au Portugal, et
n’en sortit, avec son régiment, que pour la campagne de France en 1814, après
s’être élevé successivement, par des actions d’éclat et par une blessure grave,
aux grades de chef de bataillon et d’officier de la Légion d’Honneur, dont il
était pourvu dès le mois d’octobre 1813.
Il se fit remarquer en 1814, en s’associant à ces prodiges
de valeur que la bravoure, accablée par le Nombre, accomplissait, sous les yeux
de l’empereur, en combattant l’Europe entière coalisée contre la France.
La restauration lui conserva son grade dans son régiment.
Mais, toujours inspiré par un sentiment de dignité nationale et par cet
enthousiasme que Napoléon savait si bien fomenter dans le cœur des braves,
Négrier recevait, un an après, une blessure grave à la tête sur le champ de
bataille de Waterloo, où, avec l’intrépidité du lion, il concourrait aux
derniers actes d’héroïsme, il assistait à la glorieuse agonie de l’armée
française.
La seconde restauration, sentant le besoin de rattacher à la
nouvelle armée les braves et loyaux militaires de l’ancienne qui consentaient à
servir encore, rappela en 1816, Négrier dans la légion de Lot-et-Garonne. Il
fut nommé en 1825 lieutenant-colonel du 54e de ligne, d’où il passa
en 1828 sur sa demande au 16e de ligne, avec l’espoir de faire
quelques campagnes en Morée, et la certitude d’y trouver un colonel pour ami,
mais ce régiment devait rentrer en France et Négrier n’alla point en Grèce.
Sa conduite en 1830, fut celle d’un loyal militaire,
exemplairement fidèle à ses serments. La Restauration lui manqua ; mais il
ne manqua point à la Restauration et la ville d’Angers où il commandait une
partie du 16e de ligne, sait avec quelle sagesse courageuse, quels
succès il protégea l’ordre dans les moments les plus difficiles.
Nommé successivement colonel du 54e de ligne en
août 1830, général de brigade en 1836, et de division en 1841, il a exercé
plusieurs commandements, il a fait plusieurs campagnes en Algérie. Persuadé que
l’indulgence pour les coupables expose les hommes paisibles à de grands
dangers, convaincu qu’une inflexible sévérité contre des ennemis dangereux est
un acte tutélaire envers la société, une occasion se présenta où il dut faire,
à Constantine, l’application de ses principes. Cette province est complétement
calme et soumise : tel est le résultat que l’on doit opposer à ses
détracteurs.
La Révolution de 1848 a trouvé Négrier en possession de
l’important commandement de la 16e division militaire à Lille.
Il reçut bientôt après un témoignage éclatant de confiance
de la part des habitants du département du Nord, qui l’ont compris dans le
nombre de leurs représentants à l’Assemblée nationale, et à la questure, qui
lui a été dévolue ensuite, ne pouvait être confiée à des mains plus intègres ni
plus courageuses.
Sage dans sa conduite, prudent et réservé dans ses relations
habituelles, Négrier était d’une probité inflexible, d’un admirable
désintéressement. Il était bon époux et bon père, il était ami fidèle et
dévoué.
Etranger à la politique, étranger aux partis, il a servi
successivement l’Empire avec enthousiasme, la Restauration et la monarchie de
1830 avec fidélité. Il aurait servi de même la République… C’est un sentiment
supérieur à tous les autres a dominé les actions de toute sa carrière :
l’amour de la patrie.
Passionné pour son état, pour les dangers, pour la gloire,
il consacrait tous ses moments de loisir à l’étude de l’art militaire dont il
possédait à un degré éminent les connaissances les plus élevées et les plus
petits détails.
Ses conseils étaient sur, son action énergique.
Observateur exact de la discipline, nul plus que lui ne se
dévouait aux intérêts et au bien-être du soldat, dont il savait captiver la
confiance et l’affection.
Guerrier magnifique, il se grandissait sur le champ de
bataille comme un héros de l’antiquité ou comme les Lannes ou les Ney.
Si la France, ce qu’à Dieu ne plaise, devait encore
affronter le sort des batailles, ses armées, ses généraux nous
étonneraient sans doute encore par des
prodiges de valeur et d’habileté ; mais au moment de marcher à l’ennemi,
les chefs et les soldats qui l’ont connu s’écrieraient, en le rappelant à leur
mémoire : Pourquoi les balles des assassins nous ont-elles ravi cet
intrépide guerrier, cet habile général, dont le vide se fait sentir si
douloureusement au milieu de nous, dont les talents et l’action rendraient
assurément la victoire plus prompte et plus complète. »
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