Source : Chronique artésienne
(1295-1304), ed. F. Funck-Brentano, Paris 1899, Adap. de l'ancien français
"Quand Monseigneur d'Artois
[note : le comte d'Artois, Robert, mourut précisément à Courtrai. Fils de
Robert Ier d'Artois, frère de Saint-Louis, il avait suivi ce dernier à sa la
seconde croisade (1270) puis avait porté secours à Charles d'Anjou en Italie
(1283)] apprit que Pierre le Roy et ses gens étaient partis de Cassel et
s'étaient retirés cers Courtrai - Monseigneur d’Artois avait été à Arras de la
Saint-Jean au 1er juillet -, il partit d'Arras. Son armée se montait bien à
10.000 armures de fer et 10.000 arbalétriers, sans les fantassins. Étaient
maréchaux de l'ost messire Guy de Nesle et messire Renaud de Trie, messire Jean
de Burlats [note : Guy de Clermont sire de Nesle, et Jean de Burlats
(auparavant sénéchal de Gascogne et maître des arbalétriers) moururent à
Courtrai] était maître des arbalétriers. Ils se rendirent ce jour-là à Lens, le
lendemain à Marquette et ils y demeurèrent 4 jours. Ils apprirent que les
Flamands étaient à Courtrai et assiégeaient le château; les assiégés n'étaient
pas certains de pouvoir tenir plus de huit jours. Monseigneur d'Artois et son
conseil se rendirent compte qu'ils ne pouvaient pas faire de mal à leurs
ennemis sans en être plus proches; ils décidèrent donc de se rapprocher, de se
rendre près de Groeninghe, une abbaye de "nonnains grises" [note :
Groeninghe ou Groeningen était une abbaye de franciscaines]. C'était un
mercredi, le jour de la Saint-Benoît, le 11 juillet, l'an 1302. Alors qu'ils
s'apprêtaient à plier bagage, monseigneur d'Artois et les maréchaux donnèrent
l'ordre de se ranger en bataille car l'ennemi était tout près en haut des
fossés devant Courtrai. Ils avaient fait ces fossés très habilement : certains
étaient tendus de cordes et d'autres étaient recouverts d'herbe et de claies,
pour nuire à nos gens, et nos gens ne pouvaient pas combattre sans passer par
ces fossés et se mettre dans un mauvais pas. Et y entrèrent donc monseigneur
d'Artois et sa bataille [note : son corps de troupe], messire Raoul de Nesle,
connétable, et les deux maréchaux, et messire Jacques de Saint-Pol [note :
Jacques de Chatillon, comte de Saint-Pol, gouverneur de Flandre en 1300-1302
est mort à Courtrai], Jean de Burlats et un grand nombre de gens qui étaient en
ordre de bataille, et ils ne se tinrent pas dans l'alignement de leur bataillon
à cause du désir des prouesses qu'ils voulaient accomplir ce jour-là, et tous y
moururent. Et ils se tuaient entre eux car ils tombaient dans les fossés et là
ils se noyaient ou étouffaient les autres. Quand les Flamands se rendirent
compte de la tournure prise par les événements, ils tuèrent un grand nombre de
nos gens. Quand le comte de Saint-Pol qui commandait l'arrière-garde se rendit
compte du malheur qui arrivait, il donna l'ordre, dès qu'il put, de battre en
retraite, et chacun s'enfuit comme il pouvait, et ils jetaient leurs armures et
laissaient leurs tentes et tous leurs biens, c'est ainsi que firent messire
Louis de Clermont et le comte Robert de Boulogne. Et ils abandonnèrent sur le
champ de bataille tous les princes et les chevaliers qui sont nommés ci-dessous
sans compter le reste des chevaliers et des gentilshommes et fantassins qui
trouvèrent la mort, noyés ou blessés, et dont il y eut bien 5.000 (...).
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