lundi 12 août 2019

13 juillet 1302: Courtrai, une défaite française


Source : Chronique artésienne (1295-1304), ed. F. Funck-Brentano, Paris 1899, Adap. de l'ancien français
 
"Quand Monseigneur d'Artois [note : le comte d'Artois, Robert, mourut précisément à Courtrai. Fils de Robert Ier d'Artois, frère de Saint-Louis, il avait suivi ce dernier à sa la seconde croisade (1270) puis avait porté secours à Charles d'Anjou en Italie (1283)] apprit que Pierre le Roy et ses gens étaient partis de Cassel et s'étaient retirés cers Courtrai - Monseigneur d’Artois avait été à Arras de la Saint-Jean au 1er juillet -, il partit d'Arras. Son armée se montait bien à 10.000 armures de fer et 10.000 arbalétriers, sans les fantassins. Étaient maréchaux de l'ost messire Guy de Nesle et messire Renaud de Trie, messire Jean de Burlats [note : Guy de Clermont sire de Nesle, et Jean de Burlats (auparavant sénéchal de Gascogne et maître des arbalétriers) moururent à Courtrai] était maître des arbalétriers. Ils se rendirent ce jour-là à Lens, le lendemain à Marquette et ils y demeurèrent 4 jours. Ils apprirent que les Flamands étaient à Courtrai et assiégeaient le château; les assiégés n'étaient pas certains de pouvoir tenir plus de huit jours. Monseigneur d'Artois et son conseil se rendirent compte qu'ils ne pouvaient pas faire de mal à leurs ennemis sans en être plus proches; ils décidèrent donc de se rapprocher, de se rendre près de Groeninghe, une abbaye de "nonnains grises" [note : Groeninghe ou Groeningen était une abbaye de franciscaines]. C'était un mercredi, le jour de la Saint-Benoît, le 11 juillet, l'an 1302. Alors qu'ils s'apprêtaient à plier bagage, monseigneur d'Artois et les maréchaux donnèrent l'ordre de se ranger en bataille car l'ennemi était tout près en haut des fossés devant Courtrai. Ils avaient fait ces fossés très habilement : certains étaient tendus de cordes et d'autres étaient recouverts d'herbe et de claies, pour nuire à nos gens, et nos gens ne pouvaient pas combattre sans passer par ces fossés et se mettre dans un mauvais pas. Et y entrèrent donc monseigneur d'Artois et sa bataille [note : son corps de troupe], messire Raoul de Nesle, connétable, et les deux maréchaux, et messire Jacques de Saint-Pol [note : Jacques de Chatillon, comte de Saint-Pol, gouverneur de Flandre en 1300-1302 est mort à Courtrai], Jean de Burlats et un grand nombre de gens qui étaient en ordre de bataille, et ils ne se tinrent pas dans l'alignement de leur bataillon à cause du désir des prouesses qu'ils voulaient accomplir ce jour-là, et tous y moururent. Et ils se tuaient entre eux car ils tombaient dans les fossés et là ils se noyaient ou étouffaient les autres. Quand les Flamands se rendirent compte de la tournure prise par les événements, ils tuèrent un grand nombre de nos gens. Quand le comte de Saint-Pol qui commandait l'arrière-garde se rendit compte du malheur qui arrivait, il donna l'ordre, dès qu'il put, de battre en retraite, et chacun s'enfuit comme il pouvait, et ils jetaient leurs armures et laissaient leurs tentes et tous leurs biens, c'est ainsi que firent messire Louis de Clermont et le comte Robert de Boulogne. Et ils abandonnèrent sur le champ de bataille tous les princes et les chevaliers qui sont nommés ci-dessous sans compter le reste des chevaliers et des gentilshommes et fantassins qui trouvèrent la mort, noyés ou blessés, et dont il y eut bien 5.000 (...).

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