WEYGAND, de l'Académie française
- Mémoires * * * - rappelé au Service, Flammarion éditeur, Paris, 1950
Environ 335.000 hommes, dont
115.000 Français avaient été embarqués et sauvés pour les batailles futures. Ce
véritable tour de force accompli sous des feux terrestres et aériens de plus en
plus violents, malgré une pression de plus en plus étroite, fut le résultat
d'une concordance d'efforts auxquels on ne saurait trop rendre hommage. Effort
de l'amirauté britannique pour réunir un nombre surprenant de navires de toutes
natures et de tous tonnages et en régler les mouvements sur des routes de mer
semées de périls et de difficultés. Participation de la marine française avec
des ressources moindres, mais avec un esprit de dévouement et de sacrifice
égal. Action intrépide sans cesse renouvelée de la R.A.F. pour protéger
embarquements et transports contre les attaques acharnées des bombardiers
allemands dont elle parvint à abattre soixante-dix-neuf en une seule journée.
Défense de la tête de pont poussée jusqu'à l'héroïsme? Enfin il est juste de
camper au premier rang des défenseurs de Dunkerque, les deux marins français
qui ont tenu littéralement à bout de bras pendant dix jours ce port en ruines
et en flammes, où déferlaient des dizaines de milliers d'hommes, l'amiral
Abrial qui porta avec une énergie et une clairvoyance sans égales le poids
d'une très lourde responsabilité dans des conditions à tous égards
défavorables, l'amiral Platon dont le courage et la ferveur ranimèrent sans
cesse l'ardeur et les espoirs des défenseurs.
Grâce à cette solidarité salvatrice
qui doit rejeter dans l'oubli les difficultés et les gênes du moment, le pire,
la capture d'un corps de bataille de plus de 400.000 hommes put être évitée.
L'honneur était sauf.
Il m'avait été impossible malgré
mes efforts de reprendre l'initiative des opérations. Malgré les ordres donnés
avant comme après ma prise de commandement, à aucun moment le Ier groupe
d'armées, ni le IIIe ne s'était trouvé en état de de réunir des forces capables
d'une offensive supérieure. Le rythme de l'action adverse service par la
supériorité de son aviation et la qualité de son armement, la lenteur de nos
transports le leur avait toujours interdit.
C'est que l'avance prise par
l'ennemi était trop grande pour être rattrapée. Les armées alliées avaient été
lancées dans une manœuvre qui présentait des risques, sans disposer d'une
réserve puissante prête à y parer sans aucun retard.
Dunkerque, dont le nom déjà si
glorieux sonnera toujours en clair, en raison de l'héroïsme et de la ténacité
qui y furent déployés n'est certes pas une victoire, mais seulement la
liquidation la moins malheureuse de ce qui aurait pu être une catastrophe.
Lorsque je parlerai de la dernière bataille, je montrerai l'exceptionnelle
gravité de ses conséquences.
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