HISTOIRE DE LA COLONNE NAPOLEON
ERIGEE PAR L’ARMEE EXPEDITIONNAIRE ET LA FLOTILLE
A LA GLOIRE DE L’EMPEREUR NAPOLEON
De tous les monuments élevés par une génération, et destinés
à transmettre aux siècles futurs le souvenir de grands événements ou de vastes
entreprises, il n’en est point dont l’origine soit plus noble que celle de la
Colonne de Boulogne, dont nous essayons aujourd’hui de retracer un historique
aussi succinct que possible.
Elevé à la gloire du plus grand capitaine des temps anciens
et modernes, et en mémoire d’un projet gigantesque qui, s’il avait réussi,
aurait complétement changé la face des nations, en rendant la France maîtresse
et arbitre souveraine du monde, ce monument, soit à cause de la haute idée qui
a présidé à son exécution, soit en raison de la source d’où proviennent les
fonds au moyen desquels il a été construit, soit comme œuvre d’art, mérite
d’attirer l’attention des historiens, des militaires, des artistes, de ceux
enfin qui sentent leur cœur battre à toute pensée généreuse tendant à rendre la
patrie illustre et fière.
Afin de remplir en totalité le programme que nous nous
sommes tracé, il est nécessaire de rappeler ici les causes qui amenèrent
l’armée sur notre plage, et l’intention qui avait provoqué la réunion de tant de
braves soldats, déjà couverts des lauriers qu’ils avaient moissonnés sur tous
les points où la France avait eu des ennemis à combattre.
La campagne d’Italie n’avait été qu’une suite de combats
glorieux et de grandes victoires. La paix venait d’être conclue avec les
puissances du continent ; l’Angleterre seule paraissait disposée à
entretenir les feux de la guerre.
Le traité de Campo-Formio, que le général de l’armée
d’Italie venait de signer, mettait la république française au comble de sa
gloire.
Le directoire, s’alarmant de la puissance de Bonaparte et de
l’admiration dont il était l’objet, voulut donner de l’occupation à un homme
qui lui paraissait si redoutable, et pensa mettre à exécution le projet qu’il
avait conçu d’une descente en Angleterre, pour forcer cette puissance à faire
la paix.
Le général Bonaparte, nommé chef de cette expédition, arrive
incognito à Boulogne, le 22 pluviôse an VII (10 février 1798), sous le nom d’un
de ses aides-de-camp, examine les côtes, prend des notes sur les moyens d’opérer,
et repart comme l’éclair en disant : « Boulogne
est destiné à devenir le théâtre de grands événements. »
Le projet de descente en Angleterre fut bientôt abandonné
pour la conquête de l’Egypte. Cette conquête parut un moyen plus sûr au
directoire de se défaire du général, qui avait déjà bravé son autorité suprême
et usurpé ses fonctions, alors qu’en Italie il détermina sans l’aveu des
directeurs, les principes qui devaient régler la république.
Mais l’étoile du général était toute puissante. De grands
événements s’accomplissent en peu de temps. Bonaparte victorieux était de
retour d’Egypte. Le 18 brumaire, en renversant le directoire, l’avait élu premier consul. Il avait traversé les
Alpes et venait d’ajouter à sa gloire dans les plaines de marengo. La paix
avait été de nouveau signée à Lunéville.
Le premier consul, alors comprit que, pour placer la France
au point où il la voulait élever, il fallait avant tout détruire ou amoindrir
la puissance de sa rivale l’Angleterre, qui, dans toutes les crises subies par
notre pays, a si fatalement pesé sur nos destinées. Mais l’Angleterre n’est pas
une puissance continentale ; l’océan qui l’entoure fait sa principale
force. Il fallait donc avant tout vaincre un obstacle immense, c’est-à-dire
traverser les huit lieues de mer qui séparent la France de la côte anglaise la
plus rapprochée. Il fallait créer sur la côte française un port vaste et
sûr ; et il fallait environner ce port de défenses formidables ; il
fallait réunir dans ce port une flottille assez nombreuse pour suffire d’un
seul coup au trajet d’une centaine de mille hommes ; il fallait enfin
rassembler sur un seul point, et à portée des navires sur lesquels on devait
les embarquer, ces cent mille hommes, choisis dans l’élite des soldats qui
faisaient alors l’orgueil de la France.
Le port de Boulogne, qui avait été reconnu par le directoire
propre à cette grande expédition, fut choisi par le premier consul comme le
point le plus favorable à la réunion de ses navires. Des ordres furent donnés
en conséquence, et bientôt notre port, qui, depuis longtemps n’abritait que des
bateaux pêcheurs, fut entouré de quais vastes et commodes, pourvu d’ateliers de
construction de tous genres, défendus par des forts et des redoutes qui firent
donner par nos ennemis eux-mêmes le nom de côte
de fer à notre côte, jadis si peu belliqueuse. Enfin s’établirent plusieurs
camps d’une vaste étendue, où s’abritaient et s’exerçaient, en attendant
l’heure de la bataille, 180.000 vieux soldats, commandés par nos généraux les
plus distingués.
Dans notre port ainsi transformé, comme par enchantement,
une flottille de plus de 2.000 navires ne tarda pas à être réunie, et classée
d’après le tonnage et la force des bâtiments qui la composaient.
Les Boulonnais furent alors témoins de la plus grande
assemblée de militaires et de marins que jamais port de guerre ait possédé.
Bientôt éclata la conspiration de Pichegru, dans laquelle se
trouvait impliqué le général Moreau.
Le sénat, pour mettre fin aux conspirations sans cesse
renouvelées, arrêter les projets des ambitieux, et assurer enfin un brillant
avenir à la France, décerna à Napoléon
Bonaparte à la couronne impériale. Cette nouvelle fut reçue à Boulogne avec
enthousiasme par les troupes de terre et de mer.
Tandis qu’on s’occupait de donner à toutes les branches de
l’administration des centres d’activité locale, qui refluaient vers le chef de
l’état, pour en recevoir une nouvelle impulsion, le port, la ville et les camps
de Boulogne présentaient un ensemble de préparatifs et de mouvements qui annonçaient
que bientôt le grand coup serait tenté contre l’Angleterre, et que bientôt la
mer serait couverte de cette immense flottille dont notre port serait rempli.
L’exécution de ce plan gigantesque fut l’ouvrage de l’armée
elle-même, et tout était prêt pour l’expédition lorsque l’empereur arriva à
Boulogne le 30 messidor an XII (19 juillet 1804).
Napoléon passa près d’un mois parmi nous, imprimant à tous
les travaux son étonnante activité. Le 15 août 1804, jour de sa naissance, fut
désigné par lui pour une solennité d’un éclat que nulle autre n’a pu atteindre
depuis. Nous voulons parler de la distribution des aigles de la légion
d’honneur, nos seulement à son armée, mais encore à un grand nombre de
fonctionnaires civils, invités à se rendre à Boulogne pour cet objet.
Cette solennité eut lieu dans la vallée de Terlincthun,
située à une demi-lieue environ de Boulogne, sur un terrain qui s’incline
doucement vers la mer et forme un vaste amphithéâtre, très favorable à l’éclat
de la cérémonie. Vingt colonnes d’infanterie,
de soixante hommes de front, sur une hauteur indéterminée, s’échelonnèrent sur
la pente de cet amphithéâtre naturel. Elles étaient couronnées par la
cavalerie, et l’espace conservé vide ne contenait que les états-majors généraux
et les drapeaux des corps, placés en avant des légionnaires qui devaient prêter
le serment. Au centre de ce théâtre, dont le rayon était de 50 toises,
s’élevait le trône de l’empereur, ayant à ses côtés la garde impériale et toute
la musique de l’armée. Le siège de ce trône n’était autre que le fauteuil
antique du roi Dagobert, surmonté d’un trophée de drapeaux et guidons, pris
dans les batailles de Montenotte, de Lodi, d’Arcole, de Rivoli, de Castiglione,
des Pyramides, du Mont-Tabor, d’Aboukir, et de Marengo.
L’armure en pied des électeurs du Hanovre figurait au milieu
de ce groupe, et le tout était orné des guidons pourprés des Beys d’Egypte.
Les décorations à distribuer aux légionnaires avaient été
placées dans le casque de Du Guesclin et sur le bouclier de Bayard.
Lorsque Napoléon parut, deux mille tambours battirent aux
champs, et ne purent cependant pas étouffer les cris d’enthousiasme qui
saluèrent l’arrivée du héros.
Alors commença la cérémonie. Les grands officiers, les
commandants, les officiers et les simples légionnaires s’approchèrent
successivement du trône, et reçurent individuellement des mains de l’Empereur
la décoration de la légion. Bientôt le canon retentit sur tous les points, et
l’écho alla dire à l’Angleterre que le vainqueur de l’Italie et de l’Egypte distribuait
des marques d’honneur à ses anciens compagnons d’armes.
C’est à la suite de cette imposante cérémonie, et afin d’en
transmettre le souvenir à la postérité d’une manière durable, que l’armée, par
un ordre du jour en date du 1er Vendémiaire an XIII, vota l’érection
de la Colonne.
Voici la copie de cet ordre du jour dont les termes
expliquent clairement et dignement la pensée de l’armée.
EMPIRE FRANÇAIS
ETAT-MAJOR GENERAL
(CAMP DE SAINT-OMER)
Au quartier-général de Boulogne, le 1er
vendémiaire an XIII
ORDRE DU JOUR
Les troupes de camp de Saint-Omer, voulant offrir au
monarque dont le génie préside aux destins de la France un témoignage éclatant
d’amour et d’admiration, ont résolu :
D’ériger un monument capable de résister aux siècles, qui,
s’alliant aux souvenirs de sa gloire et de sa grandeur, atteste à l’univers,
ainsi qu’à tous les âges, leur dévouement et leur fidélité au premier empereur
des Français, de retracer à la postérité l’institution des récompenses
décernées par le héros à l’honneur et à la bravoure ;
De consacrer la mémoire des immenses travaux créés par sa
pensée, qui ont fait de l’espace occupé par l’armée un rempart formidable et le
centre d’une expédition nécessaire au repos du monde ;
Et enfin de vouer à la vénération des peuples le lieu où
l’empereur Napoléon venait partager les fatigues et les travaux de son armée,
la façonner à de nouveaux combats, et préparer le vaste succès de sa vaste
entreprise.
Exprimant le vœu de l’armée, le maréchal commandant en chef
arrête le programme suivant :
Sur un piédestal quadrangulaire, il sera élevé une colonne
de 50 mètres d’élévation, surmontée de la statue colossale de S.M. l’empereur.
La statue de S.M. l’empereur sera en bronze, revêtue
des ornements impériaux ; elle portera le sceptre et la couronne.
Les quatre faces du piédestal présenteront :
Sur la première, l’hommage que l’armée fait de ce monument à
Napoléon, premier empereur des Français ; le sujet sera allégorique et par
inscription.
Sur la seconde, la cérémonie de la distribution de l’aigle
de la légion d’honneur par S.M. au milieu de l’armée le 28 thermidor an XII.
Sur la troisième, les trois ports de Boulogne, Wimereux et
Ambleteuse et la flottille en rade.
La quatrième offrira l’aspect des camps, de la colonne et celui
de la tour d’Ordre, poste consacré par le séjour qu’y a fait S.M. l’empereur.
Les tables des quatre faces du piédestal seront en bronze,
et représenteront en relief les sujets exprimés ci-dessus.
Les ornements du piédestal et du chapiteau offriront dans
une proportion exacte les divers bâtiments de la flottille et des trophées
d’armes de toute espèce.
L’entablement du piédestal et le chapiteau seront en marbre
blanc statuaire, et la colonne en marbre du Boulonnais.
Dans l’intérieur du piédestal, il sera pratiqué une chambre
d’archives pour y enfermer l’historique de l’expédition, les médailles frappées
depuis le gouvernement de S.M. l’empereur, et le contrôle de l’armée.
Les militaires de l’armée travailleront et concourront seuls
à la confection de ce monument. Quatre commissaires seront désignés pour en
suivre l’exécution.
La statue de S.M. l’empereur, ainsi que les reliefs et
ornements du piédestal et du chapiteau, seront données au concours, aux
artistes les plus distingués de l’empire.
La colonne sera placée entre le quartier-général impérial de
la Tour d’Ordre et le camp de la première division en vue du continent, en face
du canal et des îles britanniques.
La première pierre de ce monument sera posée le 18 brumaire
prochain, époque de l’anniversaire de la régénération de la France, sous le
gouvernement réparateur de Napoléon-le-Grand.
Il sera fait à Boulogne une fondation à perpétuité pour la
conservation de ce monument.
Le maréchal
commandant en chef
Signé SOULT
Le général
de division de l’état-major général
Signé F. ANDREOSSY
Pour
l’adjudant-commandant sous-chef de l’état-major général
L’adjoint SALLEE
Nous ferons remarquer ici quel fut l’enthousiasme avec
lequel le projet d’élever une colonne à Napoléon fut conçu et accepté. L’ordre
du jour qui précède porte la date du 1er vendémiaire, et le 18
brumaire, la première pierre du monument est déjà posée par le maréchal Soult,
accompagné de l’amiral Bruix et de tous les généraux présents à Boulogne. C’était alors un temps de vastes
et nobles pensées et leur exécution, comme on le voit ne se faisait pas
attendre.
Cette pierre porte l’inscription suivante :
PREMIERE PIERRE
DU MONUMENT, DECERNE
PAR L’ARMEE PEXPEDITIONNAIRE DE BOULOGNE
ET LA FLOTTILLE
A L’EMPEREUR NAPOLEON
POSEE PAR LE MARECHAL SOULT, COMMANDANT EN
CHEF
18 BRUMAIRE AN XIII (9 NOVEMBRE 1804)
Les fondations de la colonne furent faites de rochers tirés
de la falaise voisine ; elles reposent sur le roc, et le monument entier,
qui a 53 mètres 60 centimètres de hauteur, est construit en marbre extrait des
carrières de Marquise, auquel on a donné depuis le nom de marbre Napoléon. Il
est d’un gris foncé agatisé et
susceptible de recevoir un joli poli ; quelques parties des soubassements
et de l’intérieur sont en marbre brun, également extrait dans le pays.
Le plan de la Colonne est dû à M. Labarre, architecte, qui,
malgré quelques différences dans les détails, s’est évidemment inspiré de la
colonne Trajane. Comme cette dernière, la colonne de Boulogne est d’ordre
dorique composé et construite par assises superposées.
Des quatre bas-reliefs qui dans l’origine devaient orner le
piédestal, le premier avait été seul exécuté, il fut détruit en 1815.
Le muséum de Boulogne possède les plâtres des bas-reliefs
qui ont pu échapper à la destruction.
Le piédestal devait être surmonté d’un aigle en bronze aux
ailes déployées ; d’autres aigles également en bronze devaient être
placées au sommet et supporter le pavois sur lequel devait être mise la statue
de l’empereur.
Le couronnement, les aigles, la statue n’étaient pas achevés
lors de la rentrée des Bourbons en 1815. Leur exécution ne fut point terminée.
La colonne de Boulogne eut à traverser des phases bien
diverses ; de 1804 à 1815 elle fut poursuivie sous l’inspiration de la
pensée qui avait présidé à son érection.
A la restauration, elle fut pour un instant oubliée ;
mais en 1817, et sur la demande du conseil municipal de Boulogne, les travaux
reprirent leur activité, après toutefois que le nom et la destination du lieu
eurent été complétement changés. Elle fut alors nommée colonne des
Bourbons ; l’on arrêta qu’elle serait consacrée à perpétuer leur retour en
France, et le 2 juillet 1821, une boite en plomb contenant diverses pièces de
monnaie, fut déposée par M. le baron Siméon, préfet du Pas-de-Calais, dans
l’une des dernières pierres du noyau de l’escalier. Cette boite contenait aussi
une médaille en bronze à l’effigie de Louis XVIII, avec cette
inscription :
Cette
Colonne
Votée par
l’armée réunie à Boulogne
D’où elle
menaçait l’Angleterre,
A été
commencée en 1804 ;
Devenue un
Monument de paix
Par la
restauration du trône des Bourbons,
Elle a été
achevée sous les auspices
De S.M.
Louis XVIII
Et
consacrée en souvenir toujours cher aux Français
De son
heureux retour dans ses états
En 1814.
Le monument fut provisoirement surmonté d’un globe fleur
delisé et doré, qui plus tard, devait céder la place à une statue de la paix.
Quatre fleurs de lys furent sculptées aux quatre angles du tailloir du
chapiteau.
Vint la révolution de juillet, qui devait rendre à la
colonne de Boulogne sa destination première, grâce au patriotisme des Chambres
qui, sur une demande de crédit de 156.000 francs présentée par le gouvernement
pour terminer les travaux, ajoutèrent de leur propre mouvement une somme de
60.000 Fr. , afin qu’on pût placer au sommet du monument la grande figure de
Napoléon ; mais comme il fallait bien expliquer que le monument avait été
achevé sous le règne de Louis-Philippe Ier, la flatterie ne craignit pas de
mentir à l’histoire en proposant une inscription ainsi conçue :
Ludovicus-Philippus I,
Francorum rex
Quo loco Neapolio, imp.
Exercitui florentissimo, invicto,
propugnatori patriae
Uti memoria ejus diei qui fuit XVI august,
ann. MDCCCIV
Gloriaque exercitus
Monumento consecratae, posteris traderentur,
Columnam
A Neapolione, IX novemb. Ann. MDCCCIV inchoatam
Opere diu intermissio
Perficiendam curavit, dedicarique precipit.
MDCCCXXXVIII
Sur
l’autre face:
ICI
LE XVI AOUT
MDCCCIV
NAPOLEON,
EN PRESENCE DE LA GRANDE ARMEE
DISTRIBUA
LES DECORATIONS DE LA LEGION D’HONNEUR
AUX
SOLDATS, AUX CITOYENS
QUI AVAIENT
BIEN MERITE DE LA PATRIE ;
IL VOULUT
PERPETUER
LE SOUVENIR DE CETTE JOURNEE PAR UN MONUMENT
LOUIS-PHILIPPE
Ier, ROI DES FRANÇAIS,
ERIGE CETTE
COLONNE
A LA GRANDE
ARMEE, A NAPOLEON
MDCCCXXXVIII
Triste exemple de la servilité à laquelle peut descendre un
corps qui cependant n’est composé que des hommes les plus instruits de la
nation. Empressons-nous de dire que cette inscription ne fut point adoptée,
grâce à des réclamations parties de Boulogne même.
L’exécution de la statue votée par les chambres a été
confiée au talent de M. le baron Bosio. Elle représente Napoléon en grand
costume impérial, tenant son sceptre d’une main et de l’autre l’ordre de la
légion d’honneur. Elle a cinq mètres de hauteur et son poids est de 4.800
kilos.
Les bas-reliefs sont réduits à deux. Celui de la face
principale, dû à M. Bra, représente la cérémonie de l’hommage, conformément au
plan primitif. Napoléon s’y trouve assis sur son trône, entouré de ses
généraux, et recevant le plan de la Colonne votée par l’armée.
Celui de la face opposée, confiée à M. Lemaire, représente
la distribution des croix, le 15 août 1804.
Tous deux sont en bronze, environnés d’attributs sculptés
sur le marbre nu.
Les travaux d’achèvement ont lieu par les soins de M.
Henry-Faudier, architecte de Boulogne, et de M. Morey, architecte de Paris.
Aujourd’hui 15 août 1841, la statue de l’empereur est enfin
placée sur le monument que l’armée lui a voté en 1804 avec tant d’enthousiasme.
Dans nos temps de troubles et de changements soudains, il n’a pas fallu moins
de 37 années pour achever une œuvre qui paraissait, à l’époque où son exécution
dut décidée, devoir être terminée dans un délai de 10 ans au plus. C’est que
pendant ces 37 années l’armée, le peuple, le gouvernement ont dû faire de bien
grandes choses et s’occuper constamment de celles où leur attention se trouvait
le plus vivement sollicitée.
De grandes victoires suivies de revers non moins
grands ; une double invasion, appelée et soutenue par des traitres restés
impunis pour la plupart ; un gouvernement renversé ; un autre élevé
en sa place et forcé par la nature même des choses de se défendre chaque jour
contre des ennemis sans cesse renaissants ; telles sont les vicissitudes à
travers lesquelles la Colonne de Boulogne a dû passer, avant de parvenir au
point où nous la voyons aujourd’hui.
Dans l’intervalle, et par une juste réciprocité, Napoléon
avait pensé devoir rendre l’hommage qu’il en avait reçu. Si l’armée lui avait voté
une colonne de marbre, payée des deniers du plus humble soldat, l’empereur à
son tour éleva à son armée une colonne de bronze, dont les matériaux furent
payés par les ennemis de la France. Entre le monument de Boulogne et celui de
la place Vendôme, il existe donc une fraternité patente. Tous deux nous
rappellent notre ancienne gloire ; tous deux semblent nous indiquer ce que
nous pouvons faire par le souvenir de ce que nous avons fait ; tous deux
ont à leur sommet l’image de celui qui porta nos destinées à un si haut degré
de splendeur. L’un se trouve au centre de la France, l’autre à la
frontière ; l’un à la tête, l’autre au cœur. Tous deux semblent nous dire
qu’une invasion est désormais impossible, car l’ombre de notre grand capitaine
veille sur nous, et si l’ennemi forçait, malgré nos efforts, les limites de
notre territoire, à coup sûr il n’en sortirait pas vivant.
--
Boulogne, - imp. de
H.Guiset
NOTA NDLR, la statue de Napoleon en tenue de campagne a remplacé par celle de Napoleon Ier consul (voir illustrations) abimée pendant première guerre mondiale, elle a été descendue et est visible dans les dependances de la colonne.
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