In LA VOIX DU NORD, édition de Dunkerque, dimanche 2 et
lundi 3 avril 1989
les pompiers saint-polois de retour à saint-Pol-sur-mer (rue Rambout, 1945, coll. personnelle)
« …
M. Oddone a recueilli les souvenirs de M. Vanhoutte sur
cette époque (nota : seconde guerre mondiale) et il nous a confié le texte
que l’on lira ci-dessous avec intérêt :
« Sous l’Occupation, le hurlement des sirènes déclenche
un réflexe troglodytique : la population se précipite dans ces caves plus
ou moins bien étayées ou dans des abris aménagés qui sont loin d’assurer une
sécurité totale lorsqu’ils sont touchés de plein fouet. Comme dans les autres
communes de l’agglomération dunkerquoise durement éprouvées par les journées de
mai-juin 1940, puis par les bombardements alliés ultérieurs, les alertes
fausses ou vraies, même si elles ne sont pas quotidiennes, rythment la vie des
Saint-Polois. Malheureusement, l’Histoire n’a trop souvent retenu que les hauts
faits, laissant au bord du chemin le rôle pourtant essentiel par ceux qui ont
œuvré dans la Défense Passive, notamment les pompiers et les équipes de la
Croix Rouge.
Les souvenirs de Roger Vanhoutte donnent un éclairage
intéressant et particulier sur ces hommes auxquels incombait une part de la
gestion de malheur. A 19 ans, ce jeune Saint-Polois connaît sa première expérience
professionnelle par une convocation péremptoire qui lui est adressée au titre
du S.T.O. et lui intime l’ordre de rejoindre les chantiers Ziegler où il est
affecté à des travaux de réparation sur les bâtiments de guerre allemands. Une
blessure accidentelle survient à propos pour l’extraire du régime de travail
forcé et c’est à ce moment que Charles Garein, responsable du corps des
sapeurs-pompiers de Saint-Pol-sur-Mer lui demande de remplacer l’un de ses
hommes parti rejoindre sa famille dans l’Aube.
En souscrivant le 1er avril 1944 cet engagement
pour la durée de la guerre, Roger Vanhoutte sait qu’il devra affronter la dure
réalité des hostilités et le difficile apprentissage du temps des épreuves. Le
corps des sapeurs-pompiers de Saint-Pol-sur-Mer compte alors trente membres qui
se répartissent par moitié en équipe de jour et de nuit. Dès le crépuscule, six
guetteurs prennent place sur le clocher de l’église Saint-Benoît, surveillant
les habitations de la ville et prévenant immédiatement par téléphone le poste
d’incendie de la place Carnot dès que l’aviation alliée apparaît à l’horizon.
En avril et mai 1944, Saint-Pol-sur-Mer essuie de violents
bombardements destinés en fait aux installations portuaires et à la base
sous-marine allemande. Après le passage des forteresses volantes qui déversent
des centaines de bombes atteignant notamment les cités des Cheminots,
Saint-Gobain et la plaine Bayard, il faut procéder au sauvetage des personnes
ensevelies et à l’enlèvement des victimes. Parmi ces évènements tragiques, la
chute d’un avion américain dans la nuit du 6 au 7 juin 1944, détruisant deux
habitations de la rue Raspail, est restée gravée dans la mémoire collective.
Les piquets Rommel
A ces tâches difficiles et moralement éprouvantes accomplies
par les sapeurs-pompiers vient s’ajouter la pression exercée par l’occupant en
matière de main-d’œuvre. Le 22 avril 1944, le directeur urbain de la Défense
Passive de la ville se Saint-Pol-sur-Mer, M. Maurice Van Waefelghem reçoit
l’ordre du sous-préfet de Dunkerque de mettre 15 sapeurs à la disposition de la
Standorstkommandatur installée rue Gittinger. Il est précisé que ces hommes
doivent être « munis d’outils et à manger pour la journée ». L’armée
allemande craint en effet un débarquement allié sur les côtes de la Manche et
de la Mer du Nord et réquisitionne à outrance pour la construction d’ouvrages
défensifs. Le chef du corps des sapeurs-pompiers n’ayant pas répondu à cette
injonction, Charles Delacre est arrêté par la Feldgendarmerie et menacé d’être
remplacé dans ses fonctions par un officier de l’armée allemande.
Finalement, contraints et forcés, les hommes de la Défense
Passive vont rejoindre les rangs de tous ces requis dont beaucoup étaient
raflés dans les rues. Le premier magistrat est libéré et les pompiers
saint-polois sont principalement affectés à la pose des piquets Rommel sur le
secteur côtier. Les arbres du parc du château Vancauwenberghe sont abattus,
tronçonnés puis transportés sur la plage par des camions militaires. L’eau sous
pression d’une lance à incendie actionnée par une motopompe creuse alors dans
le sable les excavations destinées à recevoir les pieux dont l’implantation est
parachevée par un minage systématique.
Avec l’avance des Alliés, l’ardeur au travail déjà d’un
niveau faible, ne cesse de décroître. Les sapeurs-pompiers saint-polois, passés
maîtres dans l’art de perdre leurs outils et de procéder à divers sabotages sur
le matériel, sont facilement repérés par la Feldgendarmerie. Prévenus de leur
arrestation imminente par le lieutenant Charles Garein, les six
« coupables » parmi lesquels Roger Vanhoutte, vont trouver refuge
dans le clocher de l’église Notre-Dame de Lourdes. Après avoir endossé des
vêtements civils, ils parviendront à se fondre dans la masse des habitants de
la poche qui, à la fin de septembre 1944, empruntent le champ de betteraves de
la ferme Wemaere à Armbouts-Cappel pour rejoindre une terre libérée. Quant aux
autres membres du corps des sapeurs-pompiers de Saint-Pol-sur-Mer, ils
partiront les derniers, dans les premiers jours d’octobre 1944, après la trêve
officielle et l’évacuation de la population. »
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