In Lamberti Ardensis
historia comitum Ghisenensium, dans MGH
Scriptores, t. XXIV, 1879, trad. du latin
Arnoul III d’Ardres
fut égorgé par ses propres serviteurs aux environs de 1140. Selon le
chroniqueur, ce représentant de l’aristocratie moyenne était généreux avec ses
chevaliers mais faisait montre de rapacité envers les petites gens de sa
seigneurie. La perspective d’un gain rapide le fait tomber dans un piège tendu
par l’un de ses cuisiniers. Ce genre de meurtre ne reste pas sans punition,
poursuivis par les proches du défunt, les coupables sont roués, empalés,
écartelés…
« Comment Arnoul le Jeune a été tué par ses serfs et
des assassins infâmes entre tous.
Son mari, Arnoul le Jeune, autant il était cher et agréable
aux chevaliers, prompt et dévoué au service des princes de Guines au moins, ses
seigneurs supérieurs, autant il était terrible et altier avec ses inférieurs
par une certaine sauvagerie propitiatoire. De ce fait, certains de ses serfs et
de ses sujets, ses familiers cependant et ses cuisiniers, et d’autres de leur
race exaspérante et mauvaise, conspirèrent pour le tuer et se conjurèrent pour
le faire mourir. Un jour donc, Arnoul sortit d’Ardres le matin lors de la fête
solennelle des Saints-Innocents ; il s’éloignait vers Brêmes, comme s’il
voulait entendre au moins une messe, en se tenant en dehors de l’église. Car il
était interdit aux chanoines et aux prêtres d’Ardres de célébrer les mystères
en sa présence ; et ce, tant qu’il serait à Ardres parce que, cité à venir
en jugement en présence de l’évêque de Morinie, il restait contumace et
rebelle, méprisant d’obéir et pour cela frappé d’une sentence rigoureuse de
l’Eglise et d’excommunication. L’un des traîtres infâmes et des scélérats
comptant au nombre de ceux qui complotèrent pour le faire mourir, accourt vers
lui et presse le pas. Mentant à la manière de Judas, le traître le plus perfide
et le plus indigne qui soit, il lui dit qu’il avait vu et entendu, dans le bois
Fulbert, le long du chemin qui mène à Norhout, un riche paysan en train de
couper le chêne le plus haut de tout le bois. Comme Arnoul était, nous l’avons
dit, avare et cupide, cruel et tyrannique envers ses sujets, il pensait et
espérait qu’il obtiendrait beaucoup d’argent d’un paysan qui n’existait
pourtant pas. Il part au bois Fulbert seul avec le traître, pour ne pas être
aperçu du paysan.
Alors qu’il se hâtait, seul à seul avec l’homme, par un
sentier très étroit vers le son que faisaient les traîtres en martelant le
chêne, comme si c’était le son de la cognée du paysan en train de couper le
chêne, le traître qui le suivit sortait un gourdin qu’il avait caché dans le
bois pour perpétrer son crime prémédité. Hélas, Seigneur, hélas ! Il jette
de son cheval et renverse au premier coup porté sur la tête le chevalier
chevaleresque, la gloire de la chevalerie, le bel homme au regard des fils
enfants des Flandres. Les autres se hâtent, complices et coupables avec lui
d’une si grande traîtrise ; ils jetèrent leurs mains sur lui, sortirent des
coutelas et des poignards des plus impitoyables, et ils l’égorgèrent sans
pitié. Son cheval, comme s’il redoutait les terribles assassins, s’enfuit
effrayé et retourne à Ardres… »
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