lundi 3 juin 2019

Flandres : entre invasions et christianisation,


In Collectif - Visages de la Flandre et de l'Artois - collection "Provinciales" - éditions des Horizons de France, Paris, 1949

"Les invasions
Au début du Ve siècle se produisent les premières invasions des Barbares. Arras et Thérouanne sont dévastées. La légende peint la catastrophe qui s'abat sur la cité atrébate : saint Vaast venant en ces lieux y rencontre un ours énorme dans les ruines de l’ancienne cathédrale. Saxons et Francs s'installent. Les premiers fondent des colonies en Boulonnais (leur souvenir y persiste dans les noms de localités à désinence en "thun"). Les seconds s'infiltrent partout, occupant très inégalement le territoire. Au nord de la route Boulogne-Bavay, là où la civilisation romaine a peu pénétré, ils s'établissent en nombre et leur langue, qui donnera le flamand, finira par l'emporter. Au sud, la romanité était plus profonde, et le nouvel apport germanique fut absorbé par la masse gallo-romaine, non sans réagir sur elle. L'influence franque, si elle ne fit pas abandonner l'usage du latin, a certainement joué sur les mœurs, l'habillement, l'armement.
 
Les Francs saliens installés, les différents éléments ethniques dont le mélange donnera les Artésiens et les Flamands sont en place. La région ne connaîtra plus guère de déplacements de populations. Plus tard, au IXe siècle, d'autres Germains apparaîtront : les Normands. Ils font un désert de certaines régions, mais, sauf à Guines, ne fondent guère d'établissement durable.

La Christianisation
Dans l'intervalle s'était opérée une profonde mutation : le christianisme d'était établi. Dès l'époque romaine, les noms de Fuscien et Donatien pour Thérouanne, de Superior pour Cambrai, de Diogène pour Arras sont associés à une première christianisation. Mais ces fragiles chrétientés durent être bouleversées par les invasions et il fallut sans doute reprendre à pied d'œuvre le travail missionnaire quand la conversion de Clovis donna à la lutte contre le paganisme un caractère nouveau. 
  
Au cours du VIe siècle, les deux grands évêques sont saint Vaast et saint Eleuthère. Le premier, qui fut sans doute désigné à Clovis par saint Rémi, eut son siège à Arras. Il mourut vers 540, ayant fondé sur les bords du Crinchon un ermitage qui devait porter son nom. Son œuvre était précaire, car, peu de temps après sa mort, il n'y avait plus d'évêque à Arras. A Tournai, saint Eleuthère ne réussit pas d'une manière plus durable. La liste de ses successeurs ne va pas plus loin que 577. Il semble bien que le christianisme ait eu quelques peines à s'implanter. Un épisode de la vie de saint Vaast nous le montre. Se rendant à l'invitation de Clotaire Ier, il trouve à l'entrée de grands vases de bière plantés là par l'effet d'une superstition païenne. Les vases se brisent lorsque le saint homme fait un grand signe de croix. Mais le détail nous montre que même les grands ne renonçaient qu'à regret aux coutumes du paganisme.
 
Au VIIe siècle, nouvel effort missionnaire inspiré probablement par le roi Dagobert. Vers 639, saint Omer crée l'évêché de Thérouanne-Boulogne. Et surtout saint Amand, établi à Elnone sur l'Escaut (aujourd'hui Saint-Amand-les-Eaux), gagne à la nouvelle foi la partie septentrionale qu'évangélise aussi saint Eloi, évêque de Noyon. Cette fois, des résultats définitifs sont obtenus. Dagobert coordonne l'apostolat, augmente son efficacité, car l'introduction du christianisme et de sa hiérarchie ne peut que faciliter l'exercice de son autorité. Il est aidé par les grands qui, chrétiens eux-mêmes, se montrent bienveillant envers les fondations pieuses et surtout les abbayes. Car l'œuvre des évêques fut maintenue et complétée par les établissements monastiques. Aux VIIe et VIIIe siècles, quand le clergé séculier ne parut plus à la hauteur de sa tâche, les grandes abbayes diffusèrent et défendirent la foi. Arras ne dut de survivre qu'à l'abbaye dite de saint Vaast, fondée vers le milieu du VIIe siècle. Mieux encore : une ville nouvelle dut son existence à l'établissement que fondèrent, sur les terres d'une "villa" nommée Sithiu, Berthin, Mommelin et Ebertramm. Ce devait être Saint-Omer, car ces pieux personnages étaient disciples de l'évêque de Thérouanne qui porte ce nom. D'autres monastères sont à signaler: Renty, Samer, Wierre-au-Bois, Blangy-sur-Ternoise, Auchy-les Moines, Wormhoudt, Saint-Jean-au-Mont. Ce furent de puissants foyers de christianisme, mais aussi des organismes économiques : en 800, les moines de saint-Bertin achètent des étoffes en Angleterre."

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