In Collectif - Visages de la
Flandre et de l'Artois - collection "Provinciales" - éditions des
Horizons de France, Paris, 1949
"Les invasions
Au début du Ve siècle se
produisent les premières invasions des Barbares. Arras et Thérouanne sont
dévastées. La légende peint la catastrophe qui s'abat sur la cité atrébate :
saint Vaast venant en ces lieux y rencontre un ours énorme dans les ruines de l’ancienne
cathédrale. Saxons et Francs s'installent. Les premiers fondent des colonies en
Boulonnais (leur souvenir y persiste dans les noms de localités à désinence en
"thun"). Les seconds s'infiltrent partout, occupant très inégalement
le territoire. Au nord de la route Boulogne-Bavay, là où la civilisation
romaine a peu pénétré, ils s'établissent en nombre et leur langue, qui donnera
le flamand, finira par l'emporter. Au sud, la romanité était plus profonde, et
le nouvel apport germanique fut absorbé par la masse gallo-romaine, non sans
réagir sur elle. L'influence franque, si elle ne fit pas abandonner l'usage du
latin, a certainement joué sur les mœurs, l'habillement, l'armement.
Les Francs saliens installés, les
différents éléments ethniques dont le mélange donnera les Artésiens et les
Flamands sont en place. La région ne connaîtra plus guère de déplacements de
populations. Plus tard, au IXe siècle, d'autres Germains apparaîtront : les
Normands. Ils font un désert de certaines régions, mais, sauf à Guines, ne
fondent guère d'établissement durable.
La Christianisation
Dans l'intervalle s'était opérée
une profonde mutation : le christianisme d'était établi. Dès l'époque romaine,
les noms de Fuscien et Donatien pour Thérouanne, de Superior pour Cambrai, de Diogène
pour Arras sont associés à une première christianisation. Mais ces fragiles chrétientés
durent être bouleversées par les invasions et il fallut sans doute reprendre à
pied d'œuvre le travail missionnaire quand la conversion de Clovis donna à la
lutte contre le paganisme un caractère nouveau.
Au cours du VIe siècle, les deux
grands évêques sont saint Vaast et saint Eleuthère. Le premier, qui fut sans
doute désigné à Clovis par saint Rémi, eut son siège à Arras. Il mourut vers
540, ayant fondé sur les bords du Crinchon un ermitage qui devait porter son
nom. Son œuvre était précaire, car, peu de temps après sa mort, il n'y avait
plus d'évêque à Arras. A Tournai, saint Eleuthère ne réussit pas d'une manière
plus durable. La liste de ses successeurs ne va pas plus loin que 577. Il
semble bien que le christianisme ait eu quelques peines à s'implanter. Un
épisode de la vie de saint Vaast nous le montre. Se rendant à l'invitation de
Clotaire Ier, il trouve à l'entrée de grands vases de bière plantés là par
l'effet d'une superstition païenne. Les vases se brisent lorsque le saint homme
fait un grand signe de croix. Mais le détail nous montre que même les grands ne
renonçaient qu'à regret aux coutumes du paganisme.
Au VIIe siècle, nouvel effort
missionnaire inspiré probablement par le roi Dagobert. Vers 639, saint Omer
crée l'évêché de Thérouanne-Boulogne. Et surtout saint Amand, établi à Elnone
sur l'Escaut (aujourd'hui Saint-Amand-les-Eaux), gagne à la nouvelle foi la
partie septentrionale qu'évangélise aussi saint Eloi, évêque de Noyon. Cette
fois, des résultats définitifs sont obtenus. Dagobert coordonne l'apostolat,
augmente son efficacité, car l'introduction du christianisme et de sa
hiérarchie ne peut que faciliter l'exercice de son autorité. Il est aidé par
les grands qui, chrétiens eux-mêmes, se montrent bienveillant envers les
fondations pieuses et surtout les abbayes. Car l'œuvre des évêques fut
maintenue et complétée par les établissements monastiques. Aux VIIe et VIIIe
siècles, quand le clergé séculier ne parut plus à la hauteur de sa tâche, les
grandes abbayes diffusèrent et défendirent la foi. Arras ne dut de survivre
qu'à l'abbaye dite de saint Vaast, fondée vers le milieu du VIIe siècle. Mieux
encore : une ville nouvelle dut son existence à l'établissement que fondèrent,
sur les terres d'une "villa" nommée Sithiu, Berthin, Mommelin et
Ebertramm. Ce devait être Saint-Omer, car ces pieux personnages étaient
disciples de l'évêque de Thérouanne qui porte ce nom. D'autres monastères sont
à signaler: Renty, Samer, Wierre-au-Bois, Blangy-sur-Ternoise, Auchy-les
Moines, Wormhoudt, Saint-Jean-au-Mont. Ce furent de puissants foyers de
christianisme, mais aussi des organismes économiques : en 800, les moines de
saint-Bertin achètent des étoffes en Angleterre."
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire