Les 31 mai et 1er juin marquèrent le point culminant, mais
non la fin du drame de Dunkerque. En ces deux jours, plus de 132.000 hommes
arrivèrent sains et saufs en Angleterre, près d'un tiers ayant été embarqués le
long des grèves par de petits bâtiments sous des attaques aériennes acharnées
et sous le feu continu des canons. Le 1er juin, dès l'aube, les bombardiers
ennemis se montrèrent plus actifs que jamais, profitant souvent des intervalles
pendant lesquels nos chasseurs se retiraient pour faire leur plein. Ces
attaques nous coutèrent un nombre important d'embarcations remplies de soldats
et les dommages subis furent presque tous aussi lourds que pendant toute la
semaine précédente. Dans cette seule journée, les pertes dues aux attaques
aériennes, aux mines, aux vedettes, ou à des causes diverses, s'élevèrent à 32
bateaux coulés et 11 endommagés.
La phase finale fut menée avec beaucoup d'habileté et de
précision. Pour la première fois, on put établir des plans à l'avance au lieu
d'être forcés de s'en remettre à des improvisations d'heure en heure. Le matin
du 2 juin, il restait environ 4.000 Britanniques avec sept canons de D.C.A. et
douze canons antichars dans les faubourgs de Dunkerque, tandis que des forces
françaises encore considérables tenaient le périmètre décroissant de Dunkerque.
L'évacuation n'était désormais possible que dans l'obscurité, et l'Amiral
Ramsay décida de faire la nuit même une descente massive vers le port avec
toutes les ressources dont il disposait. Outre des remorqueurs et de petites
embarcations, 44 vaisseaux furent envoyés ce soir-là d'Angleterre, dont 11
destroyers et 14 dragueurs de mines. Quarante bâtiments français et belges
participèrent également à l'expédition. Avant minuit, l'arrière-garde
britannique était embarquée.
Ce ne fut toutefois pas encore la fin de l'histoire de
Dunkerque. Nous nous étions préparés à transporter cette nuit-là un nombre de
Français considérablement plus élevé qu'il ne s'en présenta. Le résultat fut
que lorsque nos vaisseaux dont beaucoup étaient encore vides, durent s'en
retourner à l'aube, un grand nombre de soldats français, qui en grande partie
tenaient encore le contact avec l'ennemi, demeura à terre. Il fallait faire
encore un effort de plus. Malgré l'épuisement des équipages après tant de jours
sans repos ni répit, l'appel fut entendu. Le 4 juin, 26.175 Français
débarquèrent en Angleterre, dont plus de 21.000 sur des bâtiments britanniques.
Malheureusement, il en restait des milliers, qui avaient vaillamment protégé
l'évacuation de leurs camarades.
Enfin, à 14 h 23, ce jour-là, l'Amirauté annonçait, d'accord
avec les Français, que l' "Opération Dynamo" était terminée.
Winston S. Churchill : "Mémoires sur la deuxième guerre
mondiale", tome II -
Mai-décembre 1940, la Chute de la France, Paris, éditions
PLON, 1949
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