in R. Hillary - La dernière victoire,
Delachaux & Niestlé, 1943,
Etudiant qui s'apprêtait à devenir journaliste, Richard Hillary devient
pilote de chasse dès le début de la seconde guerre mondiale mais décède en
service en 1943.
"On chuchotait que des
Lysandres [Lysander] faisaient le saut par-dessus la Manche, deux ou trois fois
par jour, pour essayer de lancer des approvisionnements à la garnison assiégée
dans Calais. Ils n'étaient accompagnés parfois que d'un seul Hector, pour toute
protection de chasse. Comme les Lysandres étaient censés opérés toujours à
l'abri d'un rideau de chasseurs, nous imaginions bien combien désespérée devait
être la situation.
Alors vint Dunkerque.
Après des jours passés sur les
plages sans voir d'avions britanniques, les rescapés, rentrés en Angleterre,
étaient amers et c'était bien naturel. On ne pouvait s'attendre qu'ils sachent
que, si nous n'avions réussi un moment à obtenir la supériorité aérienne
derrière eux, au-dessus des Flandres, ils n'auraient jamais quitté Dunkerque
vivants. Pour nous, l'évacuation était encore une histoire de journaux. Un jour
de permission, Noël Howes et moi nous rendîmes en auto à Brighton et jugeâmes
les choses par nous-mêmes.
des soldats allemands posent sur l'épave d'un spitfire dans la région de Dunkerque
La plage, les rues et les cafés
grouillaient d'un amas de soldats - Anglais, Français et Belges. Ils n'avaient
pas le sou mais étaient royalement traités par les habitants. Ils étaient en
loques et fatigués. Pendant que Howes s'arrangeait avec une petite blonde et
disparaissait avec elle et l'auto pour le reste de la journée, Noël et moi nous
trouvâmes bientôt dans divers cantonnements avec le rôle d'interprètes pour les
Français. Ils étaient vraiment morts de fatigue, mais très patients. Cela avait
été si long! Qu'importaient une ou deux heures de plus ! Leur requête la plus
fréquente était un endroit où se baigner les pieds. Devant l'évidence du gâchis
qui régnait dans la ville - quelques cantonnements se trouvaient bourrés et in
ne restait nul espoir d'u trouver place; d'autres étaient dénués de tout - nous
renonçâmes à nous rendre utile. Cueillant en route deux soldats français et un agent
de liaison belge, nous les emmenâmes boire quelque chose. Le bar choisi
grouillait d'uniformes kaki, amas de soldats transpirants et bruyants. Avant
même d'avoir pu obtenir une boisson, nous étions entraînés dans de
demi-douzaine de discussions sur la situation exacte de notre aviation
au-dessus de Dunkerque. Ayant connu personnellement quelques pilotes qui
avaient été tués dans cette action et possédant certaines précisions sur les
faits exacts, nous trouvâmes difficiles de demeurer calmes.
Pour rendre justice au Corps
expéditionnaire britannique, il convient de dire que son retour de Dunkerque
n'eut pas partout ces aspects de cohue. Une histoire des Grenadiers de la Garde
faisait déjà le tour du pays. En colonne par trois, ils s'étaient avancés sur
la jetée, à Dunkerque, avec leur paquetage sur le dos, comme s'ils partaient
pour une marche sur route. Un officier du Territorial, les voyant au repos,
s'avança et commença à leur aire distribuer cuillères et fourchettes, pour
manger les aliments qu'on allait leur faire passer. Ses efforts furent
suspendus par la réflexion sommaire et plutôt mordante d’un jeune sous-officier
de la Garde : "Merci! dit-il, mais les grenadiers transportent toujours
leurs propres services."
Les Français étaient moins amers,
peut-être par simple politesse, mais plus probablement parce qu'ils avaient vu
une ou deux escadrilles anglaises, mais aucune française. Mais ce fut notre
agent de liaison belge qui nous surprit et qui nous fit plaisir en confirmant
tout ce que nous disions.
"Comment pouvions-nous nous
attendre à voir beaucoup de chasseurs britanniques? demandait-il. Un brouillard
épais recouvrait les plages et ils étaient au-dessus."
Pourtant, il avait vu un combat :
un Spitfire isolé au milieu de quatre Junker. Pour lui, disait-il, ç'avait été
symbolique et il reconnaissait avoir prié. Si ce Spitfire s'en tirait, alors
ils seraient tous sauvés. Sa prière fut exaucée. Le Spitfire descendit deux
Allemands, mit le troisième hors de combat; le quatrième s'enfuit.
Nous demeurâmes là, assis, jusque
tard dans la nuit, conversant, discutant, chantant, nous grisant. Les rescapés
étaient fatigués, détendus, heureux e se reprendre, et, pour l'instant, sans
soucis. Nous, nous étions prêts à tout, dans l'attente, éperonnés par notre
premier contact réel avec la guerre, impatients de recevoir l'ordre d'entrer
dans l'action."
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